« Un lycée « purement » modulaire où les élèves choisissent leurs formations ne fait en rien disparaître les hiérarchies de « prestige » entre les disciplines, ni les inégalités de choix d’orientation entre les élèves, en fonction du genre, de la classe sociale, du niveau scolaire ». Dans une analyse poussée, le Snes prend clairement position contre ce qui se dessine comme la réforme souhaitée par le gouvernement : un bac à l’anglaise où l’élève « choisit » sa voie dictée par les exigences universitaires.
Le modèle britannique
Dans un document publié le 4 décembre, le secteur lycée du Snes publie une analyse du lycée modulaire ou « à la carte ». Le Snes se base sur ce qui existe : le modèle britannique dont on voit bien que c’est lui qui sert de référence à l’équipe gouvernementale. Un lycée où , après l’école obligatoire, qui se termine à 16 ans, les élèves choisissent 4 ou 5 disciplines en première puis 3 en terminale en fonction de leur projet universitaire.
Comme dans la réforme Vidal, ce sont les pré requis universitaires qui guident le choix du jeune. Les universités ont des prétentions variables selon leur cote. Et les jeunes doivent « choisir » en fonction de l’établissement et de la filière qu’ils visent.
La fausse liberté des lycéens
Ce que montre le Snes c’est que « laisser les élèves « libres » de choisir leurs disciplines, c’est en grande partie laisser des déterminismes sociaux et scolaires jouer librement sur les choix individuels ». Ainsi le clivage de genre existe comme en France : on trouve deux fois plus de garçons à faire es maths que de filles, et deux fois plus de filles en littérature. Les disciplines scientifiques sont masculines, les littéraires ou la sociologie c’est pour les filles.
Le « libre choix » des élèves dépend aussi de leur établissement d’origine : plus un établissement est socialement sélectif plus on y fait des maths. « Les élèves d’un bon niveau choisissent massivement des disciplines scientifiques, alors que les élèves faibles s’en détournent », note le snes. Evidemment ces choix sont connotés socialement. De la même façon, fait remarquer le snes, la liberté de choix sert les intérets des plus favorisés aussi parce qu’ils connaissent les bonnes filières. Les dés sont pipés.
Réduire les horaires des lycées
La conclusion du snes c’est que « les séries françaises, parce qu’elles sont plus larges, parce qu’elles incluent davantage de disciplines, permettent en réalité un choix bien plus large et bien moins risqué pour les élèves ». C’est aussi ce qu’avait conclu le Cnesco dans son étude sur le bac où il montrait que les examens nationaux à bande large sont plus justes socialement et poussent les élèves de milieu défavorisé.
Il y a pourtant quelque chose qui manque dans l’argumentaire du Snes. C’est ce qu’entraine ce pilotage par les pré-requis universitaires. Au final ce qui compte ce sont les 4 ou 5 disciplines qui sont attendues par les universitaires qui sélectionnent les étudiants. Par suite, les autres disciplines perdent totalement leur intérêt.
En Angleterre c’est simple : les élèves ne suivent que les 5 puis 3 disciplines exigées. Le reste est dégagé. En France ce sera surement plus insidieux. Mais aux yeux des élèves ce qui compte c’est le résultat final. Que pèseront des disciplines qui ne serviront plus à rien ? Comment refuser le bac à des candidats qui remplissent le pré requis mais qui n’ont pas tout suivi ? Le lycée modulaire c’est aussi le lycée qui permettra de baisser le nombre de fonctionnaires.
François Jarraud