Par François Jarraud et Françoise Solliec
Organisé par le ministère de l’éducation nationale, IMNE (Image, Numérique et Education) est une manifestation annuelle qui valorise des ressources pédagogiques numériques repérées par l’institution. Chaque année, c’est le rendez-vous de tous ceux qui s’intéressent aux TICE, qu’il s’agisse d’enseignants, d’éditeurs, de chercheurs ou de cadres de l’éducation. Mercredi 13 octobre, malgré les perturbations dans les transports, ils étaient plus nombreux qu’en 2009 pour découvrir un menu qui promettait d’aller « de nano à giga ». C’est bien que, malgré le relativement faible développement des TICE dans le système éducatif français, un intérêt, voire une urgence, sont partagés par de nombreux acteurs du système éducatif.
« Du nano au giga », le thème retenu touche à plusieurs disciplines dans deux pôles : les sciences, au sens large, et les arts.
Les présentations scientifiques ont ouvert la journée en montrant le rôle du numérique pour le chercheur travaillant sur l’infiniment petit (le nano) ou l’infiniment grand (le giga). Roland Lehoucq, astrophysicien, rappelle que le chercheur n’aborde ces domaines qu’à travers des outils électroniques qui imposent leur médiation. Du coup la simulation, qui passe par l’image, est le seul moyen dont les chercheurs disposent pour se représenter les données de leurs travaux et pour les manipuler. D’où la nécessité pour le CEA de concevoir des représentations. Laetitia Grillère (CEA) et Grégory Syoën, CNDP, ont montré quelques unes de la centaine d’animations scientifiques réalisées par le CEA d’abord pour un usage interne et maintenant pour les enseignants. Cela a amené le CEA à revoir leur réalisation pour l’adapter à un usage scolaire par exemple en donnant plus de contrôle aux utilisateurs. Pour Grégory Syoën (CNDP) elles permettent de travailler efficacement des notions.
Avec Lame virtuelle, c’est un projet de microscope électronique virtuel qui est présenté. Il associe l’académie de Nancy-Metz et l’université de Lorraine. Des images sont acquises ainsi en utilisant du matériel médical de pointe. Elles sont ensuite mises à disposition et consultables à distance à travers un logiciel de navigation. Cela donne la possibilité de travailler sur des organes humains et d’utiliser en classe des outils inaccessibles. Pascal Faure a pu donner des exemples d’utilisation en SVT en 4ème (dissection d’un testicule). Mais la même base peut être interrogée au lycée ou dans le supérieur. Un site d’accompagnement destiné aux enseignants est en construction. Un autre projet concernait aussi les SVT. Il s’agit de Tara océans. Médiatisé par France 3, Tara océans mène campagne sur les océans. Les TICE sont utilisées pour modéliser les découvertes et pour observer la composition en virus, protistes etc. de l’eau d e mer.
A partir d’objets observés au microscope optique, Fabien Crégut, professeur de SVT, fait créer des animations à ses élèves pour leur faire mieux cerner différents phénomènes. Ainsi, à partir d’un croquis de neurone, réalisé sur Tablet PC puis légendé, d’après une photographie au microscope, une animation montre le principe d’une transmission synaptique. Pour une animation décrivant une phagocytose, le principe est le même : série de croquis à partir d’images sélectionnées du film, retraçant les étapes (contact, absorption, digestion et rejet). Ces méthodes de travail présentent plusieurs intérêts : travaux à partir d’un objet microscopique réel, identification des éléments clés, écriture d’une légende et choix des croquis qui formeront l’animation. Toutes ces activités se réfèrent directement à plusieurs piliers du socle commun.
Voir les animations sur le site
http://www.monanneeaucollege.com
Sophie Edouard, professeur de sciences physiques, et Philippe Arbogast, chercheur en météorologie, présentent les animations disponibles sur le site Méteo-France éducation à propos de la prévision des tempêtes. Décrivant le développement de la tempête Xynthia à travers un modèle numérique, l’animation présente plusieurs hypothèses de perturbations qui débouchent ou non sur une tempête.
Animations visibles sur
En comparant des cartes à différentes échelles, disponibles sur Edugeo, Jackie Pouzin, met en lumière les grandes structurations de communication, telles la convergence des voies routières et ferroviaires sur Paris. A une plus grande échelle, c’est le nœud créé autour de Disneyland, « le nombril de l’Europe » qui frappe de la même manière. Enfin, on retrouve encore cette structuration radiale au cœur même de Disneyland.
Mais il n’y pas que les échelles de distance qui sont importantes, les échelles temporelles aussi. Ainsi, l’évolution de l’aérogare de Roissy entre 1970 et 2000 révèle l’importance de prendre en compte la multiplication des voyageurs et de leurs moyens d’accès.
Et les arts ? Autre domaine d’utilisation des échelles et du numérique, l’expérience musicale présentée par Etienne Gégout, professeur en collège à Pulnoy (55), a recueilli les suffrages du public. En utilisant un logiciel de l’INA GRM, l’Acousmographe, E. Gégout leur fait découvrir puis imiter des chants traditionnels mongols ! C’est plus qu’une technique manipulatoire qui est transmise, c’est des connaissances, du plaisir et l’assimilation de notions. Denis Dufour, professeur d’arts plastiques, fait travailler ses élèves avec un logiciel pour leur faire découvrir la force du regard et la démarche d’observation.
Le projet PhotosNormandie s’inscrit dans cette journée avec l’objectif de montrer comment on peut mettre en valeur des nano-données parmi un ensemble gigantesque d’informations. A partir de plus de 2700 photos du débarquement en Normandie, prises entre le 6 juin et la mi-août 1944 majoritairement par les services de presse américains et canadiens, il s’agit d’en donner une description documentaire la plus complète et la plus contextuelle possible. Ainsi, explique Patrick Peccatte, chercheur à l’EHESS, une photo, montrant l’avancée d’une division, a-t-elle fait l’objet d’une reconstruction complète : identification du n° de la division, reconstitution de son trajet, puis recherche par Google Street view de l’endroit exact de la photo sur ce trajet, avec le risque que les lieux aient tellement changés qu’ils ne soient plus possibles de les identifier ainsi.
Toutes les photos sont libres de droit et accessibles ur Flickr.
http://www.flickr.com/photos/photosnormandie/
Quelle force dans ces expériences ? Toutes ces présentations de qualité ne peuvent évidemment pas faire oublier le triste niveau de développement des TICE dans le système éducatif français. L’enquête PISA a montré que les jeunes français sont parmi ceux qui utilisent le moins les « nouvelles technologies » en classe. Pourtant une journée comme IMNE se justifie pour plusieurs raisons. D’abord parce qu’elle montre que l’école sait s’ouvrir aux partenariats culturels. Plusieurs expériences associaient des établissements scolaires et des entreprises comme le CEA ou des universités, comme celle de Lorraine. Denis Dufour travaille avec le musée de Brive et recommande d’utiliser les ressources du service de conservation du Louvre. Les tice permettent aux établissements de rejoindre la culture savante et de sortir de la culture purement scolaire, héritée du 19ème siècle. C’est aussi ce que fait Jackie Pouzin quand il utilise un outil répandu en entreprise et dans les administrations, le SIG.
En ouvrant la journée, Jean-Michel Blanquer, directeur de l’enseignement scolaire, disait que « les séquences permettent de mettre en avant les différentes modalités de collaboration entre l’éducation nationale et des organismes extérieurs ». L’autre avantage de cette journée je le tire encore de JM Blanquer : Imne permet de « donner la parole à des pédagogues créatifs… une assemblée d’avant-garde mais reliée à l’ensemble du système éducatif ». Les enseignants présents sur place étaient convaincus de l’intérêt de cette journée pour redonner de l’énergie et de l’espoir. L’école en a bien besoin…
Ressources CEA
Tara
Sur le site du Café
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