Choukri Ben Ayed : L’éducation prioritaire et la discrimination positive
« L’éducation prioritaire donne plus à ceux qui ont moins ». C’est cette affirmation, tant répétée, que le sociologue Choukri Ben Ayed démonte de façon magistrale dans un nouveau numéro de la Revue française d’administration publique (n°162, 2017). Sur le plan juridique la politique d’éducation prioritaire ne rompt pas avec le droit commun. Sur le plan de l’allocation des moyens, C Ben Ayed démontre qu’il y a persistance d’une allocation défavorable aux élèves des réseaux d’éducation prioritaire. Si l’éducation prioritaire est utile, on reste loin d’une politique de discrimination positive.
Une politique qui ignore sa cible
A quel genre politique appartient la politique d’éducation prioritaire à la française ? C’est la question qu’étudie le sociologue Choukri Ben Ayed dans la Revue française d’administration publique. Question pas simple car il y a un écart sensible entre les propos politiques et la réalité.
Basée au départ sur de simples circulaires, l’éducation prioritaire a une base juridique faible ce qui n’est pas un signe d’engagement bien fort de la Nation. C Ben Yaed relève que cette politique ne vise pas des population légalement définies. Elle vise des zones géographiques. Pire encore cette politqiue affiche une méfiance envers ses destinataires , le scarences familiales étant supposées être responsables de la situation défavorable. « La discrimination positive résulte, en premier lieu, d’un constat d’un désavantage à l’endroit d’une population spécifique pour l’accès à certains biens ou espaces. Ces désavantages, parfois lourds (apartheid, ségrégations légales, inégalités massives), peuvent être considérés comme des « torts »… Dans le cas de la France, la notion de tort n’apparaît pas comme un argument dans l’émergence de l’éducation prioritaire. Les élèves bénéficiaires ne le sont pas en référence à une situation historique particulière, mais uniquement parce qu’ils sont scolarisés dans une zone géographique éligible où sont concentrées des populations socialement défavorisées…Les torts redevables à la société elle‑même sont très diffus comme la précarité de l’environnement urbain, familial, culturel. Tout se passe en réalité comme s’il y avait une inversion de la charge. C’est ce que signifie la notion de compensation, en officialisant des carences (éducatives, culturelles, sociales) attribuées aux élèves ainsi qu’à leurs familles, qui expliqueraient des destins scolaires défavorables que la politique publique escompterait de corriger ».
Une politique aux moyens mal connus
Une politique de discrimination positive exigerait aussi des objectifs chiffrés ce qui n’ets pas le cas pour l’éducation prioritaire.C Ben Ayed compare avec des politiques de discrimination positive françaises comme celle en faveur de l’emploi des handicapés.
L’éducation prioritaire apporte-elle davantage de moyens aux établissements et aux élèves ? Difficile de le retrouver dans la comptabilité de l’Education nationale. Mais C Ben Ayed renvoie au rapport de la Cour des comptes de 2012 qui constate qu’il n’y a pas corrélation entre le smoyens et les difficultés scolaire. En 2011 par exemple la Seine Saint Denis perdait 426 postes pour 3836 collégiens supplémentaires quand Paris en gagnait 20 pour 100 élèves en plus.
Depuis des efforts ont été faits. Notamment un programme de répartition des postes sur critères sociaux. Mais le Café pédagogique a déjà eu l’occasion d’en montrer les failles.
Quel avenir pour l’éducation prioritaire ?
Pour C Ben Ayed, » ces évolutions récentes de l’éducation prioritaires n’ont pas levé toutes les ambiguïtés relatives au statut de cette politique au sein des politiques publiques françaises, les mesures en faveur de l’éducation prioritaire ne s’affranchissant en effet que très rarement du droit commun..
Sa conclusion hésite et pos ela question de l’avenir. » Il est significatif de constater, pour le cas de la France, que ce sont des institutions différentes de l’Éducation nationale qui ont attiré l’attention sur la sous‑dotation de l’éducation prioritaire : l’INSÉE, la Cour des comptes, le Défenseur des droits, des actions citoyennes. L’article a montré néanmoins que la situation n’est pas figée. Si la notion de discrimination positive n’est plus nécessairement mobilisée dans les textes officiels et les documents administratifs, les alertes n’ont pas été sans effets. La notion de réseau d’éducation prioritaire renforcé, l’introduction d’un indice social dans l’allocation des moyens d’enseignement, peuvent‑être interprétés comme autant de réponses à ces alertes. Les données publiées, sous le contrôle du parlement notamment, ont confirmé pour la période récente les efforts financiers consentis en faveur de l’éducation prioritaire. Ces données appellent néanmoins une certaine prudence. En l’absence d’un seuil retenu au‑delà duquel le traitement préférentiel pourrait être démontré et incontesté, ces efforts peuvent être appréhendés uniquement comme des éléments de rattrapage. Le cas de la Seine‑Saint‑Denis montre le chemin restant encore à parcourir pour parvenir à une égalité de fait entre les élèves de ce département et ceux scolarisés dans des départements plus aisés. »
F Jarraud
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