A quelques mois du lancement du plan numérique gouvernemental qui doit aboutir à équiper tous les collégiens d’une tablette d’ici 2018, la dernière livraison de PISA 2012 apporte de mauvaises nouvelles. Publiée le 15 septembre, la partie de l’enquête internationale de l’OCDE sur les élèves de 15 ans et les nouvelles technologies montre que les pays qui se sont lancés dans une informatisation rapide de l’enseignement obtiennent de mauvais résultats. Pire : globalement, plus un jeune utilise les nouvelles technologies à l’école, moins bons sont ses résultats. Mais il y a des exceptions : des pays savent allier numérique et un bon niveau scolaire. Moralité, le plan numérique ne suffira pas…
Ce dernier volume de l’étude PISA 2012 dresse un portrait précis de l’équipement et des compétences en lecture et en mathématiques en environnement numérique.
La fracture numérique c’est fini…
Selon Pisa, 96% des élèves de 15 ans disposent d’un ordinateur à la maison et la moitié en comptent même au moins trois. 72% utilisent des ordinateurs à l’école, avec des différences sensibles selon les pays. De ce fait on peut dire que la « fracture numérique » a disparu dans beaucoup de pays, comme en Europe. Le numérique est très intégré à l’enseignement dans les pays nordiques et en Australie. Il l’est peu en Asie (Japon Shanghai par exemple) , en Pologne et en Allemagne. La France n’a pas participé à cette partie du questionnaire de Pisa. Mais l’enquête Talis de l’Ocde montrait un taux d’usage du numérique à l’école en France nettement en dessous de la moyenne européenne.
Les surprises des compétences en environnement numérique
Alors comment les jeunes français se comportent-ils en matière de compétence de lecture ou de maths dans un environnement numérique ? Là Pisa apporte une bonne surprise. La France est dans le peloton de tête aussi bien en lecture qu’en maths. Nos résultats sont meilleurs que dans les exercices crayon papier. Avec un score de 511 points en compréhension de l’écrit, la France est au dessus de la moyenne OCDE (497) et au niveau de Taipei ou des Etats-Unis. Au dessus de nous, planent Singapour, la Corée, le Japon, le Canada et l’Australie. En performance mathématique, la France a 508 points (moyenne 497) et la hiérarchie est la même. Parmi les pays de niveau faible, le Portugal, l’Espagne deux pays qui ont pourtant beaucoup investi dans le numérique éducatif. Inversement les pays qui parlent avec les dieux sont ceux qui utilisent très peu le numérique à l’école.
Courbe fatale..
Parce que la grande leçon de Pisa, c’est que plus un pays utilise les TIC à l’école, moins bons sont ses résultats. Un graphique illustre cela : les résultats diminuent en fonction de la durée de l’utilisation des TIC. C’est vrai au niveau national : le Japon la Corée, Shanghai, ont de très bons résultats alors que les ordinateurs sont absents à l’école. D’une certaine façon c’est aussi le cas de la France. Ca se vérifie aussi à une échelle plus petite : en Italie les établissements qui ont les meilleurs résultats en compétences mathématique ou de lecture dans un environnement numérique sont ceux qui utilisent le moins le numérique…
Le plan numérique ne fera pas de miracle…
Evidemment, à une rentrée d’un « grand plan numérique » qui doit doter tous les collégiens de tablettes sur trois ans, les résultats de Pisa ne sont pas une bonne nouvelle pour le gouvernement. « Il ne faut pas attendre de miracle de ce plan numérique », a dit sans ambages Eric Charbonnier, de la Direction de l’Education de l’OCDE. « Ca ne va pas révolutionner les performances ». Pour Francesco Avvisati, l’analyste de l’OCDE qui a travaillé sur ces résultats, « il ne suffit pas de penser aux équipements. Il faut penser aux finalités pédagogiques ». « Ce n’est pas clair comment le plan sera intégré aux programmes scolaires », estime Eric Charbonnier. « Or c’est ça qui fera la différence ».
Pour l’OCDE, l’introduction du numérique ne peut être efficace que si les enseignants sont formés aux usages pédagogiques du numérique. « Les pays qui ont de bons résultats et de fortes pratiques numériques, comme le Danemark ou l’Australie, sont ceux qui ont 5 à 10 ans de pratique derrière eux et qui savent utiliser le numérique ». En France, « le numérique doit aider à la professionnalisation des enseignants et à améliorer leurs pratiques ».
On mesure le chemin à parcourir en France. L’enquête Talis a montré que la demande de formation des enseignants français aux usages du numérique sont nettement au dessus de celle de leurs collègues des autres pays de l’OCDE. Mais l’OCDE pense qu’il faut aller plus loin encore. « C’est l’occasion de revenir sur la formation des enseignants, de les rendre plus acteurs de leur formation continue ». Car pour Eric Charbonnier, « un des enjeux c’est de créer une culture de collaboration entre les enseignants », référence là aussi à Talis qui montrait que les enseignants des collèges français collaborent peu. C’est une nouvelle culture enseignante liée à une certaine prise de pouvoir qui doit accompagner le plan numérique. Pas sur que la vieille institution soit d’accord…
Le numérique un remède aux difficultés de l’école française ?
Mais ça vaut la peine car Pisa ouvre aussi des perspectives grâce au numérique. Selon Pisa, alors que la France compte 20% d’élèves vraiment faibles, il n’y en a plus que 12% aux tests de lecture et maths dans un environnement numérique. Le niveau des jeunes français dans cet environnement est nettement au dessus de leur niveau avec les outils traditionnels. Le numérique permet donc de réduire les inégalités de niveau qui sont le problème majeur du système éducatif français. Le numérique réduit aussi l’écart entre les sexes : le niveau des garçons est supérieur de 16 points en environnement numérique qu’aux tests crayon papier. L’introduction du numérique en éducation vaut la peine. Mais elle doit être pensée, accompagnée et évaluée.
François Jarraud