Ce sont les best sellers de l’été. Sur les 10 meilleures ventes de livres de la deuxième semaine de juillet, 7 sont des cahiers de vacances, et la 11ème est un cahier de vacances pour maternelle. La grande coupure de l’été est aussi le moment où les parents inquiets cherchent à maintenir ou même à améliorer le niveau scolaire de leur enfant. Et pour quatre écoliers sur cinq cela passe par un cahier de vacances à remplir durant l’été. Mais les cahiers de vacances sont-ils efficaces ? Et que faire d’autre ? Voilà ce que disent les experts…
Les best sellers de l’été
En 2017 il s’en est vendu près de 5 millions d’exemplaires pour un chiffre d’affaire de 23 millions d’euros. Les cahiers de vacances sont bien les best sellers de chaque été. On les trouve d’ailleurs partout. En librairie , bien sur, mais aussi dans les grandes surfaces qui constituent de très loin les plus importants points de vente. On trouve aussi facilement sur Internet des cahiers de vacances gratuits à télécharger.
Ce rappel permanent des cahiers de vacances joue sur la culpabilité des parents. Puis je laisser mon enfant tout l’été sans aucun rappel scolaire ? Ne faut-il pas le préparer à sa future classe ? La pression scolaire a fini de s’imposer aux parents au point que les cahiers de vacances ont remonté la scolarité et sont proposés maintenant dès la maternelle.
L’éducation nationale a légitimé cette évolution en proposant ses propres cahiers de vacances. En 2008, X Darcos avait lancé des « Cahiers d’Europe » destinés aux élèves à partir de 7 ans jusqu’à la fin du collège. Ces cahiers ont été réédités en 2012 et sont toujours en ligne…
En même temps, les cahiers sont devenus plus ludiques. Les jeux ont pénétré les collections les plus sérieuses. Les éditeurs misent sur de nouvelles approches pédagogiques et s’alignent sur les codes des albums pour la jeunesse.
Des cahiers qui servent surtout aux bons élèves…
On sait tout de l’usage qui est fait des cahiers de vacances grâce à une étude de Fabienne Rosenwald et Magda Tomasini parue dans Education & formations en 2005. L’âge d’or des cahiers de vacances c’est l’école élémentaire. 59% des écoliers en recevraient, mais plus des deux tiers des élèves de CE1 et Ce2. En maternelle, déjà 22% des enfants auraient leur cahier de vacances. L’usage décroit ensuite sauf aux classes charnières. La moitié des élèves entrant en 6ème et en 2de ont fait un cahier de vacances durant l’été. Globalement cela ne concerne que 44% des collégiens et 33% des lycéens généraux et technologiques, 22% des élèves des LP.
Contrairement à ce qu’on pourrait penser, ce sont surtout les bons élèves qui utilisent les cahiers. Selon Fabienne Rosenwald et Magda Tomasini, seuls 31% des redoublants travaillent sur un cahier de vacances durant l’été contre 44% des non redoublants. Ce sont aussi les enfants les plus privilégiés. A l’entrée en CP, 64% des enfants de cadre ont bénéficié d’un cahier contre 29% des enfants d’employés. A l’entrée en 6ème, 86% des enfants d’enseignants et 54% des enfants de cadres ont suivi un cahier contre 40% des enfants d’employés.
Pour quelle efficacité ?
Mais que savons-nous de l’efficacité des cahiers de vacances ? En 2001, Jean-Pierre Jarousse et Christine Leroy-Audoin ont étudié, pour l’IREDU, l’efficacité des activités scolaires des élèves en été. Leur travail montre que celles-ci ont bien un impact sur les résultats scolaires. Mais l’efficacité varie selon le support.
Globalement l’effet des cahiers de vacances se lit dans les notes qui remontent entre juin et septembre , notent les auteurs. Mais cela varie selon les cas. Au primaire, « à niveau comparable en juin, les élèves ayant déjà redoublé, les enfants des familles dans lesquelles aucun des deux parents n’est cadre, les élèves appartenant à de larges fratries ont tendance à maintenir significativement moins leurs acquis. Les écarts qui se constituent pendant l’été sont presque de même ampleur que ceux qui se sont constitués tout au long de l’année scolaire, quelle que soit la discipline. Seuls les élèves de milieu défavorisé qui ont travaillé et rempli complètement leur cahiers de devoirs de vacances compensent en partie leur handicap en faisant jeu égal avec les enfants de milieu favorisé … qui n’ont pas travaillé… Au collège : à activité scolaire comparable pendant les congés, les élèves de milieu favorisé améliorent plus que les autres le niveau de leurs notes entre Juin et Septembre. C’est au sein du groupe des écoliers forts que le travail scolaire pendant les vacances se révèle le plus profitable, et ce quel que soit le support ».
Ainsi les enfants qui terminent leur cahier de vacances ont de meilleurs résultats que ceux qui ne l’ont pas fait. Il ne suffit pas de passer le cahier à la caisse du supermarché, ou d’aller jusqu’à la page 6. Il faut vraiment terminer le cahier de vacances pour en tirer le bénéfice. Or, seulement 39% des enfants terminent leur cahier de vacances. 3% ne l’ouvrent même pas !Les filles les finissent plus souvent que les garçons et les redoublants moins souvent que les autres, précisent Fabienne Rosenwald et Magda Tomasini.
Enfin bien d’autres critères entrent en jeu dans cette efficacité, comme l’accompagnement familial. » A certains enfants, ceux des milieux favorisés, (le temps des vacances) permet de bénéficier à temps plein de leur environnement plus favorable et d’activités, parfois en apparence peu scolaires, qui renforcent leurs compétences ; à d’autres, il fournit l’occasion de s’atteler à un véritable travail.. qui doit conduire au minimum au maintien des acquis scolaires ».
Que faire d’autre ?
Ainsi, plus que ceux qui travaillent sur des cahiers de vacances, les vrais profiteurs des congés sont les jeunes qui ont des activités culturelles avec leurs parents. Visites commentées, pièces de théâtre jouées en famille, concerts estivaux avec cousins et cousines, maths avec son grand frère ont un impact plus fort que le remplissage des cahiers. Mais ces activités nécessitent une proximité avec l’école qui reste l’apanage des familles favorisées ou enseignantes.
Les vacances renforcent les inégalités
Une certitude : le temps des vacances renforce les inégalités scolaires. « Ceux qui ne participent pas au mouvement.. ont de fortes chances de se laisser distancer dans une compétition dont ils pensent, à tort, que la reprise officielle n’est programmée qu’à la rentrée » écrivent Jean-Pierre Jarousse et Christine Leroy-Audoin. « Finalement le travail scolaire pendant les congés conduit à un renforcement des différences sociales, sexuelles et scolaires de réussite « . Alors pas de trêve à la compétition cet été ?
François Jarraud
Les cahiers de vacances de maths d’Yvan Monka (6ème à terminale)