Par Antoine Maurice et Benoît Montégut
Nous vous avons sélectionné quelques passages de ces deux jours en vous proposant une série de reportages sur les différentes interventions que nous avons suivies.
Annie Feyfant (Institut français de l’éducation) : l’évaluation en classe : un outil pour apprendre et pour enseigner
Annie Feyfant, chercheur à l’Ifé (Institut français de l’éducation) a fait une large revue de ce qui se pratique au niveau international en terme d’évaluation. Le moins que l’ont puisse dire, c’est que c’est très disparate : avec ou sans note, avec des lettres, en pourcentage d’acquisition des compétence etc. Les modalités d’évaluation sont très diverses et c’est aussi un sujet important chez nos pays voisins. Annie Feyfant met également en évidence que les évaluations internationales sont devenues un guide pour les politiques nationales avec la nécessité de faire du « benchmarking » (regarder ce qui fonctionne dans les autres pays, se comparer à eux). Or elle montre qu’il y a bien souvent une logique de rentabilité immédiate, au risque de perdre ses moyens financiers : « les résultats d’évaluation occultent les objets d’apprentissage. Le problème, c’est la logique de rentabilité immédiate, le rendre compte ».
L’auteur évoque des piste de travail permettant le passage d’une évaluation des apprentissages en évaluation pour les apprentissages : « c’est l’idée que l’évaluation n’est pas là pour trier ou classer, mais bien pour donner une valeur éducative à l’évaluation, pour aider les élèves dans leurs apprentissages, pour partager des informations ». Elle met en avant l’idée de travailler pour les apprentissages en se centrant sur des compétences à acquérir plutôt que d’imaginer une note.
L’observation en EPS : un moyen de poursuivre les enjeux de l’EPS grâce aux EPI ?
Carole Sève a présenté les différentes conceptions de l’apprentissage et formats d’observation d’activité des élèves. Elle précise bien dans son intervention que lorsque l’on est enseignant, « on est dans une logique de recherche de l’efficacité pragmatique ». Quand on est enseignant, on peut mobiliser des connaissances scientifiques de plusieurs cadres théoriques. La logique scientifique n’est pas la logique de l’enseignant qui recherche les meilleurs moyens pour faire progresser ses élèves. Les appuis scientifiques ne sont qu’un support.
Carole Sève a également fait un point en conclusion sur les EPI. La crainte que l’Inspectrice Générale entend régulièrement formuler sur les EPI, c’est que ça risque d’hypothéquer le temps moteur des élèves. Pour elle l’observation en EPS peut être au contraire un moyen de prolonger les enjeux de l’EPS dans d’autres disciplines, c’est-à-dire de recueillir des traces de l’activité des élèves qui pourront constituer des supports pour d’autres acquisitions. Elle évoque plusieurs pistes de travail comme par exemple de « prolonger les expériences vécues par les élèves par du récit ». En effet, l’EPS est riche d’émotion, de plaisir, d’inhabituel. C’est un bon moyen pour mettre les élèves à écrire. La deuxième piste évoquée concerne « l’appropriation des principes d’efficacité de la technique ». Avec les outils numériques, les enseignants peuvent recueillir des données qui pourront servir dans d’autres disciplines comme en sciences physiques par exemple. Les indicateurs physiologiques de l’effort (VMA, fréquence cardiaque…) pourraient constituer une troisième piste de travail à engager avec les collègues d’autres disciplines.
Cette approche nous paraît intéressante à condition que les enjeux scolaires soient mis au premier plan (le socle commun). L’observation sur ces derniers, en EPS ; peut être un appui intéressant dans le cadre des EPI.
David Rossi : Score tactique et compétence de l’élève en badminton, vers une évaluation équitable
David Rossi a fait part de 20 ans de réflexions sur l’enseignement de l’activité Badminton. Sa réflexion l’a amené a faire évoluer sa pratique à chaque fois que se posait un problème professionnel : « quand l’absence de progrès des élèves interroge le regard porté par l’enseignant sur son enseignement ». Cela l’a conduit à réfléchir sur l’approche quantitative de l’évaluation : « une des raisons qui motive notre choix d’être sur une approche quantitative de l’évaluation, c’est principalement le fait que l’indicateur quantitatif est une trace exploitable dans l’instant et à postériori pour l’élève et l’enseignant ». Concrètement, D. Rossi propose une forme de pratique scolaire permettant de renseigner directement l’élève sur sa pratique.
3 types de trajectoires sont ainsi définies par le professeur. Tout d’abord des trajectoires de type 1 (trajectoire en cloche, volant facile à utiliser) ; des trajectoires de type 10 (faire reculer l’adversaire sur des trajectoires longues), des trajectoires de type 100 (utilisation de contraintes temporelles par la mise en place d’un sur-filet à 50cm). Ce système rend compte facilement de l’activité adaptative de l’élève par des retours en direct. Ils savent où ils en sont et ce vers quoi ils doivent aller. L’activité badminton nécessite en effet de sortir l’adversaire du centre du jeu ou de le mettre en pression temporelle d’où la forme de pratique scolaire proposée par David Rossi.
Evaluation de la compétence… sans observer ou presque en lutte Niveau 2 !
Dans le même registre, Vincent Rusquet a présenté une forme de pratique originale permettant d’avoir accès au résultat de sa prestation par un système de score, montrant par là le degré d’acquisition de la compétence de niveau 2 par l’élève en lutte. En effet, les élèves sont mis en situation de combat avec 2 manches : la première avec un contrôle à la taille, la deuxième avec un contrôle jambe/taille. Les élèves marquent des points, 100 points pour un tombé (les 2 omoplates maintenues 2’’ au sol), 10 points (mise en danger aménagée), 1 point pour un passage en arrière ou une sortie de surface.
Ce système de score parlant permet de renseigner l’élève sur sa propre pratique en lui donnant accès au degré d’acquisition de la compétence. En effet, selon les actions que les élèves ont réussi à faire, ils sont en mesure de savoir où ils en sont, mais surtout se questionner sur ce qu’ils doivent accomplir pour accéder à la compétence attendue.
Nicolas Hayer : l’observation et l’évaluation des élèves en course d’orientation : l’utilisation des TICE comme leviers d’apprentissage
La course d’orientation est une activité particulière au sens où le professeur ne voit pas (ou très peu) ses élèves agir. Quelles conduites vont-ils mis en œuvre dans leurs déplacements ? Différentes décisions sont en effet à prendre par les élèves (point d’attaque, point d’appui, saut, différents niveaux de lignes) et l’enseignant a finalement peu de retours sur cette activité adaptative. Rendre compte d’une compétence peut se révéler ainsi difficile. Nicolas Hayer a testé plusieurs solutions en utilisant les Tice et celle qui se révèle la plus adéquate selon lui, c’est l’utilisation de montres GPS, reliables sans avoir besoin de connexion internet. Ce retour d’information paraît nécessaire dans la construction de l’orienteur. L’enseignant, les élèves eux-mêmes peuvent ainsi questionner les choix d’itinéraires réalisés de façon « objective » et donc rentrer progressivement dans une démarche adaptative face à son environnement.
Benjamin Chabauty : l’évaluation auto-gérée
Lors de notre précédent article nous étions revenus sur cette étude montrant l’intérêt mais aussi les limites d’une évaluation sans note. Cette communication s’est aussi portée sur l’intérêt d’une évaluation auto-gérée, l’élève choisi de se faire évaluer lorsqu’il se sent prêt. L’élève a ici le temps de choisir son temps d’apprentissage : « ça a un intérêt flagrant car on différencie souvent la manière d’enseigner, mais pas la manière d’évaluer. Cette forme d’évaluation permet aussi aux élèves d’être moins stressé au sens où l’élève choisi quand il veut l’être, donc il se sent capable de le faire : l’enseignant peut éduquer à la situation stressante, ce que c’est et apporter des contenus par rapport à ça ». En effet, être compétent, c’est pas seulement savoir faire, c’est aussi savoir comment le faire, comment l’utiliser.
Cette forme d’évaluation a des avantages mais a également des limites, notamment dans les activités collectives. Les contraintes de ces activités (2 équipes de plusieurs joueurs se rencontrent) nous paraissent difficiles à mettre en œuvre.
L’AE-EPS
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