Pièce maîtresse du dispositif de recrutement des enseignants mis en place par Vincent Peillon, les « emplois avenir professeur » doivent ouvrir les carrières de l’enseignement à des jeunes issus des familles populaires et résoudre la crise du recrutement. Les textes publiés au Journal officiel du 17 janvier confirment ces orientations.
» Face a tous ces discours du cynisme, du scepticisme je viens dire aux étudiants : la France a besoin de vous… Cette campagne est un appel profond à la jeunesse… Nous voulons rétablir la promesse républicaine ». C’est en ces termes que Vincent Peillon a présenté son programme de recrutement et singulièrement les emplois avenir professeur le 10 décembre 2012. Les deux décrets et l’arrêté publiés le 17 janvier confirment ces orientations.
EAP Mode d’emploi. Les emplois avenir professeur sont ouverts à des boursiers. Un décret stipule que » pour bénéficier de la priorité de recrutement… les étudiants doivent avoir résidé au moins deux ans dans l’une des zones mentionnées (zones sensibles) ou avoir effectué au moins deux années d’études secondaires dans un établissement situé dans l’une de ces zones ou dans un établissement relevant de l’éducation prioritaire ». Le recrutement a lieu auprès des étudiants de L2ou L3 ou M1. La limite d’âge st 25 ans porté à 30 pour les étudiants handicapés. C’est une commission présidée par le recteur, où siègent universitaires et représentants de l’administration y compris l’enseignement agricole, qui décide de l’embauche. La rémunération est de 400 euros net auxquels s’ajoutent une bourse spéciale de 217 euros par mois et la bourse dont bénéficie le jeune. Le salaire net va donc varier entre 617 et 1086 euros nets par mois. L’emploi avenir professeur (EAP) bénéficie d’un tuteur enseignant qui » suit et accompagne l’étudiant dans sa formation progressive au métier du professorat notamment en l’associant à la préparation et à la conduite de séquences d’enseignement, à la gestion de classe et au suivi des élèves ». L’étudiant doit 12 heures hebdomadaires. 4000 postes sont proposés dès janvier 2013. Le site ministériel indique comment obtenir le dossier d ‘inscription.
La banlieue pour sauver l’Ecole de la République ? En facilitant l’accès aux études longues, les EAP visent d’abord à augmenter le nombre de titulaires de master et de candidats aux concours. Il va rechercher les futurs candidats très en amont jusqu’en L2. Ce mode de recrutement au niveau L2 est plus coûteux pour l’Etat que des contrats offerts en M1. Cette longue formation en 3 ans pourrait permettre un apprentissage sur le terrain du métier d’enseignant. Mais le nouveau dispositif va également « populariser » le métier enseignant. Sans qu’on dispose de chiffres précis, la masterisation était accusée, par exemple dans le rapport de la sénatrice B. Gonthier-Maurin, d’avoir « embourgeoisé » la fonction enseignante, du fait de l’allongement de la durée des études. L’arrivée massive de jeunes issus des quartiers aura-t-elle aussi un effet pédagogique positif ? La longue fréquentation des futurs enseignants et des élèves durant les années d’EAP, leur origine sociale pourrait faciliter l’entrée dans le métier. Le regard porté sur l’Ecole pourrait aussi s’améliorer dans les quartiers puisque celle-ci redeviendrait l’ascenseur social qu’elle était au 20ème siècle.
Des inquiétudes. Si l’Unsa Éducation « considère que cela favorisera l’indispensable mixité sociale des enseignants et pourrait permettre de mettre un terme à l’inquiétante désaffection pour les concours », le syndicat s’inquiète de l’encadrement et du suivi des EAP. La FSU « demande des garanties dans la mise en œuvre de ce dispositif : type de travail demandé, obligation de formation, accompagnement sur le terrain, garantie de rémunération, liaison avec l’université afin que les étudiants ne soient pas pénalisés dans leurs études ». Le décret écalure le suivi des élèves et el devenir de ceux qui ne seraient pas reçus au concours et qui pourraient, sur le modèle des IPES des années 1970, avoir à rembourser les frais de leur formation.
Un projet républicain. Les EAP renouent avec une tradition historique : celle des écoles normales de la IIIème République, chères à Vincent Peillon. Celles-ci offraient une voie de promotion sociale à des jeunes issus de l’enseignement primaire qui n’auraient pu s’offrir la voie d’élite que constituaient le lycée et l’université. Pour faire l’Ecole du peuple, la République des Jules cherchait ses « hussards noirs » dans la classe populaire. C’est ce modèle que Vincent Peillon a à l’esprit en ouvrant l’Ecole aux quartiers.
François Jarraud
Décret emploi avenir professeur