« Il y a moyen de diminuer les dégâts causés par l’enseignement en alternance ». Professeur d’histoire-géographie au lycée Malesherbes de Caen, formateur et IAN, Denis Sestier invite ses élèves à travailler en binôme entre le groupe en présentiel et celui à distance. Ce binôme fonctionne pendant le cours pour aider l’élève qui reste à distance. Il institue une médiation dans la classe entre les élèves et entre le professeur et le jeune à distance. C’est une nouvelle classe qui apparait en conservant son collectif.
L’enseignement en alternance
L’enseignement à distance dans les lycées dont parle le ministère est le plus souvent un enseignement en alternance. Faute d’avoir anticipé la situation, le plus souvent une moitié de la classe vient une semaine en cours pendant que l’autre moitié est à la maison. La division par deux des heures d’enseignement est un problème que n’arrive pas réellement à compenser les devoirs donnés à la maison. Comment réaliser le programme ? Comment ne pas décourager les élèves et en perdre une partie ?
« Je n’ai pas de solution miracle », nous dit tout de suite Denis Sestier. Mais il propose une organisation des cours qui garde la collectivité du groupe classe et qui permet de continuer à avancer dans le programme en limitant les pertes.
La mise en place des binômes
« Le principe c’est que les élèves sont associés en binôme », avec un élève en présentiel et un autre à distance. « Chaque groupe a un plan de travail, celui des élèves à distance étant un peu simplifié. L’élève du binôme qui est chez lui peut appeler pendant le cours son binôme pour être aidé.
« Le problème de l’enseignement à distance c’est qu’il crée des inégalités », explique Denis Sestier. « Il y a des élèves qui travaillent mieux car ils gèrent leur temps plus librement. Et d’autres qui ne s’investissent pas ou même décrochent ». Ceux-ci sont souvent des élèves déjà des décrocheurs invisibles quand la classe est normale. Mais le distanciel aggrave les choses.
« Face à ce défi le travail en binôme ne règle pas tous les problèmes. Mais il aide une partie des éventuels décrocheurs car il lève rapidement les difficultés.
Evidemment il faut accepter que les élèves aient leur téléphone posé sur la table. I faut donc vérifier qu’ils ne s’en servent qu’à bon escient, ce qui est plus facile avec un groupe de 15 ou 17 élèves.
L’élève à distance appelle son camarade pour obtenir des explications. Cela se passe en SMS. Il peut y avoir un échange vocal avec le professeur via le binôme ou direct.
L’effet réduction des effectifs
« Je trouve que le temps de travail en présentiel est beacoup plus efficace avec ces mi-groupes « , nous dit D. Sestier. « On mesure maintenant comment les classes sont surchargées et combien cela nuit aux apprentissages. Les effectifs pléthoriques des classes sont bien le principal obstacle à al réussite du plus grand nombre. Car le professeur n’a pas le temps de travailler avec chaque élève alors que c’est le cas avec le mi groupe ». Pour lui « l’effectif classe est le grand enjeu des années à venir. Si on voulait réformer le lycée voilà ce qu’il faudrait faire ». Depuis la mise en place des demi groupes il avance nettement plus vite dans le programme dans une ambiance de classe qui est apaisée et favorable au travail.
Le rôle de la médiation entre élèves
Qu’est ce qui fait le succès du travail en binôme ? Denis Sestier voit plusieurs éléments. « D’abord il y a la baisse des effectifs. Ensuite le plan de travail qui explicite beaucoup le travail. Il a fallu devenir très explicite du fait qu’un groupe est à la maison. Les élèves savent ce qu’ils ont à faire. Un autre élément c’est la médiation entre les élèves. L’élève présent répond à la difficulté de l’élève à distance. Il doit donc faire une effort de compréhension et de formulation ».
Mais la médiation avec le professeur a aussi sa place. « Je suis beaucoup plus à l’écoute des difficultés individuelles qu’avec une classe de 35 élèves », explique D Sestier. Finalement ce dispositif institue l’aide du professeur qui est souvent implicite dans la pédagogie habituelle .
« Ce n’est pas la solution miracle », répète D Sestier. « Mais il y a moyen de diminuer les dégâts causés par la situation actuelle ». Et cette solution passe par le collectif et la collaboration.
François Jarraud