Par Françoise Solliec
Comment mobiliser les familles des écoliers dans un quartier très difficile pour instaurer les conditions les plus favorables à la réussite scolaire ? Dans la circonscription de la Goutte d’Or, afin d’engager les enseignants à utiliser au mieux les possibilités de communication avec les familles, un vade-mecum a été élaboré, résultant d’un travail très partenarial entre équipes pédagogiques, équipe de développement local et associations d’accompagnement à la scolarité.
« Pour une meilleure communication dans l’intérêt de tous »
Selon la préfecture de Paris, le quartier de la Goutte d’Or, dans le 18ème, retenu dans le cadre politique de la ville, cumule les difficultés : habitat ancien dégradé, forte proportion de population immigrée, revenu moyen très inférieur à la moyenne parisienne, un quart des élèves ont au moins un an de retard à la sortie de l’école primaire et plus du quart des jeunes sortent du système scolaire sans qualifications.
En réponse à cette grande difficulté économique, sociale et scolaire, un tissu associatif riche et vivant s’y est développé depuis longtemps.
Depuis 4 ans, l’IEN de circonscription, Claire Boniface, travaille avec ces associations, des directeurs et des enseignants, pour rapprocher l’école et la famille.
« Nous développons de petits outils assurant la communication entre enseignants et associations qui gravitent autour des enfants » explique-t-elle. « On porte une grande attention aux parents qui sont souvent illettrés et un peu perdus ».
Le travail, articulé dans le CUCS (contrat urbain de cohésion sociale), s’effectue dans des groupes à géométrie variable, auxquels participent parfois des parents. Très vite, les différents acteurs ont ressenti la forte nécessité d’une formation interculturelle et d’outils pratiques : c’est ainsi que l’idée d’un petit guide destiné aux enseignants a pris naissance. « Les associations qui sont en contact quotidien avec des familles nous renvoient une image parfois décevante de l’école » déclare Claire Boniface. « A l’intérieur de l’école, on a parfois tendance à déplorer l’attidude des parents, mais grâce à ces contacts avec les associations, force est de conclure que l’école ne communique pas toujours bien et qu’elle en pâtit elle-même ».
La brochure réalisée, intitulée « Ecole et famille : pour une meilleure communication dans l’intérêt de tous », recense et analyse les possibilités de communication à des niveaux très différents : rendez-vous individuels avec les différents membres de l’équipe éducative, réunions de parents, groupes de parole avec les parents, écrits (cahier de correspondance, courriers), cahiers, livret d’évaluation, etc. Pour chacune de ces possibilités, des conseils sont donnés pour les rendre encore plus fructueuses.
Cette publication a été affinée cette année au cours d’un stage école-famille, regroupant des directeurs d’école, enseignants et des membres d’associations. Elle a fait l’objet de retours très favorables d’inspecteurs généraux et es coordonnateurs d’autres associations ont aussi souhaité pouvoir l’utiliser.
Elle a également été fort bien reçue par des chercheurs et des experts. Philippe Meirieu, par exemple, considère qu’il s’agit là d’un « outil remarquable ». En réponse à la transmission de la brochure, Dominique Glasman a assuré Claire Boniface de son très vif intérêt pour ce document qui, écrit-il,« prend à bras le corps une vraie difficulté qui tient à la fois du souci professionnel et du fonctionnement social, au lieu de se contenter de déplorer, et donne des outils ou au moins des indications sur les points où il est important et lourd d’enjeux d’être collectivement ou individuellement vigilant. D’autre part, il s’efforce, sans renoncer à ce que l’école soit l’école, de se décentrer d’une perspective « scolaro-centrée », en tentant de regarder et de comprendre les choses du point de vue des parents ».
Ce succès a plutôt surpris l’équipe de rédaction. « On ne s’y attendait pas, car je croyais qu’il s’agissait de réflexions plutôt banales », précise Claire Boniface.
Mais, si elle s’inspire largement des actions d’information et de communication menées dans la circonscription, cette brochure n’en est qu’un élément.
Un site de circonscription, très fourni en informations, est ouvert depuis 2005. Il se préoccupe de mettre à disposition des enseignants des ressources, aussi bien administratives, avec des références très complètes, que pédagogiques. Il fait également une place à la présentation des ressources du quartier.
Dans le cadre du programme de réussite éducative, certaines écoles ont mis en place des actions très ciblées. Ainsi, à l’école maternelle Marx Dormoy, les parents sont conviés à des visites de musée avec les enfants. Dans les classes de CP de l’école Richomme, des enseignants se proposent d’apprendre à lire aux mamans, avec une semaine d’avance sur le déroulement de la classe, afin qu’elles puissent aider leur enfant et que leur place éducative soit ainsi confortée. Cette action bénéficie du soutien d’une chercheuse et des associations.
De nombreux autres exemples pourraient être cités car, selon Claire Boniface, dans ces quartiers où la relation à l’école est à construire de manière permanente, les enseignants sont très impliqués dans cette démarche : ils ont conscience qu’en recherchant « l’alliance » des familles, ils contribuent par ce « détour » à la réussite de leurs élèves.