Pour les élèves de l’école Arago de Châteauroux (36), lire devant un micro ? Fastoche ! Il faut dire que leur enseignante Aurélie Malassenet les a bien préparés. Lire à haute voix peut être compliqué pour beaucoup d’élèves. Mettre le ton, bien articuler pas simple devant un auditoire de pairs. Cela peut rapidement devenir une véritable torture. Aurélie a trouvé la solution : une webradio. Les élèves en scénarisant un livre, en lisant à voix haute et claire, en enregistrant les bruitages, la musique, en ont presque oublié qu’ils étaient en plein apprentissage. Prendre du plaisir en apprenant ? Challenge réussi dans la petite école Arago de Châteauroux (36). Un projet qu’Aurélie a présenté au 11ème Forum des Enseignants Innovants 2019.
Aurélie, enseignante depuis une petite vingtaine d’années, a alterné les missions : enseignante, directrice, maître formatrice… Aujourd’hui, elle a une classe de CE2/CE2/CM1 au sein de l’école Arago de Châteauroux (36), qui se trouve dans les jardins de l’INSPE et donc à deux pas de Canopé. Alors, quand Denis Chatiron, médiateur de ressources service numérique éducatif Canopé lui propose de se lancer dans une radio fiction, elle adhère immédiatement. Et puis, la webradio ce n’est pas le saut dans l’inconnu, elle connaît puisqu’elle avait déjà participé à un reportage sur l’égalité filles-garçons. Dans la foulée, elle entraîne sa collègue, Lydie Renaud, enseignante de la classe de CM1/CM2 et directrice de l’école. C’est ainsi que nait le projet dont les objectifs pédagogiques sont nombreux. « Cela répondait à la mise en place de situations réelles pour travailler l’oral, la lecture à voix haute, la lecture compréhension mais aussi le travail autour de la musique, des bruitages… Tous les ans, nous mettons en place, dans nos classes des activités autour de la lecture pour aider les élèves à mieux lire : théâtralisation, codage d’albums avec l’application scratch… ». La seule crainte d’Aurélie était que les élèves ne soient pas rassurés à l’idée de parler devant un micro. Crainte vite balayée par leur enthousiasme.
Elles décident ainsi de scénariser le livre De biens étranges disparitions de Florence Jenner-Metz issu de la sélection du prix littéraire de l’Indre, Escapages. « Utiliser un livre de la sélection Escapages était important pour nous. Chaque année, nos classes participent à cette action départementale : élire le livre, parmi les quatre sélectionnés, de la catégorie plus de huit ans pour les classes de CE/CM. Nous essayons de créer chaque année des projets pour au moins un des quatre livres de la sélection. Nous partageons nos projets sur Twitter et nous participons, un peu, au rayonnement de notre département en diffusant les actions proposées aux écoles ».
Lire en faisant passer des émotions
Les deux enseignantes se divisent le travail, la première met en voix les six premiers chapitres, la seconde, les six derniers. « Chaque chapitre a été décortiqué : les élèves devaient avoir une compréhension très fine pour mettre en voix ce texte en respectant l’ambiance mystérieuse du roman… Le travail entre les élèves a été important : ils ont beaucoup échangé, sous forme collective ou en groupes. Ils ont appris à lire les mots, les phrases en faisant passer des émotions en décrivant l’atmosphère des romans policiers. Les petites voix variaient : nous pouvions entendre l’ambiance angoissante de la nuit, du vent des arbres en les écoutant ». Un travail que les parents découvraient aussi au fur et à mesure, puisque chaque soir, les élèves rentraient chez eux avec le cahier de lecture. « Les parents ont fini par connaître l’histoire par cœur. Ils constataient les progrès de leurs enfants qui ne voulaient pas décevoir leurs auditeurs ».
Des apprentis ingénieurs du son
Après l’écriture, place à l’enregistrement. Enregistrer une radio fiction, ce n’est pas seulement lire à haute voix, les différents bruitages ont leur importance. C’est ainsi que ces enfants de sept à neuf ans se sont transformés en ingénieurs du son le temps d’une année. « Pour réaliser nos bruitages, nous avons utilisé des sites pour découvrir des techniques. Il est facile de faire le bruit de la pluie avec nos mains et nos cuisses. Ils étaient fiers de réaliser ces bruitages qui semblaient réels. Denis Chatiron nous a ensuite préparé les cartes sons que les élèves techniciens ont pu utiliser sur la table Mashup et Nous avons eu la chance de bénéficier du studio d’enregistrement de Canopé ». Aurèlie en a profité pour travailler avec eux sur le respect des droits d’auteurs lorsqu’il a s’agit de trouver de la musique pour le générique, pour les liens des chapitres, « ils ont même découvert le principe des téléchargement libres de droit ».
Une expérience réussie pour les enseignantes mais aussi pour les élèves
Sa plus grande satisfaction ? Outre les progrès de tous les élèves, tout particulièrement les CE1 qui ont atteint une aisance en lecture attendue en fin de cycle deux, c’est M., cette petite fille qui s’est révélé un talent de lectrice insoupçonné par son enseignante. « Elle n’osait jamais lire devant les autres en classe, et elle a réussi une brillante prestation devant son micro. Sans ce projet, ni elle, ni moi, n’aurions su qu’elle était cette lectrice experte ! ». Les élèves ont tenu aussi à témoigner de cette expérience. Comme L, en CE1, « ça m’a beaucoup plu et ce qui m’a le plus plu c’est quand j’ai récité mon texte appris presque par cœur. En classe, c’était chouette de faire les bruitages », J. en CE2 : « je parle mieux devant les autres. Je ne bute plus sur les mots maintenant. Et je comprends mieux les histoires » ou encore C. en CM1 : « j’ai aimé parce qu’on lisait beaucoup et maintenant on peut lire debout. Cela m’a aidé à lire sans faire d’erreur ».
Alors oui, se lancer dans une webradio quand on n’a pas de studio d’enregistrement ou un Canopé dans la cour de l’école, pas simple… Mais travailler sur l’oral peut prendre de multiples formes, surtout quand on connait les difficultés que rencontrent les petits français, et les plus grands, lorsqu’il s’agit de prendre la parole en public.
Lilia Ben Hamouda