Par Marcel Brun
De la maternelle aux différentes filières des lycées, l’aide « individuelle » est désormais partout prescrite. On sait quels débats ouvre le phénomène, à tous les niveaux, entre ceux qui y voient une opportunité à saisir, et ceux pour qui baisser le temps d’enseignement ne peut qu’amener à la « réduction des exigences ».
Le travail de l’élève. Dans le dossier de la récente livraison du bulletin XYZep, titré « Individualiser pour faire apprendre ? », l’article d’Anne-Marie Chartier souligne combien le regard historique nous aide à relativiser l’urgence du « nouveau ». Elle insiste sur le faible nombre d’heures de cours, et le grand nombre d’heures « d’études » encadrées, dans le lycée qui, au XIXe et dans la première moitié du XXe siècle, n’accueillait pourtant que les élèves les plus socialement (et culturellement) favorisés. Patrick Rayou et ses co-auteurs y reviennent dans leur récent « Faire ses devoirs » (PUR). Martine Kherroubi indique qu’en un siècle, le rapport entre le temps de cours et le temps d’étude s’est inversé, passant de un pour deux, à deux pour une, et souvent moins… Souvent externalisé à la maison, avec les problèmes qu’identifiait déjà Glasman il y a quinze ans, le travail personnel de l’élève pour « discipliner » le monde semble revenir au cœur des interrogations de l’institution comme de la recherche.
Des modèles dépassés. Globalement, les traditions des différents ordres éducatifs semblaient avoir construit des marques stables : le primaire intégrait les exercices et les entrainements au temps scolaire, quand le secondaire renvoyait le travail personnel hors du cours. Aucun des deux modèles ne semble désormais pouvoir perdurer en l’état, sauf à vouloir se satisfaire du butoir infranchissable des 15% d’élèves qui résistent encore aux enseignants dans la conquête des savoirs… Du coup, c’est bien à l’articulation entre les différents temps, et à leurs modalités, que les enseignants devraient être appelés à réfléchir, si leur hiérarchie voulait bien les considérer autrement que de simples metteurs en scène d’arbitrages faits ailleurs.
Enseigner c’est comme mener une guerre. « Enrichir le métier », comme disent les ergonomes, ce serait donc prendre en charge collectivement la réflexion sur les moyens possibles, dans la classe ou dans les dispositifs d’aide, à l’école et à la maison, pour gagner cette guerre. Le mot vous semble un peu fort ? “Une fois que nous avons saisi l’immensité du chemin à parcourir, il devient compréhensible que l’élève doit entrer dans une lutte brutale avec le monde, et que dans cette lutte l’enseignant doit avoir le dernier mot ; et nous comprenons l’idée qu’enseigner c’est comme mener une guerre.” Ca date de 1921, et c’est signé Vygotski, un psychologue très souvent cité, mais trop souvent caricaturé…
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