Par François Jarraud
Un ouvrage de Bernard Pouliquen explique « l’excellence scolaire » de l’académie bretonne par les particularités de l’histoire scolaire de cette région. Ce qui pose la question de son unicité.
Soyons juste. Quand on reçoit un ouvrage sur « l’excellence scolaire » en Bretagne, signé par l’ancien secrétaire général de l’académie de Rennes et publié par le CRDP de Bretagne, on l’accueille avec un peu de scepticisme. Pourtant l’excellence de l’académie est bien réelle. Et l’analyse de Bernard Pouliquen est richement documentée et tout à fait lucide sur les particularités et les échecs du « modèle breton ».
Car l’excellence bretonne est bien réelle. L’académie a un des meilleurs scores nationaux pour le taux de réussite au bac (91%), le meilleur taux d’accès au bac (73%) et le plus faible taux de sortie sans qualification (2,6%). Des résultats d’autant plus remarquables que la région a longtemps été exportatrice d’une main d’œuvre peu qualifiée et pas toujours francophone. Bernard Pouliquen est donc parti à la recherche des ingrédients de « la recette bretonne » qui expliquent ce succès incontestable.
Il émet 4 hypothèses. La première concerne le fort taux de scolarisation avant 3 ans (45%), une particularité bretonne. Bien que les chiffres montrent une meilleure scolarité de ces enfants, il juge l’apport négligeable. La deuxième hypothèse concerne la demande scolaire. Les Bretons ont appris au 19ème siècle à « se tourner vers l’école ou partir ». Celle-ci a pu apparaître comme l’opportunité de changer son destin. Et il évoque le rôle des mères « agents secrets de la modernité ». Cet héritage historique le conduit à en évoquer un autre, qui est très significatif de la région : la dualité scolaire, avec un enseignement catholique qui scolarise 40% des jeunes, y compris dans les milieux populaires. Pour lui, « les querelles scolaires garantissent la promotion de l’école dans les esprits » et encouragent la présence des familles dans la vie des établissements. Elles amènent aussi les deux systèmes à développer une offre scolaire très variée, adaptée à des publics différents. Enfin il rappelle que l’académie est socialement plutôt favorisée.
Généraliser le modèle breton ? Ce qui fait la richesse de l’analyse de B Pouliquen c’est bien sûr la maitrise du contexte historique (richement documenté) et même ethnographique. Il n’hésite pas à montrer les limites du modèle : un taux de suicide des jeunes élevé et un taux d’études longues post bac particulièrement faible, résultat d’u certain conservatisme pédagogique. On voit alors que le modèle breton touche atteint sa limite alors que le protocole de Bologne exige 50% de diplômés du supérieur.
Finalement c’est peut-être la variété de l’offre scolaire permettant un fort taux d’accès au bac, sa forte densité territoriale, plus que la concurrence entre les deux systèmes scolaires, qui expliquent les bons résultats bretons. Or l’une et l’autre sont maintenant attaquées par les restrictions budgétaires. De quoi remettre en question le modèle ?
Bernard Pouliquen, Construire l’excellence scolaire. L’exemple de la Bretagne. CRDP de Bretagne, 2010.
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