Le lycée polyvalent est-il le lycée de l’avenir ? Il ya-t-il encore un avenir pour les simples lycées professionnels ? Très critique sur le lycée des métiers, un rapport de l’Inspection générale signé par Michel Rage et Philippe Sultan fait la promotion des lycées polyvalents. Mixte socialement, le lycée polyvalent aurait de meilleurs résultats pour la formation des élèves. Le rapport interroge donc l’avenir de l’enseignement professionnel au moment où le ministère crée , avec les campus des métiers, une nouvelle labellisation pour les établissements.
« Dans le nouveau contexte créé, notamment, par la réforme des voies professionnelle et générale, par la rénovation des séries technologiques et par l’augmentation voulue du taux de diplomation de l’enseignement supérieur, le lycée doit stimuler les poursuites d’études en proposant à chaque élève un parcours adapté à ses besoins. Cela suppose de permettre les réorientations nécessaires en cas d’échec dans la voie initialement choisie. Ainsi, il était demandé à la mission d’étudier les impacts des lycées polyvalents et des lycées des métiers sur les résultats des élèves, sur la mobilisation des personnels, sur les relations avec les différents partenaires du système éducatif et sur la mutualisation de bonnes pratiques ». C’est une mission prospective sur « la structuration des établissements publics locaux d’enseignement » qu’ont piloté les inspecteurs généraux Michel Rage et Philippe Sultan. Leurs préconisations interpellent fortement l’avenir de l’enseignement professionnel.
Lycée des métiers : la banalisation au rendez-vous de la labellisation…
Le rapport remet en question les labellisations imaginées par le ministère ces 20 dernières années. Il en est ainsi des « lycées des métiers ». Créé en 2001, le lycée des métiers devait être le lycée professionnel et technologique modèle construit autour d ‘un domaine professionnel cohérent proposant des formations du CAP au supérieur. Le rapport montre que la labellisation « lycée des métiers » a connu les dérives classiques des labellisations. D’abord réservée à des établissements modèles, elle a été ensuite élargie sous pression politique. Les critères de labellisation ont évolué. « D’un respect d’exigences caractéristiques d’un fonctionnement montrant que l’on s’intéressait plus à l’optimisation du parcours de formation d’un élève et à sa possible intégration dans le monde économique, on est passé à l’application d’une démarche qualité globale peu soucieuse du respect des critères d’origine ». Aujourd’hui un lycée professionnel (LP) sur trois est « lycée des métiers ». Ce sont les résultats qui ne sont plus là. Selon le rapport, « le label lycée des métiers ne parait pas être un facteur prépondérant et dégrade même les taux de réussite (au bac professionnel) ». Il n’ a pas non plus d’effet positif face au décrochage. Pour l’accès en série STS « l’effet lycée des métiers s’est considérablement réduit ». Le rapport note d’ailleurs que la labellisation lycée des métiers est interprétée de façon très différente selon les établissements. Elle conduit parfois à des contre sens : par exemple quand on l’utilise pour tenter de sélectionner davantage les élèves…
Le lycée polyvalent outil de mixité sociale
C’est dans le lycée polyvalent que croit le rapport. Pour les inspecteurs, le lycée polyvalent (LPO), qui associe lycée général, technologique et professionnel dans un même établissement, est » un outil de recomposition de l’offre pour favoriser la réussite scolaire ». Le LPO favorise » la fluidité de parcours de certains jeunes mais aussi une certaine forme de mixité sociale des apprenants sous statut scolaire. La lisibilité des parcours de formation en est facilitée et la mise en place de passerelles entre les formations est sensée augmenter la souplesse du dispositif, sans pour autant créer de structures de relégation », note le rapport. Il permet aussi « d’optimiser les moyens (principalement techniques) ». Et les résultats sont là. Dans l’académie de Rennes, face au privé, la transformation de LP en LPO est une stratégie de reconquête des familles. Les résultats de l’orientation montre qu’elle est plus équilibrée entre les 3 voies dans les LPO.Les taux de réussite au bac pro sont nettement plus élevés en LPO (+8%), la poursuite d’études en STS également. Le taux de décrochage est plus faible en LPO qu’en LP.
Mais le LPO c’est d’abord une culture d’établissement « longue à construire ». Le rapport cite en exemple les lycées qui ont su concevoir les services des enseignants sur les trois voies du lycée et recomposer l’organisation du lycée par secteur professionnel.
Les préconisations
Aussi le rapport préconise-t-il d’abord de » donner un cadre de référence aux lycées polyvalents ». « La proximité immédiate des différentes voies de formation est un gage de meilleure gestion des parcours de formation, des passerelles et donc de réussite pour les jeunes », note-il. Mais pour cela il faut » un certain équilibre du nombre d’élèves » entre les 3 voies générale, technologique et professionnelle. Il recommande « une dotation unique pour permettre une meilleure intégration des différents corps d’enseignants et un décloisonnement de la répartition des services (organisation des responsabilités et des espaces par pôles et niveaux, vie de l’établissement partagée autour d’un projet unique garanti par la lettre de mission du chef d’établissement, …) ».
Le rapport préconise aussi » le développement des réseaux (d’établissements) en développant un pilotage par le projet et l’innovation », formule ambitieuse qui supposerait de mobiliser « l’animation pédagogique, notamment par les corps d’inspection autour des projets d’établissement ».
Enfin il demande « une nouvelle démarche de labellisation » des lycées des métiers. « Le label « lycée des métiers » ou « filière des métiers » doit traduire une identité réelle associée à une filière ou un ensemble lié de formations ; un concept visible et accepté d’une communauté éducative traduisant l’excellence d’une formation ; un concept partagé par tous les acteurs qu’ils soient du monde éducatif, économique ou politique associés à part égale à la délivrance du label ; une obligation de résultats ». Pour les inspecteurs, « il faut entièrement revisiter les critères, le périmètre et le mode d’obtention du label ».