L’architecture scolaire est de retour dans les réflexions actuellement en cours au ministère. Il publie le 19 décembre les résultats du concours Archi classe qui veut promouvoir une école différente grâce à une architecture nouvelle. Mais l’architecture a aussi sa place dans le rapport de l’Inspection générale ou encore dans un autre concours organisé par l’Université et l’Espé de Cergy. Peut-on enseigner au 21ème siècle dans des bâtiments du 19ème ? L’architecture commande-t-elle une forme scolaire ?
Le mariage ancien de l’architecture et de la pédagogie
Le 19 décembre le ministère de l’éducation nationale et la Caisse des dépôts ont rendu public les résultats d’un appel à projet lancé avec les associations d’élus territoriaux pour « expérimenter de nouveaux usages au travers de nouvelles visions des espaces et du mobilier scolaires ». Cinq projets ont été retenus et seront testés dans les mois prochains. « L’approche méthodologique conjuguera approche par le design et méthodes agiles afin de tester en un temps très court les solutions innovantes ». Les cahiers des charges seront ensuite publiés.
L’idée que l’on peut changer l’Ecole en agissant par l’architecture n’est pas une idée neuve. Dès les premiers règlements organisant l’espace scolaire, au début de la IIIème République, les préoccupations des décideurs n’étaient pas qu’hygiénistes. Certes les règlements ont commencé à imposer des volumes d’air par élève, des hauteurs de fenêtres pour que les élèves apprennent dans un environnement sain. Mais en même temps, la réglementation impose un espace entièrement sous le regard du maitre. Tout doit être fait pour que la relation maitre – élève s’impose et que l’autorité du maitre soit assurée. La République des Jules , en même temps qu’elle diffusait dans le plus petit village l’école de la République , imposait un type d’enseignement, une posture enseignante et un rapport maitre élèves. Le pédagogique se mêlait étroitement et de façon cohérente à l’architecture.
Adapter l’architecture au numérique ?
Il ne faut donc pas s’étonner si plus d’un siècle plus tard, architecture et pédagogie se retrouvent à nouveau mêlés. Ainsi le rapport de l’Inspection générale sur l’innovation, présenté le 20 décembre par le Café pédagogique, pose la question des « nouvelles pédagogies et des nouveaux espaces ». » Si l’organisation spatiale de l’école ne correspond pas à la logique des projets pédagogiques voulus par les équipes enseignantes, une frustration naîtra tout comme le manque de moyen demeurera un obstacle à la créativité », note le rapport. » La réorganisation de l’espace scolaire est un moyen d’agir sur les pratiques et l’évolution professionnelles des enseignants ». Le rapport se penche surtout sur les modifications liées au numérique. Il invite à repenser le CDI qui devrait comporter plusieurs types « de cyber lieux » plus petits et à opter pour du mobilier scolaire mobile adaptable aux groupes d’élèves. On rejoint là une prescription pédagogique.
Le concours Archi Scola
Le 23 novembre, l’Espe de l’académie de Versailles, Université de Cergy, publiait les résultats du concours « construire une école pour demain ». L’originalité du concours c’était déjà d’associer dans le jury, à coté des universitaires de l’Espe (François Durpaire, Béatrice Mabilon Bonfils, Sébastien Pesce, Geneviève Zoia etc.), des architectes, des étudiants en master CPE et des élèves, lycéens du lycée Saint Exupéry de Mante sla Jolie et élèves u collège Wallon de Garges les Gonesses.
Deux idées guidaient le concours. « L’espace scolaire est prescripteur. L’architecture scolaire n’asure pas en elle même une fonction pédagogique mais elle y contribue… On n’envisage pas l’architecture et les technologies selon leur potentiel de rénovation des pratiques pédagogiques ».
Une vingtaine de projets ont été retenus par un jury qui avait comme consigne de ne pas tenir compte des coûts. Trois projets ont été primés et l’Espé aimerait que el concours initie la création d’une chaire d’architecture scolaire.
« Ces projets ont remis en cause la forme scolaire verticale », nous a dit B Mabilon-Bonfils. En fait les 20 projets matérialisent des utopies éducatives différentes. Il s’agit bien de « rêver l’école publique », comme le proclame le premier projet qui veut ouvrir l’école à la ville. Un autre projet imagine , la Scola Halle, imagine une école où l’é,ève viendrait prendre de l’information comme on vient prendre des objets en magasin. L’école comprend une vaste cour commune, des ateliers mais plus de classes. Un autre projet imagine un « temple du savoir » . Un quatrième mise sur des salles de classe flexibles. Un cinquième invente un nouveau type d’espace, un sorte de maison des collégiens qui propose des espaces appropriables mis à disposition des élèves. Un panel de lieux où chacun peut travailler à sa manière, qui s’ajouterait aux salles de classe.
Qu’est ce que le confort scolaire ?
On le voit bien la recherche de ces nouveaux espaces tient aussi à la volonté de faire une école plus accueillante. Cela devrait déjà passer par des contraintes ergonomiques fortes. Un bon espace scolaire c’est d’abord un univers bien éclairé, bien ventilé et surtout bien insonorisé. Or une enquête réalisée par l’ergonome Catherine Bonnety a montré que les locaux scolaires actuels sont très médiocres sur ces plans. « Si les élèves et les enseignants étaient des travailleurs régis par le Code du travail, tous porteraient des casques acoustiques en permanence », nous avait-elle dit en 2014.
Une autre étude publiée dans Building and Environment, portant sur près de 4000 écoliers, a ajouté la nécessité de personnaliser les classes pour que les élèves se les approprient, ce qui suppose qu’ils aient une classe dédiée.
Adapter l’Ecole au numérique ?
Dans le monde scolaire, les locaux universitaires et les centres de recherche sont ceux qui sont allés le plus loin dans l’adaptation au numérique. S’adapter au numérique veut dire par exemple définir un nouvel usage du hall et des couloirs, multiplier ainsi les espaces de travail. Cela pourrait dire aussi avoir des salles de classe nettement plus grandes pour encourager le travail en petits groupes. Mais dans les deux cas on se rend compte que cette adaptation est ruineuse. Ou alors il faut aller au bout du raisonnement et accepter l’idée qu’une partie d l’enseignement puisse être dématérialisé et fait à distance…
L’architecture commande-t-elle la forme scolaire ?
Cette idée là est incompatible avec ce que nous considérons comme l’école. C’est dire que s’il est difficile de définir l’architecture scolaire du 21ème siècle c’est aussi parce qu’il n’y a pas consensus sur le modèle scolaire de ce siècle. On peut toujours reprocher aux donneurs d’ordres de ne pas suivre les avis des usagers. Ils ne le font pas car cela entraine des surcouts. Mais le feraient ils qu’ils aboutiraient à des représentations contradictoires de l’école et de on architecture. C’est aussi pour cette raison que définitivement l’architecture ne peut pas imposer une forme scolaire.
François Jarraud
Architecture scolaire et numérique