Au collège du Renon à Vonnas, la gestionnaire a été assommée et les sujets de brevet, volés ! Heureusement les 4èmes sont sur la piste du coupable … Les élèves de Thibaud Hayette, professeur de lettres au collège du Renon à Vonnas (01), ont conçu et réalisé une grande enquête policière numérique au sein de leur collège. Vaste travail d’écriture, ce projet ambitieux a permis de développer plusieurs compétences propres au français : vocabulaire et expression, analyse d’un genre littéraire, jeu théâtral, élaboration d’un scénario complexe. Mais l’enquête a aussi mobilisé des compétences transdisciplinaires, soudé la classe, impliqué les familles et les personnels administratifs de l’établissement. Thibaud Hayette nous explique comment il a organisé le travail de son équipe de détectives et comment il a suscité une véritable envie d’écrire. Son projet a été présenté au 9ème Forum des enseignants innovants.
En quoi consiste exactement ce projet d’enquête numérique ?
Il s’agissait pour les élèves d’une classe de 4ème de concevoir une enquête policière se déroulant au sein même de notre collège. Du scénario à la réalisation finale, le numérique a été omniprésent. Le résultat de leur travail a été ensuite soumis aux parents et professeurs qui pouvaient mener l’enquête via l’Espace Numérique de Travail. En effet, en parcourant virtuellement, dans un Prezi, dix lieux du collège associés aux 10 mots de la langue française du concours éponyme auquel nous participions, ils pouvaient recueillir des indices et découvrir le coupable.
Quels en étaient les objectifs pédagogiques ?
L’objectif premier était de faire écrire des élèves de 4ème pour lesquels les productions n’étaient généralement pas satisfaisantes en terme de développement et de richesse lexicale. Travailler sur les 10 mots de la langue française permettait donc de stimuler leur curiosité sur le vocabulaire. Pour leur donner ensuite l’envie d’écrire, il fallait travailler sur un projet obtenant l’adhésion de la classe : une enquête policière se déroulant au sein même de notre collège a obtenu tous les suffrages. Enfin, mener à bien un projet collectif permettait de créer une émulation dans une classe très individualiste ou clanique.
Quelles ont été les différentes étapes de réalisation du projet ?
Après avoir étudié les mécanismes du genre policier à travers une étude de premières de couverture, de textes et la lecture de nouvelles ou romans policiers, les élèves avaient une meilleure connaissance des ressorts du genre. Ainsi, ils ont pu bâtir ensuite, en commun, un scénario à partir d’une carte heuristique qui s’appuyait sur les 10 mots proposés par le concours.
Il a donc fallu explorer les différents sens (à l’aide de dictionnaires papier, numériques et d’encyclopédies) et réfléchir à leur intégration dans notre enquête. Cela a créé un véritable remue-méninge, car au départ nous voyions mal comment utiliser le mot « Inuit » par exemple, alors que l’action se situait en pleine campagne française !
Tous les travaux ont été centralisés dans un dossier partagé de l’Espace Numérique de Travail qui venait de faire son apparition dans notre département de l’Ain. Après une recherche lexicale assez poussée, est venue la création de premiers textes. Sur les mots « sérendipité » et « zénitude », tous les élèves ont produit individuellement un texte et nous avons retenu les meilleurs par vote. Tous ensemble, ils ont apporté ensuite quelques modifications aux deux textes retenus afin de les améliorer.
Puis a commencé la mise en scène qui devait utiliser, sur ma recommandation, l’outil numérique (traitement de texte, montage sonore et vidéo). Les montages vidéo ont été réalisés par mes soins à partir des séquences filmées par les élèves avec la caméra numérique de l’établissement.
Ensuite, pour des questions de temps, le travail a été mutualisé : par groupes de trois élèves, ils ont produit, en salle informatique, un texte sur les huit mots restants puis ont mis en scène leur mot (lecture enregistrée ou petite saynète). J’ai récupéré, toujours via l’Espace Numérique de Travail, toutes leurs productions et les ai mises dans un diaporama (Prezi), lui aussi intégré dans l’Espace Numérique de Travail, dans un article de blog.
De nombreuses personnes du collège ont été mises à contribution pour jouer un rôle dans l’enquête, comme le principal, la gestionnaire ou encore la documentaliste. A chaque fois, elles ont été sollicitées par les élèves et ce sont eux qui ont filmé ou enregistré les « acteurs ».
Tous les éléments mis en place, le projet a été soumis à l’ensemble des utilisateurs de l’Espace Numérique de Travail du collège (élèves, parents et professeurs) dans un article de blog ouvert à tous. Ainsi, chacun pouvait essayer de résoudre l’énigme et soumettre sa réponse grâce à un formulaire en ligne créé directement dans l’Espace Numérique de Travail et une fois de plus réalisé par les élèves.
Quels outils et quels supports avez-vous utilisés ?
Le numérique a tout d’abord été utilisé pour la réalisation du scénario de l’enquête. Pour cela, à partir d’une carte heuristique projetée en classe (Framindmap en ligne), les élèves faisaient des propositions et devaient argumenter pour convaincre les autres de la pertinence des éléments proposés.
La recherche lexicale autour des dix mots a été réalisée, en complément des dictionnaires papiers ou encyclopédies, à l’aide de dictionnaires numériques (notamment celui du Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales).
Les textes ont été généralement rédigés en salle informatique, à l’aide d’un logiciel de traitement de textes puis ils ont été déposés dans un espace partagé créé sur l’Espace Numérique de Travail. Ainsi, je pouvais les récupérer facilement et les restituer dans le même espace aux élèves, avec des éléments de correction en utilisant l’outil commentaire.
Pour créer les fichiers sonores, les élèves lisaient leur texte et s’enregistraient à l’aide du logiciel Audacity. Puis ils ajoutaient une musique d’ambiance libre de droits, à choisir parmi six titres que j’avais sélectionnés et déposés toujours dans l’espace partage de l’Espace Numérique de Travail. Pour deux enregistrements sonores (ceux du principal et de la documentaliste), une tablette tactile a été utilisée pour des raisons de simplicité avec l’application Audio Memos Free.
Pour les séquences vidéo, les élèves rédigeaient les saynètes avec dialogue et didascalies et les donnaient ensuite aux « acteurs ». Les élèves filmaient alors à l’aide d’une caméra numérique. J’ai assuré le montage vidéo à l’aide du logiciel Windows Movie Maker.
Tout le support de l’enquête a été réalisé à l’aide du logiciel de présentation Prezi utilisable gratuitement avec une adresse mail académique. Mais c’est surtout grâce aux différents outils (partage de dossier, messagerie, blog et formulaire) offerts par l’Espace Numérique de Travail de l’Ain et à la simplicité de leur utilisation, que le travail a été rendu possible.
Comment le projet a-t-il été perçu par les élèves ? Que leur a-t-il apporté ?
Au final, cela a été un projet très enrichissant car il a permis aux élèves de travailler ensemble, à certains de réaliser des tâches de manière volontaire (réalisation du visuel de l’enquête, écriture de lettres de sollicitation pour les « acteurs »), et de voir pour tous l’apport des autres cultures dans notre langue française. En outre, les élèves filmés se sont bien investis en apprenant généralement leur texte par cœur et en soignant leur jeu de scène. Enfin, l’objectif premier d’élaborer des textes longs et divers (narratifs, dialogues, lettres) et de susciter l’envie d’écrire a été atteint.
Et à vous-même ?
J’ai adoré ce projet car j’ai senti un réel investissement des élèves qui ont largement dépassé les attentes purement scolaires ; par ailleurs, fédérer d’autres personnels de l’établissement et des parents sur un projet pédagogique n’est pas assez fréquent et pourtant cela fonctionne. En outre, nous sommes souvent sortis de la classe et cela apporte du dynamisme au cours. J’ai apprécié aussi le développement de l’autonomie des enfants qui étaient de plus en plus force de propositions. Au final, ils ont bien plus travaillé que moi et c’est, j’en suis convaincu, la clé de la réussite de tout projet ambitieux.
Propos recueillis par Sophie Bancel