Par François Jarraud
« Voilà, les choses sont claires : ceux qui sont prêts à faire quelque chose pour eux-mêmes, l’Etat les aidera. Ceux qui ne veulent rien faire, l’Etat ne fera rien pour eux ». Alors que les commentateurs évoquent le plan banlieue, présenté le 8 février par le président, comme un exercice manquant de souffle et d’originalité, force est de dire qu’il innove : ce plan sensé aider les quartiers « où l’on a moins de droits, de chances que les autres » refuse d’être un plan social. Cet esprit se retrouve dans les mesures concernant l’éducation, dont aucune ne fait l’objet d’un chiffrage précis.
Le président a promis de « casser les ghettos scolaires en fermant les collèges les plus dégradés » et en créant 30 « sites d’excellence ». « Ils auront des classes d’élite rassemblant les meilleurs élèves et bénéficiant d’un enseignement d’excellence » a indiqué le chef de l’Etat. Ils seront jumelés avec des établissements d’enseignement supérieur de renom ou avec des entreprises.
Toujours pour les « bons » élèves, N. Sarkozy a annoncé le renforcement des internats. « Je veux que dès le plus jeune âge les enfants des milieux défavorisés qui montrent de bonnes aptitudes scolaires, qui ne peuvent pas étudier chez eux dans de bonnes conditions et qui risquent d’être happés très vite par un environnement qui les détourne de l’étude, puissent se voir proposer un hébergement dans des internats ». Il reprend là une mesure expérimentée dans le 92 et déjà élargie par Robien avec 28 internats et près de 700 élèves. Le président souhaite créer 4000 places. Ce qui suppose que les collectivités locales en fassent la dépense…
« Mais je veux aller plus loin, en appliquant ce qui a tant réussi dans quelques écoles primaires pionnières, comme celle de la Saulaie à Oullins : les élèves de classes entières sont scolarisés dans d’autres écoles de la même ville pour y découvrir un autre environnement, d’autres camarades, d’autres enseignants » a déclaré N. Sarkozy. Cette politique de « busing » sera expérimentée au primaire dans certaines communes avec une aide spécifique. Enfin le président entend relancer les « écoles de la seconde chance » qui accueillent de jeunes adultes sans qualification en vue d’une formation professionnelle. De 4 000, le nombre de places offertes passerait à 20 000.
Un seul point du discours présidentiel serait plus structurel s’il était plus précis. » Si aujourd’hui les postes de fonctionnaires restent vacants dans les quartiers, je veux qu’à l’avenir, les agents les plus expérimentés et les plus motivés se portent candidats. Et je demande au ministre chargé de la Fonction Publique de me proposer rapidement des solutions innovantes pour les y inciter ». Une affaire à suivre…
Dans le monde éducatif, les réactions au plan banlieue ont été sévères. Ainsi, selon l’afp, Gérard Aschieri (FSU) a déploré « l’absence de toute mesure pour lutter contre l’échec et contre les inégalités au sein de l’Ecole… On nous propose des palliatifs, comme les écoles de la 2e chance mais rien pour prévenir l’échec ». » La philosophie générale, ce n’est pas comment on vient en aide aux quartiers, mais comment on aide à sortir des quartiers » a déclaré Luc Bérille pour le Se-Unsa.
Discours du président
http://www.elysee.fr/documents/index.php?lang=fr&mode=view&cat_id=7&press_id=1019
Dossier de presse
Dépêche AFP
Le plan banlieue sonne-t-il le glas des zep ?
« Dans les quartiers où s’accumulent tous les problèmes de l’exclusion et du chômage, je propose de créer des classes de quinze élèves dans les collèges et les lycées…. » Il aura fallu moins d’un an pour que le président trahisse les propos du candidat et inverse sa politique. Car le Plan banlieue présenté le 8 février ne prétend plus à un renforcement des moyens dans les zep ou à une politique sociale. Au nom du « aide toi l’Etat t’aidera », il ne vise plus que la débrouille individuelle, le soutien d’éventuelles élites émergées des cités qui justifieront à rebours l’échec des autres. C’est l’ouest qui impose sa morale à l’est.
Ce plan se nourrit des insuffisances politiques antérieures. Les moyens injectés dans les cités ont parfois été, dans le passé, mal ciblés. En matière scolaire ils ont été consacrés à la remédiation, aux PPRE, à l’accompagnement scolaire sans qu’on se soit réellement penché sur ce qui se passe dans la classe et sur les moyens pour améliorer son efficacité. Trop rares sont les équipes qui ont réellement pu voir le jour alors que pour l’OZP c’était là une dimension essentielle. Les renforts humains annoncés, des professeurs référents aux assistants d’éducation ont été en dessous des attentes : les premiers ont souvent été institués selon des logiques administratives, les seconds sont difficiles à trouver tant la paye est sans rapport avec l’investissement demandé. Au bout du compte il se passe pour les zep la même logique que pour la carte scolaire : ses manques conduisent à sa suppression sans égard aux résultats obtenus.
Faut-il pour autant abandonner toute politique territoriale d’aide ? Deux études ont pu montrer que les investissements peuvent être rentables en zep. D’abord celle de Thomas Piketty, un conseiller de S. Royal. Il établit que « la légère politique de ciblage des moyens actuellement en vigueur en ZEP (taille moyenne des classes de 21,9 en zep contre 23,3 hors zep) permet de réduire d’environ 10% l’écart de réussite. Cet écart pourrait être réduit de 40% si l’on mettait en place un ciblage fort avec une taille de classe moyenne de 18 en Zep et 24,2 hors zep ». Une autre étude, Urban Schools, a démontré l’efficacité du programme anglais Excellence in the Cities. Ce programme, qui concerne un millier d’établisssements, affecte des fonds supplémentaires pour rémunérer des tuteurs et du soutien scolaire. Selon cette étude, l’investissement est rentable. Le programme EiC améliore l’assiduité scolaire et relève le niveau en maths.
Uniquement tourné vers le soutien aux jeunes « méritants » ,le plan banlieue perd de vue les réalités de terrain. Il faut peut-être les rappeler pour mesurer l’urgence. A Clichy-sous-bois, selon le rapport Zus 2005, où la quasi totalité des écoles et collèges sont en Zep et Zus, 11% des élèves entrent en 6ème avec au moins deux ans de retard. Ils sont 26% en 3ème. Sur le plan médical, 13% des enfants souffrent d’obésité, 2% sont dénutris, un enfant sur huit est anémié. Ces chiffres situent la nature de ce qui se passe dans les classes de ces ghettos urbains. Ces enfants sont-ils responsables de leurs difficultés ? En quoi le plan banlieue peut-il les prémunir contre l’échec ?
Un dossier du Café sur l’éducation prioritaire
http://cafepedagogique.net/lesdossiers/Pages/88_zep_sommaire.aspx