Par François Jarraud
Darcos a rendu son verdict sur la classe de seconde : cédant largement aux pressions des corporatismes il abandonne ce qui pouvait faire évoluer le lycée. La réforme accouche d’une réformette, le « nouveau lycée républicain » ressemble fortement à l’ancien. Quand aux gains financiers qu’il pouvait espérer faire sur le lycée, il ira les chercher ailleurs, en maternelle par exemple…
La nouvelle classe de seconde
Que reste-il du projet de lycée « finlandais » ? « Je ne partage pas le sentiment de ceux qui croient qu’on rend service au lycée en le figeant dans son organisation actuelle. Réclamer le statu quo pour le lycée c’est chercher à briser ce qui fait la force de son lien avec les Français. C’est le rendre sourd aux attentes de la société ». Très persuasif, Xavier Darcos a présenté le 21 octobre la nouvelle classe de seconde en présence de JP de Gaudemar, chargé de la réforme du lycée. Il a confirmé que la réforme serait appliquée à la rentrée 2009.
L’horaire de la classe comprendra 30 heures d’enseignement, soit sensiblement le volume actuel. Il comprendra 21 heures « d’enseignements généraux » (français, maths, histoire-géo éducation civique, sciences expérimentales, LV 1 et 2, EPS). La répartition entre ces disciplines n’est pas faite et sera sûrement l’objet de négociations d’ici décembre. Il n’est plus question de « modules » pour ces enseignements dans le document ministériel. Une façon sans doute de rassurer ceux qui craignaient un éclatement disciplinaire. Et aussi d’affirmer une certaine continuité. X. Darcos affirme repousser l’idée d’annualiser l’enseignement.
Les élèves devront suivre 4 modules au choix mais définis selon leur filière. Ainsi en Humanités ils choisiront entre littérature, langues anciennes, langue vivantes ou arts et histoire de l’art. En sciences entre maths, physique-chimie, SVT, « informatique et société numérique », un module au contenu encore indéfini. En Sciences de la société ils disposeront de SES, gestion, histoire-géo. La dernière filière concerne les technologies (ingénieur, SMS, STL, hôtellerie) et l’EPS.
Enfin les élèves devront suivre un accompagnement obligatoire, à raison de 3 heures par semaine, réparti entre travaux interdisciplinaires, orientation et remise à niveau. Cet accompagnement est présenté comme une réforme essentielle. Dans l’esprit du ministre la personnalisation c’est la démocratisation. On ignore cependant comment les enseignants seront formés à cet accompagnement.
C’est surtout l’organisation de l’année qui change. L’année est divisée en deux semestres séparés par une semaine de bilan et examens blancs. Il y aura 4 conseils par an (au lieu de 3), 2 réunions de profs et 2 véritables conseils de classe. En contre partie de cet accompagnement renforcé des élèves, l’ISO sera réévaluée.
Bien des éléments du projet initial ont fondu depuis l’été. L’idée de modules indifférenciés pour ne pas reconstituer de filières. La disparition du groupe classe. Les passerelles entre séries. Le travail d’équipe des enseignants. Sur tous ces points le ministre a reculé devant les exigences des associations de spécialistes et de syndicats. Le « nouveau lycée républicain » ressemblera beaucoup à l’ancien… D’ailleurs, sortant du cadre de la seconde, le ministre a promis que son projet n’aboutira pas à une réforme du bac. On imagine mal dans cette perspective comment échapper à la hiérarchisation des filières. A la question, « que reste-il du lycée « finlandais » annoncé au départ, un interlocuteur du Sgen répond : « Rien »…
Xavier Darcos présente pourtant sa réforme comme un facteur important de démocratisation du lycée. Il en attend la diminution des redoublements grâce à l’accompagnement individuel des élèves et au nouvel équilibre entre le temps de l’enseignement et celui du travail personnel.
Pourtant rien n’est moins sur. Donner davantage d’autonomie aux établissements et de liberté aux lycéens c’est sûrement favoriser la motivation, l’envie d’apprendre et de meilleurs climats d’établissement. On ne voit pas d’ailleurs pourquoi la France échapperait à un mouvement général d’évolution du secondaire. Encore faut-il que ces libertés soient accompagnées. Or on ignore comment les établissements construiront leur offre de modules et si des propositions aussi riches et variées pourront être faites en banlieue et en centre ville. Laisser les établissements définir librement une partie du curriculum pourrait mener à une aggravation des écarts entre établissements.
On ignore également comment les enseignants seront aidés pour la mise en place des modules d’accompagnement des élèves. Or leur rôle sera déterminant dans le guidage des élèves. Laisser les conseils de classe décider en milieu d’année de réorienter les élèves c’est prendre le risque de renforcer la hiérarchisation au sein des établissements.
Xavier Darcos espère de nouveaux rapports entre élèves et professeurs. C’est reconnaître qu’une réforme n’est pas faite que de règlements. Il lui faut aussi une âme et un esprit. Sont-ils là ?
Le dossier de presse du MEN
http://www.education.gouv.fr/cid22769/point-d-etape-sur-la-r[…]
Le discours du ministre
http://www.education.gouv.fr/cid22768/reforme-du-lycee-point[…]
Sur le Café, le dossier réforme du lycée
http://cafepedagogique.studio-thil.com/lesdossiers/Pages/2008/2008_Lycee[…]
Les réactions à la réforme de la seconde
« Nous restons sur notre faim au niveau des annonces de Xavier Darcos » annonce l’UNL dans une dépêche AFP. Le syndicat lycéen remarque que » nous voulions 28 heures de cours hebdomadaires, or 30 sont proposées ». La FIDL relève que « le système d’orientation en fin de seconde n’est pas changé, c’est dommage ».
Le Sgen Cfdt partage cet avis. » Le système des voies générale et technologique est conservé, la seconde risque bien de rester une gare de triage où le poids des enseignements obligatoires maintenus en l’état sera l’essentiel de l’orientation » Pour le syndicat « pour maintenir son calendrier, Xavier Darcos appauvrit considérablement la réforme… L’année sera bien divisée en semestres, mais pas les enseignements. Avec la réduction d’horaire, ce sont bien les conditions de travail des enseignants et des élèves qui vont s’aggraver… L’apprentissage de l’autonomie, l’aide à l’orientation, … promises aux lycéens ne bénéficient d’aucun temps supplémentaire, et surtout d’aucune modalité nouvelle d’organisation. Il y aura fort à faire pour que la semaine de bilan et d’orientation ne se réduise pas à une semaine d’épreuves de fin de semestre ».
Le Se-Unsa est fort déçu lui aussi. » Le soufflé sera vite retombé… Dans la nouvelle architecture… rien ne changera fondamentalement les logiques d’aujourd’hui… Quant aux ‘nouveautés’, elles auront une part si congrue qu’elles n’auront qu’une influence marginale sur le parcours des élèves ».
Le Snes et le Snep » prennent acte d’une inflexion générale du discours » Mais ils craignent que » la définition des « enseignements généraux » et des « modules d’enseignements complémentaires » ne lèvent pas les craintes de dénaturation ou de disparition d’un certain nombre de disciplines qui participent grandement à la formation intellectuelle, culturelle et civique des lycéens : les Sciences économiques et sociales, les langues anciennes, les enseignements artistiques ». Le Snes a demandé une annonce au ministre ce qui est peut-être le prologue à un retour dans les négociations…
Du coté des associations de spécialistes, l’Apses semblait la plus inquiète puisque absente des enseignements obligatoires.
Communiqué
http://www.sgen-cfdt.org/actu/article1796.html
Communiqué
http://www.snes.edu/spip.php?article15882
Dépêche AFP
http://www.vousnousils.fr/page.php?P=data/autour_de_nous/l_actu[…]
Sur le Café, le dossier réforme du lycée
http://cafepedagogique.studio-thil.com/lesdossiers/Pages/2008/2008_Lyceel[…]
De nouveaux programmes dès le 15 décembre
Les nouveaux programmes de seconde devraient être prêts dans un mois, le 15 décembre. Un délai ultra-court qui donne à penser que tous les arbitrages disciplinaires sont déjà clos…
Un Appel pour un autre lycée
« Nos organisations lancent un appel aux syndicats, associations de parents d’élèves, mouvements pédagogiques et d’éducation, associations complémentaires de l’enseignement public, chercheurs pour s’inscrire rapidement dans une démarche collective pour définir les axes d’une réforme alternative du lycée ». Alors que X. Darcos devrait prochainement faire connaître ses arbitrages définitifs sur la nouvelle classe de seconde, La Ligue de l’enseignement, le Crap, Education & Devenir, et la Fcpe invitent les partisans du changement à se mobiliser.
C’est que les espérances mises dans la réforme sont déçues. « La mission de Jean Paul de Gaudemar ouvrait, à nos yeux », écrit le collectif, « es perspectives très positives pour que le lycée soit plus démocratique et prépare mieux à l’enseignement supérieur : elle prônait davantage de souplesse dans les parcours d’études, dans l’organisation de l’année scolaire, dans la répartition des activités des élèves, dans l’architecture de la classe de seconde, pour favoriser des choix d’orientation plus lucides , pour éviter les redoublements ; ces propositions impliquaient un suivi rigoureux des élèves, la mise en place de nouvelles modalités d’évaluation, y compris en ce qui concerne le baccalauréat, elles nécessitaient une mise à jour des programmes, une clarification des compétences attendues des élèves ; elles impliquaient une évolution des pratiques et une redéfinition du métier et du service enseignant ; elles rendaient nécessaires l’autonomie des établissements et leur accompagnement ». Mais voilà, estlme le collectif, « les objectifs qui étaient assignés à la réforme nous semblent hors de portée si elle reste en l’état ».
De fait la réforme d’envergure promise par le ministre accouche d’une réformette. On sait que si l’organisation semestrielle est maintenue, le choix des élèves, les passerelles entre filières seront limités de même que l’accompagnement. Finalement les filières sont reconstituées et le sentiment que dégage le « nouveau lycée républicain ». C’est l’immobilisme…
Il revient donc aux partisans d’un autre lycée de convaincre. » Nous ferons des propositions sur les modalités de l’évaluation terminale (le baccalauréat), la part faite aux épreuves terminales et l’introduction des unités capitalisables, la définition des compétences évaluées, l’aspect interdisciplinaire et la démarche de projet assurés actuellement par les Travaux Personnels Encadrés. Ainsi, nous exercerons une fonction de veille sur la réforme à venir du lycée et pourrons peser collectivement sur elle » promet le collectif.
S’il est clair qu’il est trop tard pour influer sur la nouvelle classe de seconde, il reste le cycle terminal à réinventer. Voilà un beau projet pour les enseignants qui rêvent d’une autre Ecole. On ne peut que les inviter à entrer dans le débat.
Le texte intégral de l’Appel
http://cafepedagogique.studio-thil.com/lexpresso/Documents/docsjoints/[…]
Le dossier du Café sur la réforme du lycée
http://cafepedagogique.studio-thil.com/lesdossiers/Pages/2008/2008_Lycee[…]
Le Sgen CFDT rejoint l’appel pour une vraie réforme du lycée
« Le Sgen-CFDT partage pleinement la volonté d’une véritable transformation du lycée exprimée par l’appel conjoint de La Ligue de l’enseignement, les Crap, Éducation et Devenir et la FCPE. Le Sgen-CFDT souhaite s’associer aux travaux de réflexions qui vont s’engager entre les associations complémentaires, les parents d’élèves et les organisations syndicales qui partagent ces objectifs de démocratisation et de réussite pour tous les élèves au lycée ». C’est le premier syndicat à rejoindre le camp des réformistes.
Communiqué