La formation continue est sans nul doute la principale utilisatrice de formations ouvertes et à distance. Les Carif sont des structures régionales, co–financées par l’Etat et le Conseil Régional, chargées d’informer les acteurs de l’emploi, de l’orientation et de l’insertion des offres de formation existant au niveau régional. Au delà de ces missions, ils accompagnent bien souvent les organismes de formation dans leur évolution, y compris pour développer des offres de foad. Inffolor, Carif lorrain est particulièrement actif dans ce domaine ; son activité est visible sur le net grâce à un portail dédié. Nous avons rencontré Emmanuel Journot, chargé de cet accompagnement, pour un focus sur la Foad en région, dans l’univers de la formation continue lorraine.
Un Carif, c’est quoi ? Quel est le rôle d’Inffolor ?
Les missions des Carif sont variables selon les régions mais tous les Carif sont chargés d’informer les structures d’accueil des demandeurs d’emploi et des salariés (Anpe, missions locales pour les jeunes, Cap emploi pour les handicapés, Fongecif pour les salariés…) sur les formations existantes dans la région. Les missions d’Inffolor, ainsi que son financement, sont fixés par le contrat de projet état/région, accord cadre signé entre le Préfet de Région, représentant de l’Etat, et le Conseil Régional, les deux financeurs de la structure. Actuellement, 25 personnes travaillent à Inffolor.
Quels sont vos liens avec l’Onisep, chargée elle de l’information sur l’orientation des jeunes scolarisés ?
Notre mission d’information sur la formation se place dans une perspective de formation, d’orientation tout au long de la vie, avec la prise en compte de la notion de parcours. Il faut que les jeunes prennent conscience que leur formation ne s’arrête pas au début de leur vie active, il leur faudra par la suite acquérir, développer des compétences. La collaboration avec la Dronisep, direction régionale de l’Onisep pourrait se faire sur une entrée métier et filières. Quels métiers recrutent ? Quelles formations, initiales ou continues, dans la région permettent d’y accéder. Au titre des coopérations effectives entre nos deux institutions, nous avons créé une base de données communes sur les dispositifs et mesures types de formation et leur financement.
Quel accompagnement effectuez vous sur la Foad auprès des organismes de formation ?
Cette mission a commencé en 2000 avec la mise en œuvre d’un programme initié par le Ministère de l’emploi et piloté au niveau régional par la Direction Régionale du Travail, de l’Emploi et de la Formation Professionnelle (DRTEFP) : le programme Fore (Formation Ouverte et Ressources Educatives). L’animation du projet, bâti avec un certain nombre de partenaires et le Conseil Régional, a été confiée à Inffolor. Entre 2000 et 2002, nous avons accompagné des acteurs des organismes de formation pour qu’ils mettent en place des formations ouvertes. L’accompagnement portait sur l’ingénierie, la formation de formateurs, l’équipement. Nous avons mis en place dans ce cadre le portail de la Foad que nous avons fait récemment évolué dans l’esprit web 2.0 avec un espace collaboratif, un flux Rss… Le portail est ouvert à tous les organismes de formation lorrains qui proposent des Foad. Nous obtenons plus facilement des informations des organismes qui ont travaillé avec nous sur Fore. C’est le cas du réseau des Cfppa lorrains, centres de formation continue dépendant du Ministère de l’Agriculture. L’intérêt du site est de pouvoir informer les structures d’accueil, comme les Anpe, sur les dispositifs de Foad existant. Il s’agit aussi d’intégrer ces dispositifs dans la base de données offres de formation du Carif, pour une meilleure visibilité.
Pour en revenir au programme Fore, en 2002, le Ministère a changé d’optique en arrêtant l’aide à l’ingénierie. Or, en Lorraine, le travail a réellement commencé avec les partenaires en 2001, le travail en commun démarrait, ce changement de stratégie était problématique. La priorité du Ministère à cette époque, était la mise en place des p@t (points d’accès à la téléformation ) mais pour que ces accès publics fonctionnent, il fallait qu’une offre de Foad locale, régionale existe. Or, il y avait peu d’offres de ce type en 2002 en Lorraine. Nous avons répondu à l’appel à projet sur les P@t tout en continuant la formation des formateurs et le travail sur l’ingénierie. Algora est intervenu ensuite pour une recherche action sur les ressources et les réseaux (3R). Ensuite, ce programme s’est arrêté.
Et aujourd’hui ?
Fin 2005, il y a eu l’arrêt des P@t avec un recentrage vers les App (Ateliers de Pédagogie Personnalisée). 20 existent en Lorraine, la plupart portés par des Greta. Inffolor est chargé par la DRTEFP, qui pilote et finance le projet, d’accompagner ces structures au développement de la FOAD. 18, et bientôt 19, App sont engagés dans la démarche.
Constatez vous un développement de la Foad ?
Je ne constate pas de fort développement. Certains organismes ont même arrêté de mettre en œuvre des Foad. La Foad demande une ingénierie importante et le retour sur investissement n’est pas toujours à la hauteur des espérances. Les formateurs consacrent du temps à la conception à ce qui peut être considéré comme de la recherche et du développement. Ce temps coûte à l’organisme de formation sans que pour autant des actions de formation supplémentaires en découlent, permettant de rentabiliser cet investissement. A l’inverse, le réseau des Greta, relativement prudent au départ du travail régional sur la Foad, met depuis deux ans une priorité sur le développement de ce type de formations. Les Universités se lancent aussi pour leur formation continue, aidées par le Conseil Régional. Du côté de l’Afpa, l’impulsion est plutôt nationale. Le réseau agricole bénéficie lui du projet Préférence Formations.
Des choses existent, la Foad est une conception de la formation qui commence à être intégrée dans les discours mais les volumes et les flux sont dans des chiffres encore minimes.
Comment qualifieriez vous la situation ?
Nous sommes dans une phase d’attente, de transition entre deux cycles. Cela va peut-être rebondir avec les jeunes qui vont rentrer sur le marché du travail. Ils seront certainement demandeurs d’outils numériques, d’interactivité liée au web 2.0. Le rebond viendra peut-être aussi de la réforme de la formation à venir. La prise en compte des parcours individuels, la réforme du financement vont peut être faciliter le financement des parcours individualisés. Dans ce cas, le développement est à venir.
Quels sont pour vous les freins à ce développement ?
Pour développer la Foad, il faut consacrer du temps. Or, les organismes de formation ne peuvent eux mêmes le financer. Il y a également une forte tradition de face à face pédagogique, il faut donc changer de méthode. C’est un processus long qui demande aussi du temps et des moyens. La puissance publique peut aider mais ce n’est pas suffisant. Il faut trouver des synergies. C’est ce que fond les App avec un co-financement s’appuyant sur leurs ressources propres.
Autre frein : personne n’est au clair sur les financements et leur contrôle. Les financeurs (Assedic et Conseil Régional pour les demandeurs d’emploi, organismes paritaires pour les salariés) ne savent pas trop comment financer ce type de formation, hors face à face en présentiel. En Lorraine, un groupe de travail des financeurs et la cellule de contrôle de la DRTEFP devrait prochainement travailler sur le sujet. Les textes existent mais c’est leur mise en œuvre qui n’est pas claire.
Enfin, la demande est encore faible. Exceptée dans les grandes entreprises, il existe très peu de demande directe pour des modalités de Foad. Elles sont méconnues et la référence est encore celle du prof face à un groupe d’élèves. Les acteurs chargés d’informer et d’orienter ne sont pas non plus très au clair sur la Foad. Très peu d’Anpe prescrivent des Foad par exemple.
Si on veut que la Foad se développe, il faut travailler sur ces trois points : le modèle économique, l’articulation avec les besoins et être au clair sur la question du financement. Des éléments de réponses sur ces trois questions sont traitées sur notre portail et un guide pratique publié en 2005 qui reprenait l’ensemble des textes de loi sur la formation. Mais nous aurions maintenant besoin d’échanger sur ces sujets avec d’autres régions.
Propos recueillis par Monique Royer