25 Octobre 2005 : Ouverture culturelle : travail en réseau et travail de l’enseignant
Visite de l’exposition Patrick Bouchain : fait main, la matière et la manière au centre Arc en Rêve-Bordeaux (http://www.arcenreve.com/index.htm ) |
Pourquoi et comment travailler en réseau
Jean-Pierre Gabrielli « la culture est polyvalente, elle colore toutes les disciplines « . L’action culturelle a pour mission d’assurer un lien entre toutes les disciplines. A cette fin, il faut que tous les acteurs puissent communiquer entre eux car chacun contribue à la construction de la culture. Le réseau art et culture est consubstantiel de la notion de culture. Il implique une notion de projets, projet des enseignants, des chefs d’établissements, projet des acteurs… donc nécessité de créer le réseau. C’est cette structure qui doit permettre de fédérer et de mutualiser. Il reste néanmoins des questions sur la circulation de l’information, le tri de cette information, sa diffusion et sa validation. Le réseau serait pour JP Gabrielli une réponse à la demande institutionnelle de » lutter contre l’émiettement des projets « .
Nécessité de créer le réseau certes, mais au service de quoi ?
Jean-Jacques Paysant (responsable du département Arts et Culture du réseau Scérén-CNDP) part du principe que les arts et la culture donnent du sens à l’école – voir le succès des TPE. Le département Arts et Culture travaille avec des réseaux variés (artistes, ministères, …). Mais ce qui le différencie des autres réseaux c’est la finalité d’ » idéal public « . C’est pourquoi on peut dire que le réseau n’appartient pas à ceux qui y participent et qu’ils doivent rester transparents. Il nécessite cependant un groupe de pilotage et doit avoir un fonctionnement démocratique. Il doit être évalué et nécessite un diagnostic de terrain nécessaire à son pilotage (Bernard le Doze, Délégation académique à l’action culturelle – académie de Rennes).
De gauche à droite : Alexandre Péraud (direction régionale des affaires culturelles (DRAC) Aquitaine), Franc Morandi (professeur des université, IUFM Aquitaine), Jérôme Bertonèche (département des Ressources et Technologies du Scérén-CNDP), Jean-Pierre Gabrielli (directeur du CRDP de Bretagne et délégué académique à l’action culturelle – académie de Rennes), Bernard Le Doze (Délégation académique à l’action culturelle – académie de Rennes), Jean-Jacques Paysant (responsable du département Arts et Culture du Scérén-CNDP). |
Qu’implique travailler en réseau ?
Le réseau a une fonction cognitive de gestion de connaissances accompagnant l’apprentissage nous dit Franc Morandi (Professeur des Universités – IUFM Aquitaine). Son architecture permet de mettre en interconnexion ouverte des connaissances. Cependant il est source de difficultés : il ne faut pas confondre information et connaissance. De plus en plus les réseaux sont conçus comme des moyens de gestion de connaissance : ils ont une approche de plus en plus cognitive. Pour autant, ce n’est pas tant le partage du réseau que des règles qui importe. « Les réseaux doivent être le lien d’un travail en commun. Une des caractéristiques du réseau c’est d’être ouvert. Il y a donc un paradigme de l’incertitude qui s’oppose à celui du contrôle «
Anne-Marie Giroux (IA-IPR Etablissements et Vie Scolaire Académie de Bordeaux |
Avec le réseau, s’ouvrent de nouveaux territoires. Oui mais…
Avec l’avènement des réseaux on retrouve la question de validité et de rapidité de l’information de façon très prégnante. Parmi les élèves, il y a des producteurs. On peut alors se poser la question -avec cette nouvelle problématique des blogs notamment- des capacités à mettre en œuvre pour différencier opinion et savoir. Fort justement, Anne-Marie Giroux (IA-IPR Etablissements et Vie Scolaire – académie de Bordeaux) nous rappelle cette compétence nécessaire pour exercer un esprit critique. Une des missions de l’école serait alors de permettre l’exercice de l’esprit critique d’une part. Les documentalistes ne l’oublient pas. D’autre part, l’école doit permettre l’accès au réseau. Etre capable d’y accéder est une condition du pouvoir. » Qui a accès au réseau, pourra faire travailler ses méninges « .
Réseau oui… mais le rôle de l’enseignant reste fondamental.
Il est un « passeur culturel »
Il y a un risque à ne pas intégrer la dimension culturelle dans les savoirs communs. Ce serait dire que la culture serait un luxe pour les élèves les plus en difficulté par rapport aux apprentissages « fondamentaux » par exemple. A contrario, ce qui se fait en ZEP (zone d’éducation prioritaire) serait aussi problématique : la culture c’est amusant, le reste étant austère au possible (« faire un peu de théâtre, un peu d’art pour mettre du piment dans la vie des banlieusards ») !
Jean-Michel Zakhartchouk (professeur de collège, auteur, rédacteur des Cahiers Pédagogiques, formateur à l’IUFM d’Amiens) |
Que signifie transmettre la culture et quelle culture transmettre ? On observe effectivement une hiérarchie culturelle. Il faut entendre culture dans deux sens : la culture nationale, de groupe, traditionnelle, etc. ET la culture légitime / culture classique qui définit une culture patrimoniale. Ceci posé, Jean-Michel Zakhartchouk propose sa définition de l’œuvre culturelle comme celle qui permet de poser des questions.
En la définissant ainsi on voit déjà comment la faire passer. Il ne faut pas, à l’école, couper LA Culture des cultures (populaire, ordinaire). Pour être culturel, il faut être pédagogue. Il faut mettre les enfants en activité intellectuelle et travailler de façon coopérative afin d’articuler division du travail et apprentissages pour tous. Evidemment la culture fait appel à l’interdisciplinarité car elle nécessite le croisement des regards, des questions. Quelle place peut avoir le documentaliste ? Il y a des sources de cultures et la question de la validation est une question importante. L’autre aspect à développer est celui de la production, de la communication : produire une œuvre, un travail personnel est lié à la démarche de création.
Le travail de passeur culturel pour l’enseignant, le pédagogue répond à des tensions fécondes entre Culture et cultures, entre disciplinaire et interdisciplinaire.
Quelle place pour le CDI (Centre de documentation et d’information) ?
Le CDI, lieu d’ouverture culturelle
Surpris par la proposition de sujet de la part des organisateurs, Jean-Louis Durpaire (IGEN) a bien voulu néanmoins se soumettre à l’exercice. Certes avec la circulaire de 1986 on a défini un métier par le lieu, mais depuis il y a eu évolution (même si la nouvelle circulaire n’arrive pas à voir le jour !). Le CDI (les murs, les locaux) ne peut pas avoir pour fonction l’ouverture culturelle, mais c’est bien du travail des documentalistes qu’il s’agit. Il faut donc opérer une distinction entre le lieu et les personnes.
Depuis 1986, il y a eu des efforts architecturaux. Aujourd’hui qu’est-ce qu’un CDI ? Virtualité et multipolarité sont des bases qui sont prises en considération. Est-ce la fin du lieu CDI ou le CDI est-il partout dans l’établissement ? Cette évolution architecturale traduit-elle quelque chose par rapport à la culture ? Fini les CDI ex-salle de classe rectangulaire. On a DES espaceS qui sont différenciés. On a des espaces agrandis avec des espaces multipolaires. Quand on voit la croissance des » espaces-CDI » on a l’impression que le CDI va s’éclater dans l’établissement… Où est donc le CDI ? Partout ? Nulle part ? Est-il clos ? Ouvert ?
Jean-Louis Durpaire (Inspecteur général de l’Education nationale) |
De quoi parle-t-on lorsqu’on parle de culture à l’école ? La culture scientifique elle, est complètement délaissée. Cette notion de culture se retrouve à travers la pédagogique active, la notion de projet (d’établissement, pédagogique etc.). Elle n’est pas à opposer aux programmes car les programmes depuis la loi d’orientation de 1989 fonctionnent par cycles. L’ouverture culturelle se retrouve d’ailleurs dans tous. On la retrouve dans le socle commun (comme on y trouve la maîtrise des techniques usuelles de l’information et de la communication – dernier point).
Quelles priorités pour le documentaliste aujourd’hui ?
Jean-Louis Durpaire affirme qu’il y a une dimension culturelle dans tous les actes professionnels de l’enseignant documentaliste, même si on trouve un champ d’action privilégié à travers la culture de l’information (information literacy). Un documentaliste ne peut pas être replié sur lui-même. Il faut partir du besoin d’information et non pas des apprentissages à BCDI par exemple. Pour former les élèves, il faut former en situation ce qui relève d’un travail sur le problème, la résolution de problème. Un documentaliste ne peut pas tout faire, il a donc une mission d’organisation qu’il exerce à travers la politique documentaire, laquelle doit évidemment tenir compte de la réalité des publics de son établissement. Elle permet d’agir au sein d’une équipe dans le cadre d’un projet réaliste. La mise en œuvre, vaste travail, porte sur le système d’information.
La synthèse des travaux est faite par Marie-France Blanquet, grand témoin de ces rencontres
Plusieurs questions restent sans réponse, notamment celle de la définition de la culture. L’école doit-elle avoir une culture précise et laquelle ? Doit-on faire glisser les cultures, passer d’une culture à l’autres ? Doit-on passer du latin à la culture de l’information et pourquoi ? Parce qu’on change de monde, parce qu’on change de public avec la massification et/ou la mondialisation… tout cela va-t-il pousser au changement culturel ? Quelles cultures pour l’école ? Est-ce un produit ? Comment les choisir ? En fonction de quels critères ?
Marie-France Blanquet (Maître de conférence à l’Université de Bordeaux III) |
Au regard de l’histoire on constate qu’il y a des ruptures constantes. C’est d’ailleurs une des caractéristiques de la culture qu’être conflictuelle. Les manifestations de l’œuvre culturelle sont notamment qu’elle fait appel à la » pensée agissante « . Pour notre civilisation, en tant que documentaliste, on aurait tendance à rattacher le culturel à la classe 700 (arts, sport et loisirs) car c’est ce qui fait appel à l’imagination, au beau, à la transformation de la matière par l’homme. Or option est dangereuse car on y efface l’utile (donc la culture scientifique, technique et industrielle) qui doit être une partie de la culture. Alors, peut-on la rattacher à une discipline ? Non, les disciplines enferment car les enseignants disciplinaires ont une défense de corps. L’enseignant documentaliste, lui/elle, ne doit pas être un enseignant disciplinaire qui enseigne comme les autres. Il permet plus facilement ce regard transversal. Le rôle des documentalistes a beaucoup été celui d’une locomotive dans la nécessité de croiser les savoirs. Les documentalistes ont souvent organisé ces rencontres de plusieurs disciplines autour d’une notion.
En conclusion on pourrait dire que la culture est une acquisition mais pas seulement. Elle l’est d’un savoir étendu. L’homme se construit par la culture ; elle s’acquiert et demande une volonté. Elle implique un enrichissement moral.
Jean-Marie Puslecki, directeur du CRDP de Languedoc – Roussillon |
Clôture de ces rencontres par Jean-Marie Puleski |
Notes de B. Raoul-Réa non relues par les intervenants.
Blandine Raoul-Réa