Comment s’y prendre pour enseigner l’histoire à l’école ? Cette interrogation ne se pose pas dans le secondaire où l’histoire est confiée à des enseignants spécialistes. Au primaire il en va autrement. Or l’histoire est perçue comme une discipline difficile, d’autant qu’elle est chargée d’une demande sociale très forte. C’est pour dédramatiser et ramener du plaisir dans cet enseignement que Benoit Falaize, formateur en Espe, a écrit ce petit livre publié aux éditions Retz.
Pour rompre avec cette image, Benoit Falaize opte pour un enseignement « vivant » de l’histoire, axé sur la curiosité, sans cesse stimulée de l’élève. Il donne des pistes précises pour savoir comment s’y prendre. D’abord comment utiliser des documents. Il recommande de poser des questions simples, accessibles aux élèves. Il réhabilite la rédaction d’un récit historique qui permette une véritable ouverture sur le passé dans ses riches possibilités.
On trouve donc dans ce petit livre une analyse des difficultés des enseignements et de l’histoire des pratiques pédagogiques dans l’enseignement de l’histoire. Mais les enseignants apprécieront de trouver dans l’ouvrage des pistes pour dépasser leurs peurs et un regard bienveillant qui les guide vers l’essentiel : développer la curiosité des enfants, donner le goût du passé.
François Jarraud
Benoit Falaize, Enseigner l’histoire à l’école, Retz. ISBN 978-2-7256-3361-9
Voir aussi : La thèse de B Falaize sur l’enseignement de l’histoire
Benoit Falaize : L’histoire, une discipline qui inquiète les enseignants
Auteur de « Enseigner l’histoire à l’école », Benoît Falaize revient sur ce qui devrait être le moteur de la leçon d’histoire au primaire: donner le goût du passé.
Pourquoi publier ce livre sur l’enseignement de l’histoire au primaire en ce moment ?
Le livre s’ouvre sur le constat que les enseignants en formation sont confrontés à une réelle difficulté pour enseigner l’histoire à l’école. L’histoire reste une discipline qui inquiète les enseignants alors même que tout le monde reconnait la nécessité de son enseignement, ne serait-ce que pour des raisons civiques. Aussi ce livre vise à dédramatiser l’enseignement de l’histoire.
La difficulté de son enseignement tient au poids des attentes sociales envers cette disciplines ?
Oui mais pas seulement. Il y a bien une difficulté politique, au sens noble du mot, avec des enjeux mémoriels importants et des débats récurrents sur l’enseignement de l’histoire. Cela en fait une discipline différente des autres. On voit le président de la République, l’Assemblée nationale se mêler de cet enseignement, créer des commissions d’enquête. Tout cela contribue à l’angoisse devant cet enseignement surtout quand on n’est pas spécialiste de cette discipline comme c’est le cas pour 90% des professeurs des écoles.
Mais ce n’est pas la seule difficulté. Il y a aussi des questions didactiques. Les enseignants non historiens se demandent quel document choisir, quel objectif poursuivre pour tel document, comment dérouler une séance, quelle activité mener ? Faut-il ou non faire un récit etc. Dans l’ouvrage, j’insiste sur le fait qu’il faut faire plaisir aux élèves, éveiller leur curiosité, sans avoir peur des questions.
On sait que les enfants aiment aborder l’histoire avec des personnages. Lesquels choisir ?
Ce qui compte c’est ce qu’on fait du personnage. Par exemple si on choisit Charlemagne, il est important de ne pas en faire un personnage français. Il vit à Aix la Chapelle (en Allemagne) et se voit comme un méditerranéen. En fait on a un large choix pour les personnages. Il faut choisir des personnes qui incarnent des valeurs positives sans être pour autant forcément des héros. On peut partir des plaques de rue de sa commune pour faire comprendre pourquoi des gens qui ont fait le bien, ont donné leur nom à des rues. Cela contribue aussi à développer la curiosité des enfants.
Faut-il faire aimer la France ?
C’est une question qui revient sans cesse. Le territoire national a une histoire mais il ne faut pas enclaver cette histoire nationale. Il n’est pas honteux de faire aimer des valeurs que la France a pu apporter à un moment, comme le combat pour l’égalité et la liberté. Mais avec l’idée de restituer tous les possibles du passé en resituant dans le contexte de l’époque.
Peut-on enseigner la Shoah à des enfants ?
Oui. Mais pas n’importe comment à propos d’une histoire qui est marquée par la mort d’enfants et de mamans. On peut passer par la littérature, le Journal d’Anne Frank par exemple, ou l’art.
Une période rencontre un grand succès à l’école c’est la préhistoire. A quoi cela tient-il ?
La Préhistoire a connu un développement considérable à l’école à partir des années 1960. Elle entrait parfaitement dans la pédagogie de l’éveil : il y avait un coté histoire « en train de se faire » et aussi la possibilité de nombreux exercices pratiques. Aujourd’hui son importance est plus circonscrite. Mais la préhistoire renvoie à des questions anthropologiques passionnantes : la différence entre bipède et quadrupède, l’importance du feu, la collaboration entre les hommes, l’enterrement des hommes, la découverte de l’art…
Dans votre ouvrage vous marquez l’importance pour le maitre de faire un récit historique. Pourquoi ?
Je le réhabilite dans le livre tout comme il l’a été par les historiens alors que, bizarrement il est souvent considéré comme pédagogiquement réactionnaire. C’est faux , le récit est tout sauf cela. Le récit permet de concilier le plaisir de l’écoute avec l’apprentissage de la parole, du lire, de l’écrire. Il peut ouvrir le débat plutôt que le clore. Il peut être fondé sur des documents. Ce qui compte c’est qu’il ne soit pas figé et qu’il ouvre sur le monde.
Par exemple, on pourra aborder l’histoire des grandes découvertes en prenant le point de vue des Aztèques ce qui amène toute la complexité du monde.
L’enseignement de l’histoire évolue ?
En fait les programmes ne font évoluer les pratiques pédagogiques qu’à la marge. Les enseignants sont pus influencés par la production éditoriale et les outils pédagogiques comme les manuels. Surtout les pratiques pédagogiques ne se substituent pas aux autres. Elle se sédimentarisent. Dans la classe d’aujourd’hui coexistent des choses qui se faisaient dans les années 30, d’autres qui viennent des années 1960, d’autres plus récentes.
Propos recueillis par François Jarraud