La mesure proposée par le gouvernement pour permettre davantage de mixité sociale au collège, la création de secteurs multi collèges, est-elle efficace ? Les études effectuées par le Cnesco , mais aussi des travaux plus anciens comme ceux qui ont suivi la tentative d’assouplissement d’Alain Savary (1984), amènent des réponses prudentes. Le dispositif est nécessaire mais pas suffisant. Trois conditions supplémentaires sont nécessaires à la réussite de l’opération..
La mesure que va annoncer N Vallaud-Belkacem
Le Comité interministériel à l’égalité et à la citoyenneté qui s’est tenu le 26 octobre aux Mureaux a communiqué la décision que va annoncer la ministre. Dans 10 départements des secteurs multi collèges seront mis en place. Les familles pourront donc choisir le secteur mais l’administration aura le choix du collège. Elle pourra donc mieux équilibrer les catégories sociales entre ces collèges. La ministre devrait indiquer dans quels départements ces secteurs seront retenus. La ségrégation scolaire n’existe pas partout. C’ets un phénomène d’agglomérations, où les familles ont un réel choix d’établissement. En zone rurale il est plus rare , par exemple quand un collège rural peut être concurrencé par un urbain.
La mesure marque-t-elle un engagement fort du gouvernement ?
Le décret qui permet de créer ces secteurs donne au conseil départemental un rôle déterminant. Comme le dit C Ben Ayed, « L’Etat se contente de déléguer ses responsabilités au niveau local sans se soucier de la façon dont le local s’approprie ces politiques… Le national se décharge sur le local et prescrit peu de choses sur les dispositifs. On a un transfert de compétences dans un cadre flou avec un texte qui fait référence à la bonne volonté locale. Il oriente peu les acteurs qui sont assez dépourvus pour appréhender leurs responsabilités. De fait appliquer la réforme appartient au conseil départemental. Le recteur n’a pas les moyens de faire appliquer le décret ».
1ère condition : la collaboration du pouvoir local
Mais c’est que le local a ses propres cartes dans cette affaire. Comme nous l’a confié un collaborateur d’Alain Savary lors de la première tentative d’assouplissement de la carte scolaire, les conseils départementaux fabriquent la carte scolaire avec les transports scolaires. Ce n’est évidemment pas vrai dans les grands agglomérations où les transports en commun affranchissent les élèves de cette contrainte. Partout ailleurs, les lignes de ramassage des scolaires construisent des secteurs. Rien ne peut se faire sans le autorités locales.
Il est tout autant illusoire de croire que les familles puissent être tenues éloignées de la décision. Là il suffit de relire ce qu’écrivait Robert Baillon à la suite de la tentative Savary. Il remarquait que les familles étaient très au courant des inégalités entre les collèges et que leur jugement, même grossier, était exact. Il concluait : « on ne peut attendre des usagers qu’ils délèguent leur capacité de décision à la puissance publique dans un domaine considéré par eux comme relevant de leur intérêt privé si, en retour, ils ne sont pas persuadés d’une égalité de traitement. » Cette remarque est importante car elle donne à penser que la mesure proposée par le gouvernement n’est valable qu’à certaines conditions.
2ème condition l’accord des parents
Il n’y a pas que R Baillon à montrer la place considérable des parents. « L’exemple américain montre que les politiques volontaristes, comme le busing , ont échoué parce qu’en général les parents ont obtenu leur annulation. En Belgique on a vu que la politique nationale d’affectation des élèves, appuyée sur les différents décrets, est remise en cause également par les parents », nous avait signalé N Mons, présidente du Cnesco, le 17 juin 2015. « On ne peut avoir de politique efficace et durable de mixité à l’Ecole qu’avec le soutien des parents. Les parents aisés doivent être conscients de l’intérêt qu’ils ont à scolariser leur enfant dans des écoles à population mixte. »
3ème condition : rendre les établissements attractifs
A quelles conditions les parents pourraient-ils soutenir ou accepter ces secteurs multi collèges ? Il faut que les collèges du secteur puissent offrir des enseignements de qualité égale. Concrètement, il va falloir que les collèges actuellement fuis par les parents proposent des enseignements attractifs. Cela suppose donc une modification de l’offre éducative locale et des modes d’affectation des enseignants également.
Dan sa recommandation du 16 juin 2015, le Cnesco demandait que « les 100 collèges les plus ségrégués (fassent) l’objet d’un diagnostic et d’un plan d’action visant à garantir davantage de mixités sociales et scolaire dans ces établissements. Comme le montrent certains exemples réussis de déségrégation de collèges en France, des ajustements de carte scolaire doivent contribuer à diversifier socialement et scolairement les publics. Ils doivent être associés, simultanément, à une politique d’attractivité des établissements par une offre de formation, scolaire, parascolaire et périscolaire de qualité (devoirs surveillés, séjours linguistiques, équipements numériques, sportifs, par exemple) mais aussi par un encadrement pédagogique riche ».
La politique de mixité sociale lancée par N Vallaud – Belkacem le 9 novembre comportera-t-elle tous ces aspects ? Les mesure sde carte scolaire seules ne permettront pas de lutter contre la ségrégation scolaire. La ministre ne peut faire l’impasse sur l’offre scolaire. En a-t-elle la volonté et les moyens ?
François Jarraud
N Mons : Contre la ségrégation