« Ces changements sont des changements systémiques , c’est la désinfantilisation et la fin de l’individualisme. Notre système ne peut plus être décrit comme immobile et irréformable ». Clôturant le Grenelle de l’éducation le 26 mai, JM Blanquer annonce un moment « historique ». Mais la revalorisation 2022 se situe tout juste au niveau, fort modeste, de celle de 2021. Qui sera concerné, son application concrète, les contreparties à venir, seront définis en juin. Les décisions sont repoussées à juillet. Soulagement et déception.
400 millions pour un million de salariés
On attendait des décisions à l’issue d’un Grenelle de l’éducation qui avait été présenté comme le début d’un renouveau de l’Ecole. JM Blanquer n’a en fait qu’une seule annonce le 26 mai : celle d’une rallonge budgétaire de 400 millions au titre de la revalorisation du million de personnels de l’éducation nationale.
Comment cette somme sera partagée sera décidé en juillet après discussions avec les organisations syndicales. Sur les autres points, le ministre évoque 3 axes et 12 « engagements » mais qui restent tous à définir. Le ministre définit trois axes : la personnalisation, l’esprit d’équipe et l’amélioration du service public.
Le premier engagement concerne « la reconnaissance de l’engagement des personnels » autrement dit la revalorisation. En 2021, 400 millions ont été attribués. Concrètement tous les enseignants ont bénéficié de 12.50€ par mois au titre de la prime informatique. Et un tiers d’entre eux a eu davantage au titre d’une prime d’attractivité qui est allée aux plus jeunes (échelons 1 à 7). Au maximum cela correspond à 100e par mois.
En 2022 il n’y aura pas davantage. Et la répartition sera fixée avec les syndicats courant juin. Il est possible qu’une partie de cette somme aille à des mesures catégorielles, comme par exemple les directeurs d’école. Le renouvellement éventuel de leur prime de 450€ versée en 2021 reste à négocier.
A ces 400 millions s’ajouteront 100 millions correspondant à des mesures décidées en 2021 mais appliquées en 2022 et 200 millions correspondant à l’application dans l’éducation nationale d’une mesure touchant tous les agents publics : la prise en charge partielle de leur protection sociale par l’Etat. Tous les enseignants toucheront donc en 2022 les 150€ de prime informatique et 180€ de protection sociale plus éventuellement, pour une partie d’entre exu restant à définir, une prime au titre de la revalorisation.
JM Blanquer a beau proclamer cet effort « historique », on reste dans des volumes très limités pour le million d’agents du ministère. Rappelons que N Vallaud Belkacem avait obtenu une rallonge de 3 milliards pour le budget 2017 dont 814 millions pour la revalorisation des enseignants (500 millions pour les accords PPCR et 300 millions au titre de la hausse du point d’indice).
Des carrières personnalisées
Le second « engagement » ministériel et le 4ème sont proches. Le 2d concerne « la possibilité pour chacun de faire connaitre ses compétences » : il s’agit d’offrir des progressions de carrière en échange de la prise de responsabilités. Ce sont donc des mesures individuelles qui restent à définir. Le 4ème concerne la possibilité de prendre des fonctions de CPC ou de chargé de mission d’inspection ou de référent harcèlement. Toutes fonctions supplémentaires en plus du métier d’enseignant. Le troisième « engagement », « être acteur de son parcours professionnel » , consiste en une hausse des taux de promotion à l hors classe (1700 de plus) et à la classe exceptionnelle.
Renforcer le poids hiérarchique
Avec le second axe, JM Blanquer veut développer « l’esprit d’équipe » car « il y a trop d’individualisme dans notre système ». En fait les mesures visent surtout à renforcer le pilotage des enseignants par les cadres.
Le 7ème engagement concerne les directeurs d’école. JM Blanquer veut « donner du pouvoir d’agir aux équipes grâce à une direction d’école consolidée ». Concrètement il promet 600 emplois consacrés aux décharges des directeurs d’école. Le ministre ne s’engage pas davantage sur le reste notamment le statut du directeur. La loi Rilhac doit trouver une place dans le calendrier parlementaire. Et JM Blanquer ne s’est aps engagé à appliquer les modifications apportées par le Sénat. Il donne en exemple le Québec où les directeurs d’école sont des enseignants recrutés par les commissions scolaires pour exercer la fonction. Ce sont de vrais chefs d’établissement, parfois sur plusieurs écoles. Pour autant beaucoup quittent pour redevenir enseignant comme l’explique cet article. Et ce « modèle » semble en panne. JM Blanquer vise aussi avec le 8ème « engagement » à renforcer les pouvoirs des chefs d’établissement en promettant « plus d’autonomie aux équipes d’établissement ».
Deux gadgets encadrent ces mesures. Le 5èem engagement concerne la création d’une association « Préau » qui ferait office de comité d’entreprise. Mais l’intéret d’un comité d’entreprise dépend du volume du versement patronal à son budget. Sur ce point le ministre ne donne aucun chiffre pour le million de salariés. Le 6ème consiste en une nouvelle application, appelée Colibri, qui remplacera l’antique IProf. Il y aura des changements de fond : le DGRH du ministère a promis que dorénavant les applications administratives sauront dire « bonjour »…
Améliorer le remplacements mais comment ?
Le dernier axe concerne « l’amélioration du service public » et c’est là que se nicheront les contreparties. Avec le 11èem engagement JM Blanquer veut « assurer uen continuité pédagogique efficace ». Il y a un engagement précis : les chefs d’établissement devront assurer à tous les élèves le volume d’heures d’enseignement du. Ils apprécieront le cadeau car les moyens d’arriver à cela restent à définir. Le ministère parle d’heures supplémentaires pour assurer les remplacements dans le 2d degré mais cette formule testée par G de Robien n’a pas donné ses fruits. Il est question aussi d’avoir des cours en ligne pour remplacer les enseignants ou une application numérqiue pour mieux gérer les remplaçants.
Le ministre veut aussi améliorer la formation continue et annonce la création d’écoles academiques de formation continue probablement en lien avec Canopé. Il n’entend pourtant pas renoncer aux formations nationales qui absorbent aujourd’hui les moyens pour des formations obligatoires. JM Blanquer n’a pas reparlé des formations obligatoire sur les congés.
Au final les enseignants semblent partagés par deux sentiments. Le premier c’est le soulagement que le ministre n’ait pas pris seul de décision pour le moment et qu’il relance l’agenda social en panne depuis des mois. Le second c’est la déception devant la maigreur de la revalorisation. J M Blanquer dit se fixer comme objectif un début de carrière à 2000€ pour tous les enseignants. Mais on en est très loin et il faudrait un second quinquennat pour l’atteindre à ce rythme là. Le principal enseignement de la journée c’est l’enterrement officiel de la loi de programmation promise. C’est elle qui devait apporter une réelle revalorisation des personnels en étageant sur plusieurs années des revalorisations permettant de ramener les enseignants français au niveau des autres pays. La perspective est toujours dans la communication ministérielle. Mais elle n’est plus dans l’action gouvernementale.
François Jarraud