Voici tout d’abord une brève synthèse des quatre réponses que j’ai obtenues des chercheurs suite à mon courrier de juin ; aucun des quatre ne fait référence au « Journal d’une grande section en ZEP », auquel j’invitais bien sûr chaque destinataire à se reporter.
C’est pourquoi il m’a semblé important de saisir la nouvelle opportunité qui m’était offerte d’accompagner, cette fois-ci, un groupe d’enfants du début de la moyenne section jusqu’à la fin de la grande section, en juin 2008. Les interrogations de nombreux lecteurs devant les productions écrites reproduites dans le « Journal d’une grande section en ZEP », comme devant les compétences évaluées au mois de juin dernier, devraient ainsi trouver quelques éléments de réponse… Cette « chronique » sera trimestrielle, ce qui me permettra de mieux faire apparaître les continuités pédagogiques et les progrès et/ou les difficultés de chacun des enfants (surtout en ce début de MS où les progrès s’avèrent très lents pour quelques-uns d’entre eux). La classe regroupe, comme l’an dernier, une vingtaine d’enfants de moyenne et grande sections. Je m’intéresserai donc aux seuls moyens, que je présente brièvement : initiale(s) des prénoms, sexe, mois de naissance (tous sont nés en 2002), origine géographique :
Les premières semaines de la moyenne section Selon mon point de vue et celui de l’enseignante, l’intérêt majeur de cette chronique sera de montrer ce que peuvent construire sur deux années des enfants qui, à la différence des précédents, arrivent en moyenne section manifestement « démunis » :
Pour l’enseignante, l’une des priorités est que chaque enfant, dès les jours qui suivent la rentrée, commence à s’approprier les gestes graphiques de l’écriture en majuscules « bâton » : pour cela, chacun apprend les gestes graphiques de l’écriture de son prénom. Par ailleurs, dès le mois de septembre, les enfants choisissent chaque semaine un album qu’ils emportent à la maison : ils doivent en écrire le titre – qui est, sur une feuille libre, « rétabli » en lettres capitales en début d’année quand il ne figure pas sous cette forme sur la couverture. Les progrès de l’écriture sont d’ailleurs assez rapides pour plusieurs des enfants, ce qui montre qu’ils auraient pu être placés dans ces situations d’apprentissage dès la petite section (je rappelle que dans certains contextes familiaux, les enfants n’attendent pas d’avoir 4 ans pour construire ces compétences élémentaires). Il faut également apprendre à écouter des histoires, avec pour objectif d’augmenter aussi rapidement que possible le temps de concentration. Voici les lectures d’albums de la première semaine (il faut y ajouter notamment des comptines) – lecture d’albums répétitifs, les plus favorables pour concentrer et prolonger l’attention des moyens, lecture d’autres ouvrages qui vont appuyer les activités d’écriture des grands dans cette première période : Pipiou dans son oeuf, Une amoureuse, c’est bien et la série « Les zigotos » de Benoît Charlat ; Même pas peur et La semaine d’Uki, de Claudia Bielinsky ; Paulette petite coquette de 100drine ; Bébécédaire de Bénédicte Guettier ; Hop! et Dans la maison du petit ver de Jean Maubille ; Mon doudou de Dominique Peysson ; Tous les loups de Bisinski et Sanders ; Papa dort et Papa se rase d’Alain Le Saux ; Papa trop de Michel Gay ; Papa ! de Philippe Corentin et une dizaine d’albums d’Edouard Manceau, Toc la poule, Tic-Tic la girafe, Poum la baleine, etc. (E. Manceau étant intervenu dans l’école au printemps dernier, beaucoup de ses albums ont été « fréquentés » par les enfants de PS à cette occasion). Différentes situations de lecture sont proposées sur un rythme soutenu, la plupart d’inspiration tout à fait classique mais rarement mises en oeuvre dès les premiers jours de la moyenne section. En voici quelques exemples :
Par « activités d’écriture », j’entendrai constamment des activités qui ne consistent pas en « copie », même problématique et « active » au plan cognitif (par exemple, retrouver et replacer les « bons mots » aux « bons endroits », comme dans l’exemple précédent), mais qui impliquent des prises d’initiative de chacun, un projet personnel : en activité d’écriture, il y a donc autant de productions qu’il y a d’enfants. Durant ces deux mois, les productions sont toutes réalisées en majuscules « bâton », seule forme graphique à laquelle les enfants peuvent accéder pour l’instant (et pour quelques-uns, ce n’est pas sans difficulté). Voici quelques exemples des situations proposées.
Les mois de novembre et décembre Dès la rentrée de novembre est lancé un projet de production d’albums à compter, qui prend des formes plus ou moins complexes selon qu’il concerne les moyens ou les grands. Les albums, qui seront réalisés par petits groupes, seront tous construits sur une structure répétitive : pour les moyens, ce sera « comptine numérique + nom d’un unique animal + couleur » (pour les grands, « comptine numérique + nom d’un animal chaque fois différent + localisation géographique »). L’implication des enfants de grande section dans ce projet « contamine » rapidement les moyens qui attribuent dès ce moment, et de façon visible, du sens aux situations qui leur sont proposées : par exemple, plusieurs se souviennent d’un jour sur l’autre de l’animal qu’ils ont choisi – cette mémoire leur était, je le rappelle, parfaitement étrangère jusqu’en octobre. (Je signale, sans développer ce point, que les productions des grands dépassent pour certaines d’entre elles, dès le mois de novembre, le nombre 10 : […] « 10 harpies féroces en Argentine / 11 tamarins au Pérou / 12 pumas au Brésil » – pour cette production, l’enfant s’est appuyé exclusivement sur une faune d’Amérique du Sud.)
L’habitude de l’écoute progresse : prenant le relais des grands, certains moyens (D. notamment) commencent à repérer les rimes lors de lectures de comptines. Ils participent aux recherches de rimes orales sur le modèle de « dans mon corbillon » (les grands prolongent ces recherches par des essais d’écriture au tableau). Les situations de lecture gagnent en complexité (de façon très progressive), en ménageant toujours la possibilité de plusieurs « niveaux de réussite » : A la différence de l’écriture en majuscules « bâton », l’écriture cursive implique la maîtrise de tracés complexes et une réelle fluidité gestuelle : c’est pourquoi dès cette période les enfants pratiquent, dans le cadre de l’éducation esthétique, des activités plus spécifiquement graphiques – calligraphies abstraites aux mouvements complexes, inspirées de reproductions affichées dans la classe, et réalisées avec des « traceurs » variés.
L’écriture de l’album est quotidiennement reprise pendant plusieurs jours pour que chacun puisse parvenir à la comptine numérique la plus ample possible – par exemple : 1 éléphant bleu / 2 éléphants roses /… ». Ces productions impliquent des recherches dans des documentaires afin que chaque enfant puisse déterminer l’animal de son choix. Pour les enfants à qui l’écriture oppose le plus de résistance, l’enseignante reproduit sur feuille libre les noms choisis en capitales : c’est le cas pour N. [DOC 4]. Certains cependant commencent à écrire en cursive : ils ont dès ce moment à leur disposition des alphabets présentant en parallèle les différents « systèmes graphiques » d’usage quotidien (majuscules et minuscules d’imprimerie, majuscules et minuscules cursives). S. commence à s’en servir de façon efficace [DOC 5].
Le 14 décembre, une situation enregistrée en video permet d’observer plus précisément les stratégies d’écriture de chacun de ces enfants en cette fin de premier trimestre. L’activité proposée est inspirée de l’album Même pas peur, lu dès la première semaine (voir plus haut) et souvent repris avec plaisir. Le document remis à chaque enfant est :
Des albums et des documentaires ont été réunis dans un bac à proximité des moyens ; ceux-ci vont choisir et rapporter à leurs tables, entre autres :
Bref bilan de ce premier trimestre
D’une façon plus générale, beaucoup de ces enfants ont, dès ce premier trimestre de moyenne section, établi un rapport « naturel » à la chose écrite, qu’il s’agisse de la fréquentation des albums, des premiers repérages qu’ils y opèrent, de la pratique d’activités d’écriture qui ne provoque aucun découragement de leur part ou même qui, pour quelques-uns d’entre eux, est déjà l’occasion d’implications attentives entre écrits à produire et supports de référence. Nous suivrons tout particulièrement au deuxième trimestre les progrès des quatre enfants qui manifestent pour l’instant les plus lisibles « difficultés d’apprentissage ». Bernard Devanne,
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