26/07/2018 – 03h00– « Ce ne sera pas un rapport comptable ». Les propos du sénateur Max Brisson (LR), auteur avec la sénatrice Françoise Laborde (RDSE), du rapport sur le métier d’enseignant, sont pourtant démentis par le contenu du rapport qui évoque des modifications de statut , de recrutement, d’affectation qui reprennent largement les recommandations du rapport Cap 22 : annualisation des services, révision du temps de travail, obligation de remplacement, personnalisation des affectations et reconnaissance du « mérite ». On notera deux apports. D’abord l’idée de varier le calendrier de recrutement des enseignants entre 1er degré et 2d degré. Ensuite la reconnaissance d’un point que le Café pédagogique en juin : derrière la question du concours d’admissibilité en L3 il y a celle de la récupération des 25 000 postes de fonctionnaires stagiaires.
« Ce ne sera pas un rapport comptable. Ce ne sera pas non plus un rapport de dénigrement. On veut jeter un regard bienveillant sur la profession ». Max Brisson, agrégé, inspecteur général, et Françoise Laborde, professeure des écoles, publient le 25 juillet un rapport attendu sur le métier enseignant, réalisé pour la commission de l’éducation du Sénat,. Et il est peu en accord avec ces engagements. Si le rapport aborde les questions de recrutement, d’affectation, de statut et de carrière, ses préconisations sont toujours très proches des idées ministérielles et du rapport Cap 22, qui, lui au moins, annonce clairement la couleur sur son obsession budgétaire.
Recruter en L3
Le rapport Brisson – Laborde veut construire « un cadre rénové pour renouer avec l’attractivité » du métier enseignant. On sait que la crise de recrutement est réelle. Elle touche plusieurs académies pour le premier degré et plusieurs disciplines pour le second. Pour répondre à cette crise, le rapport fait des préconisations sur les concours de recrutement, l’affectation des enseignants, leur statut et leur rémunération.
Sur les concours, le rapport distingue entre 1er et 2d degrés. Pour le second degré il propose peu de modifications. L’admissibilité aurait lieu au milieu de l’année de M2 de façon à assurer « une formation plus disciplinaire ». La formation professionnelle aurait lieu au second semestre de M2, avant le concours d’admission, et jusqu’en T3 (3éme année d’exercice) au moment où les lauréats du concours sont en charge de classes. Les rapporteurs ont une conception très traditionnelle du métier mettant l’accent sur la formation disciplinaire. Toutefois les rapporteurs recommandent un pré recrutement dès L1 auprès des assistants d’éducation, solution proposée aussi par le ministre.
Pour le premier degré par contre, ils préconisent le concours d’admissibilité en fin de L3 et l’admission en fin de M2. C’est ce que recommandent aussi JM Blanquer et le rapport Cap 22 mais pour tous les enseignants.
Supprimer 25 000 postes de professeurs stagiaires
Interrogé sur le statut des candidats entre L3 et M2, M Brisson reconnait que « financièrement ils ne pourront pas être fonctionnaires stagiaires ». Ce statut court aujourd’hui sur l’année de M2 et la solution proposée par le rapport pour le premier degré la ferait courir sur deux années. Les deux sénateurs disent ce que JM Blanquer n’a pas dit dans son projet de réforme de la formation et que le Café pédagogique avait expliqué en juin.
Le principal effet du déplacement du concours en L3 c’est de supprimer les 25 000 postes de fonctionnaires stagiaires. C’ets exactement le nombre de postes que Bercy devrait réclamer à l’Education dans le cadre de la suppression des postes de fonctionnaires. Et c’est aussi refaire ce que X Darcos avait fait en 2008 dans une situation politique identique. Au lieu d’être fonctionnaires stagiaires, les lauréats des concours d’admissibilité sont des étudiants éventuellement boursiers ou des apprentis.
Le rapport recommande aussi une reprise des Espe avec un affaiblissement du tronc commun et surtout une chasse aux sorcières envers les formateurs qui devraient être tous remplacés par des enseignants en exercice et quelques universitaires « de très haut niveau »…
Changer les règles d’affectation
Le rapport veut aussi revoir les règles d’affectation après concours. Il s’agit d’en finir avec « le bizutage institutionnel » des néo profs. Mais aussi de modifier les règle d’affectation pour donner plus de pouvoirs aux recteurs et chefs d’établissement. Là aussi on est dans la logique de Cap 22.
Les rapporteurs proposent de garantir une affectation dans la même académie pour les néotitulaires que pendant leur année de stage. Ils proposent aussi « un calibrage académique » des concours du 2 degré de façon à ce que les lauréats puissent choisir une académie. Pour celles qui ont du mal à recruter, les rapporteurs imaginent de donner aux recteurs le droit de définir des zones où ils pourraient déroger aux règles d’affectation ordinaire. A cela s’ajoutent une obligation de mutation tous les 10 ans pour les enseignants et la multiplication des postes à profil.
Annualiser le temps de travail
Les rapporteurs veulent aussi modifier le statut des enseignants. Et d’abor d’imposer l’annualisation des services. Pour eux il ne s’agit pas de faire travailler gratuitement davantage les enseignants. Mais un rapport de la Cour des comptes, favorable elle aussi à cette mesure, montre bien qu’elle permettrait d’augmenter de 20% environ le temps de travail sans bourse délier. Les rapporteurs veulent aussi imposer deux heures supplémentaires dans le second degré, rendre les remplacements obligatoires et imposer 5 jours de formation obligatoires en dehors des heures de service. Toutes idées qu’on trouve aussi dans Cap 22.
Enfin les rapporteurs reconnaissent que les salaires des enseignants sont bas, mais surtout en début de carrière. Le rapport mentionne quand même que, selon le ministère de l’éducation nationale, les enseignants ont perdu 10% de revenu depuis 2000. Pourtant ils ne demandent pas de revalorisation sauf pour les débutants. On retrouve là une idée émise sous Sarkozy en plein gel des salaires. Le rapport défend aussi l’idée de la personnalisation du revenu selon le mérite.
Rendre le métier plus pénible pour le rendre plus attractif ?
Avec tout cela peut on rendre le métier d’enseignant plus attractif ? Evidemment ce n’est pas en aggravant les conditions d’exercice, en rendant l’accès au métier plus couteux et en maintenant des salaires bas qu’on améliore l’attractivité. Celle ci apparait donc comme un prétexte. L’objectif réel de ce rapport c’est de matérialiser le soutien de la Commission de l’éducation du Sénat au projet ministériel et gouvernemental.
François Jarraud