La Deuxième guerre mondiale occupe une bonne partie de l’actualité récente émargeant à ma veille éditoriale. Le rythme ne manquera pas de s’accélérer plus on s’approchera des futurs opérations de commémorations de 2014-2015.
La question de la collaboration de certaines personnalités avec le nazisme, plus particulièrement de celles actives dans les milieux de la mode ou des médias, s’est focalisée sur deux personnes, un groupe très actif dans l’industrie du luxe et un groupe de presse :
• On débute avec Coco Chanel dans Rue89 et en août. Ainsi si Coco Chanel a libéré les femmes de leurs corsets, dévoilé leurs mollets, elle a aussi collaboré avec le régime nazi. Dans une nouvelle biographie titrée « Coucher avec l’ennemi, la guerre secrète de Coco Chanel », sortie le 16 août aux Etats-Unis, le journaliste américain Hal Vaughan évoque une facette nettement moins brillante de la vie de cette icône française. [1]
• En septembre, Mediapart s’intéresse au numéro spécial de GéoHistoire consacré à l’Occupation. Le magazine aurait subi certaines pressions pour ne pas déplaire à certains annonceurs — plus particulièrement le groupe LMVH — alors même que le groupe Bertelsmann, auquel le magazine appartient, avait fait en 2002 son examen de conscience et avait présenté des excuses pour son attitude sous le IIIe Reich. En effet, «L’historien Saul Friedländer avait révélé que le géant allemand des médias avait acquis sa taille grâce aux affaires réalisées sous le IIIe Reich.» [2]
• Début octobre, c’est la parution d’un ouvrage sur la société Hugo Boss — et financé par celle-ci — qui révèle les côtés sombres de la société et de son fondateur pendant la Deuxième guerre mondiale. L’entreprise a ainsi notamment employé des travailleurs forcés : 140 Polonais et 40 Français. L’auteur indique que «It is clear that Hugo F Boss did not only join the party because it led to contracts for uniform production, but also because he was a follower of National Socialism.» [3]
Au niveau des sources et ressources utiles à l’enseignant, les photographies sont à l’honneur d’une série réalisée par le journal The Atlantic. Celui-ci propose depuis le 19 juin et jusqu’au 30 octobre 2011, une série en 20 épisodes retraçant la Deuxième guerre mondiale au travers de photographies. L’ensemble retrace le conflit chronologiquement et de manière thématique. Le tout forme un ensemble de photographies à la fois déjà connues et d’autres moins. Chacune est légendée. C’est une formidable banque de données utilisable en classe. [4]
En ce début octobre, France 3 nous proposait un documentaire sur Hiroshima, réalisé par Kenichi Watanabe et déjà auteur en 2009 d’un documentaire intitulé «Le Japon, l’empereur et l’armée». Critique à l’égard des Américains, le propos de ce documentaire intitulé «La Face cachée de Hiroshima» s’articule autour de l’idée que «depuis 65 ans, l’histoire de la bombe et du nucléaire est une longue histoire de secrets». Il y aurait donc une thèse du secret ou du mensonge, voire du complot. Globalement, la promotion du documentaire est fondée sur des bases comparables — mais avec une thèse différente — à celles de la série «Apocalypse» de Costelle et Clarke diffusée en 2009. Ainsi, le documentaire met en avant le côté qui serait inédit des images et du propos, une dramatisation des images à travers l’utilisation d’une musique originale et l’absence quasi totale de contextualisation des images. Les images sont ainsi sélectionnées et choisies en fonction d’une narration construite préalablement. De plus, il y a parfois un mélange d’archives d’époque et d’images actuelles. Concernant Hiroshima, ce documentaire pourrait être utilisé en parallèle avec «Apocalypse» puisqu’ils proposent des points de vue différents relativement à l’utilisation de la bombe. [5]
Je terminerai par trois ouvrages. L’un est encore en anglais et il faut en espérer une traduction relativement rapide. 25 ans après la publication de cette oeuvre majeure qu’est Maus d’Art Spiegelman, ce dernier publie MetaMaus qui regroupe les deux albums publiés alors et il répond aux questions qui lui ont régulièrement été posées sur son travail tel pourquoi des souris pour raconter cette histoire? pourquoi l’holocauste? pourquoi en bande dessinée? Un DVD accompagne cette nouvelle édition.
Pour sa part, l’ouvrage «Les mise en scène de la guerre au XXe siècle» intéressera les enseignants qui abordent les conflits principaux du XXe siècle à l’aide du film de fiction ou du film documentaire.
Cet ouvrage trouvera un utile complément avec la lecture de «La Part de fiction dans les images documentaires», numéro paru en 2009 et réalisé en commun par le Bulletin de l’Institut d’Histoire du Temps Présent (IHTP – CNRS) et la revue Conserveries Mémorielles (CELAT – Université Laval, Québec). Ce numéro propose de s’intéresser aux relations entre les images dites documentaires – films et photographies – et le réel qu’elles représentent et médiatisent, en interrogeant la part de fiction contenue dans ces images. [8]
De quoi lire et réfléchir à l’approche des vacances et de l’hiver.
Lyonel Kaufmann, Professeur formateur,
Didactique de l’Histoire, Haute école pédagogique du canton de Vaud, Lausanne (Suisse)
[1] Coco Chanel, « fashionista fasciste » et agent du IIIe Reich | Rue89 : http://bit.ly/nqnm8v.
[2] Geo Histoire accusé de censure pour complaire à des annonceurs | Mediapart : http://bit.ly/oH7eQO.
[3] Hugo Boss apology for Nazi past as book is published | History News Network : http://bit.ly/qxmUou.
[4] World War II in Photos – Alan Taylor – In Focus – The Atlantic : http://www.theatlantic.com/infocus/ww2.html.
Je n’oublie pas de citer le remarquable travail sur flickr de Photos Normandie (http://www.flickr.com/photos/photosnormandie/) dont un remarquable album consacré aux photos qui possèdent une référence à une séquence filmée tournée en même temps que la photo était prise. La plupart du temps il s’agit d’un extrait de film tourné par le caméraman du Signal Corps qui accompagnait le photographe.
Toujours sur flickr, il y a également l’album de la Librairie américaine du Congrès regroupant des photos en couleur des années 1930-1940 (http://www.flickr.com/photos/library_of_congress/sets/72157603671370361/).
[5] Au sujet de ce documentaire, on pourra en lire la présentation non distancée de la rubrique Ecrans de Libération (http://www.ecrans.fr/Hiroshima-le-noyau-d-une-guerre,13382.html) ainsi que la promotion faite par la région île de France qui a participé au projet et qui en propose un extrait vidéo (http://bit.ly/pBHd9I).
[6] Cette extrait du DVD vous donnera un aperçu des compléments apportés par MetaMaus : http://youtu.be/ql4oZtLruFE.
[7] Les mises en scène de la guerre au XXè siècle, Théâtre et cinéma (description : http://bit.ly/o86xp8
[8] On pourra lire l’introduction de ce numéro ici : http://cm.revues.org/336.