Par Rémi Boyer de l’association Aide aux Profs
Ce mois-ci nous attirons votre attention sur :
– La diversification des modes de communication de l’association Aide aux Profs en 2011,
– La « mobilité des fonctionnaires » : choisie ou contrainte ? Sera-t-elle facteur de précarité pour les victimes impuissantes des restructurations des années 2011-2015 ?
– Les enjeux économiques du DIF, permettant d’améliorer la professionnalisation des fonctionnaires, et donc d’une grande partie des enseignants.
Aide aux Profs diversifie ses modes de communication
En 2011, Aide aux Profs diversifie sa communication pour mieux sensibiliser les acteurs de la communauté éducative aux problématiques que sous-tendent les secondes carrières des enseignants :
– La diffusion d’extraits vidéo parodiques, réalisés par Sébastien Gautheron, réalisateur à France Televisions, nous permet de montrer, par l’humour, qu’une seconde carrière ne se décide pas « sur un coup de tête », et qu’elle ne doit pas représenter une fuite d’une situation que l’on ne supporte plus. Ces courtes séquences sont donc destinées à faire réfléchir sur l’importance de proposer des mobilités professionnelles adaptées aux compétences et surtout aux désirs des personnes, car toute mobilité contrainte ou suggérée peut conduire à des situations plus graves, comme une perte d’estime de soi, un profond découragement, une démotivation, un manque de savoir-faire et de savoir-être pour manager des équipes, comme dans le cas très précis du métier de chef d’établissement, très exigeant. A chaque publication d’un extrait vidéo, nous réaliserons des articles se référant aux parcours de carrière parus sur le Café Pédagogique ces dernières années, afin de mieux informer les enseignants sur tous ces aspects quotidiens, vécus, des métiers qui leur sont accessibles, afin de leur apporter bien plus d’informations qu’aucune fiche de poste ne le pourrait :
http://www.aideauxprofs.org/index.asp?affiche=[…]
– L’organisation de conférences sur les secondes carrières envisagées, accessibles et réussies par les enseignants, puisque nous en avons rencontré plusieurs centaines à ce jour qui ont réussi leur reconversion. Ainsi pouvons-nous toujours nous positionner comme « experts » sur la question, et envisager de proposer à tous les services RH des académies qui le souhaitent notre contribution sous forme de conférences, comme celle qui aura lieu à Mont-Saint-Aignan le mercredi 16 Février 2011 à l’IUFM de Rouen, amphi 250, de 17h à 19h : nous vous y attendons nombreux, ce qui favorisera les échanges sur les questions qui vous préoccupent, enseignant en quête d’un ailleurs professionnel, personnel RH en quête d’expériences et d’idées d’accompagnement professionnel, ou chercheurs captivés par ces questions :
http://www.aideauxprofs.org/index.asp?affiche=News[…]
Les prochaines conférences d’Aide aux Profs auront lieu courant 2011 à Paris, Lyon, Aix-en-Provence.
– La publication d’un dessin d’illustrateur tous les 15 jours sur l’actualité éducative, avec Nicolas Julo.
– Par Facebook : vous pouvez désormais rejoindre le groupe d’Aide aux Profs, si vous souhaitez faire partie de cette chaîne de solidarité entre profs et anciens profs que nous constituons, mais aussi pour échanger sur les problématiques professionnelles qui vous préoccupent :
http://fr-fr.facebook.com/pages/Aide-aux-Profs[…]
– Par Viadeo : vous pouvez aussi rejoindre ce réseau de compétences complémentaires, en particulier si vous avez été enseignant et avez depuis réalisé une seconde carrière :
http://wwww.viadeo.com/hub/listemembresdunhub/?c[…]
– Nous poursuivons la publication d’interviews de personnalités de la sphère éducative et au-delà, afin de les sensibiliser à la pénibilité du métier au-delà d’un certain âge ou dans certaines disciplines, et à la nécessité d’accroître le nombre de postes adaptés, et de conserver les postes en détachement qui constituent des opportunités de secondes carrières fort intéressantes dans la fonction publique :
http://www.aideauxprofs.org/index.asp?affiche=Res[…]
– La newsletter d’Aide aux Profs vous informe régulièrement de nos activités, dès lors que vous vous êtes créé un compte sur notre plateforme. Vous êtes actuellement plus de 2500 à la recevoir.
Depuis le n°79, nous vous proposons toujours des éclairages sur l’actualité de la mobilité, avec à chaque fois un parcours de carrière d’enseignant. En 2011, nous aborderons le cas des enseignants qui effectuent une seconde carrière en parallèle de leur métier d’enseignant, prouvant ainsi qu’il n’est pas toujours nécessaire de quitter les élèves pour s’investir dans l’une de ses passions. Illustrateur, écrivain, musicien, sculpteur, graphiste, éditeur, psychologue, comédien…vous découvrirez avec nous la richesse de ces doubles vies, une manière de mieux vivre les contraintes nouvelles du métier d’enseignant.
Depuis 55 mois, bénévolement, nous avons accueilli plus de 2500 enseignants sur notre plateforme et réalisé plus de 900 pré-bilans de carrière. Pourtant, malgré une première rencontre avec Madame Josette Théophile le 20 avril 2010, le Ministère de l’Education nationale reste sourd à nos demandes de figurer sur son portail de la mobilité des enseignants, alors que bon nombre de nos travaux ont pu alimenter sa réflexion, de nombreux CMC utilisant régulièrement « Enseignant…et après ? Comment préparer et réussir sa seconde carrière » du fait de manque de documentation autre sur les secondes carrières des enseignants. Seule l’académie de Nice et l’inspection académique du Vésinet ont réalisé un lien externe vers notre portail. Les académies de Versailles, de Caen, de Créteil, d’après notre réseau, ont réalisé une information sur leur intranet à destination des CMC.
Portail institutionnel des secondes carrières :
http://www.education.gouv.fr/pid24372/portail-mobili[…]
Portail associatif des secondes carrières des enseignants :
Mobilité choisie ou contrainte ? Sera-t-elle facteur de précarité pour les victimes impuissantes des restructurations des années 2011-2015 ?
Le 3 août 2009, la loi sur les parcours de mobilité interministériels, qui a été contestée par la plupart des organisations syndicales, sans obtenir pour autant son abrogation, a été suivie par le décret du 12 novembre 2010 (JORF) sur la réorientation professionnelle des fonctionnaires de l’Etat. La FSU a été l’un des rares syndicats à déposer le 14 janvier 2011 un recours en annulation devant le Conseil d’Etat, car « L’article 7 modifie substantiellement le statut général des fonctionnaires en introduisant, en cas de restructuration d’une administration de l’État ou de l’un de ses établissements publics administratifs, la possibilité de placement des fonctionnaires en situation de réorientation professionnelle, laquelle peut déboucher sur le licenciement. »
Gérard Aschieri, secrétaire général de la Fédération syndicale unitaire (FSU) avait déclaré le mardi 25 novembre 2008 : « L’objectif du texte n’est pas la mobilité volontaire. Il s’agit d’une boîte à outils pour faciliter les plans sociaux lors de restructurations (….) La quasi-totalité des organisations syndicales sont contre le projet, et une mobilisation est en cours de préparation ».
Les syndicats avaient en effet jusqu’au 16 janvier 2011 à minuit pour déposer un recours en annulation devant le Conseil d’Etat. Le recours de la FSU est donc très important, car il sera jugé dans un an. D’ici là, si des licenciements de fonctionnaires ont lieu, et si le Conseil d’Etat annule le Décret mobilité, alors l’Etat devra réintégrer ceux qu’il aura poussés vers la porte.
Les restructurations en cours à l’Education nationale constituent un véritable « terrain miné » pour le Gouvernement, alors que l’Ecole est déjà atteinte à cœur par la nouvelle carte des suppressions de postes d’enseignants dans les différentes académies. Il y a lieu de croire que les restructurations souhaitées par l’Education nationale dans ses EPA seront atténuées d’ici 2012, du fait des prochaines échéances électorales, si les mouvements de grèves des syndicats amplifient le mouvement de contestation des enseignants.
Actuellement, nous constatons que, loin de la « revalorisation » annoncée à la rentrée 2010 par le Ministre Luc Chatel, c’est une véritable désintégration de la qualité du métier d’enseignant qui est en train de se produire, puisque désormais, les académies de Rennes, de Caen, de Versailles, de Créteil, de Paris, recrutent des étudiants niveau Licence dans les antennes du Pôle emploi, un BOEN de novembre 2010 les invitant à le faire. Nous allons donc assister dans les prochaines années au retour de la montée en effectifs des « contrats précaires », avec des enseignants non formés, des stagiaires malmenés et mal formés, tandis que des vois s’élèvent dans l’UMP pour demander la fin du statut de fonctionnaire…
http://www.fsu.fr/spip.php?article2700
Aide aux Profs salue cette décision courageuse, même tardive, car l’application de la loi mobilité vient à peine de commencer à l’Education nationale, et nous en observons déjà les effets dévastateurs :
– Suppression de l’INRP le 1er janvier 2011 (les détachés disposent de 5 ans pour trouver un emploi ailleurs selon le rapport Winkins),
– Suppressions de CDDP dans toute la France (réseau SCEREN) afin qu’il n’en subsiste qu’un par département (pour l’instant),
– Suppressions de postes (tous les CAE sont touchés, mais aussi non renouvellement des départs en retraite, suppression des MAD) dans les CRDP,
– Suppressions de postes (liés à la restructuration et au non renouvellement des départs en retraite) dans les différents sites du CNED,
– Fusions de CIO dans le réseau de l’ONISEP,
– Retours en académie des derniers enseignants encore en MAD…une centaine… (plus de 5000 postes en MAD auront donc été supprimés depuis 2005),
– Pression accrue dans les rectorats sur les enseignants occupant des emplois administratifs, les enseignants s’occupant des TICE ayant été les premiers touchés (rentrée 2010),
– Amorce de suppression de certaines décharges dont bénéficiaient les enseignants de collège et de lycée, l’objectif étant de récupérer suffisamment d’ETP.
Toutes ces suppressions étaient préconisées dans le rapport n°2215 de 2005 de l’assemblée nationale, dans l’objectif d’’économiser 1,5 milliard d’euros, une somme minime par rapport à ce que coûtent par ailleurs certaines dépenses de l’Etat. Un lourd tribut payé par l’Education nationale, pour un démantèlement sans précédent dans son histoire. Une page va se tourner…que restera-t-il de l’Education nationale si ce rythme de suppressions de postes se poursuit à marche forcée pendant encore 7 ans ?
Dans l’expresso du 22.11.2010, le Café citait cet extrait qui ouvre une brèche dans la garantie à vie de l’emploi des fonctionnaires :
« Le fonctionnaire dont l’emploi est susceptible d’être supprimé, en cas de restructuration d’une administration de l’Etat ou de l’un de ses établissements publics administratifs peut être placé en situation de réorientation professionnelle, en l’absence de possibilité de réaffectation sur un emploi correspondant à son grade », annonce le texte. L’administration peut alors l’obliger à suivre des actions d’orientation. « Le fonctionnaire qui refuse successivement trois postes qui lui sont proposés en vue de sa réintégration peut être licencié après avis de la commission administrative paritaire ou, s’il a droit à pension, admis à la retraite. »
Dans la pratique, voilà quelques échos parvenus à Aide aux Profs depuis la publication de ce décret :
– un professeur en MAD obligé de réintégrer en académie devant élèves. Ayant refusé les 3 postes que lui a successivement proposé son rectorat, qui exigeaient tous de nombreux et longs déplacements incompatibles avec sa santé. Le service RH du rectorat a placé alors le professeur en disponibilité d’office, donc sans traitement.
– Des personnels administratifs affectés par une restructuration se voient conduits dans différentes structures à une mobilité géographique forcée. Pour ceux qui ne l’acceptent pas (du fait d’un conjoint ne pouvant quitter son emploi, par exemple artisan ou commerçant prospérant en un lieu donné), l’accompagnement à la mobilité du service RH se résume à « envoyez-nous votre CV et prévenez-nous dès que vous avez trouvé quelque chose ».
– Des professeurs en détachement obligés de réintégrer du fait d’une restructuration ou de la suppression de subventions (cf associations complémentaires de l’Etat) et placés de manière aléatoire devant élèves, sans tenir compte des compétences développées auparavant.
– Des professeurs en disponibilité en convenances personnelles reçoivent un courrier du service RH de leur académie avec ce qui ressemble à un ultimatum : « réintégrer ou démissionner »
Dans la très grande majorité des cas, la phrase «trois postes qui lui sont proposés… » évoque en fait la transmission, par mail, de publications de postes qui ont eu lieu sur la BIEP nationale ou l’une des BIERP régionales, sans qu’il soit tenu compte par l’administration de la localisation géographique des postes proposés. Ainsi avons-nous le cas de personnels administratifs en Préfecture dans le Languedoc-Roussillon, qui se sont vus proposer des postes sur toute la France, et se retrouvent donc actuellement en disponibilité d’office.
La « sécurisation des parcours professionnels » nous semble cacher en fait la volonté de dégraisser au maximum la Fonction Publique, alors que les fonctionnaires n’ont pas droit à des indemnités chômage en cas de disponibilité d’office. Récemment, le Député Mancel déposait une proposition de loi visant à limiter la fonction publique aux seuls employés des ministères régaliens…tandis que le député UMP Christian Jacob lançait lui aussi l’idée de briser le « tabou de l’emploi à vie » des fonctionnaires en lui substituant des CDD de 5 à 10 ans…
http://www.assemblee-nationale.fr/13/proposition[…]
http://www.lefigaro.fr/emploi/2011/01/07/01010-[…]
Mais voilà, si les lois et les décrets d’application sont prêts, les emplois de remplacement pour les fonctionnaires dont les postes seront supprimés ne sont pas suffisamment nombreux, et en tous les cas pas dans une proximité géographique raisonnable. Les déplacements massifs de fonctionnaires que va engendrer la loi Woerth du 3 août 2009 dans les 3 à 5 ans qui viennent vont générer de la précarité, en aggravant le climat social déjà bien dégradé.
Dans les faits, malgré la création de plateformes de GRH dédiées à l’organisation de la mobilité dans les SGAR des préfectures de région, il s’avère que certains Préfets de région se rendent compte de la difficulté d’organiser les mobilités liées aux restructurations en raison de ces difficultés majeures :
– manque de passerelles entre les corps, par méconnaissance des compétences transférables, le travail de GPEEC n’étant pas achevé dans tous les ministères,
– manque de communication, par les services RH des différents ministères affectés par les restructurations, car ils préfèrent réserver les postes à leurs personnels qui perdent leurs emplois plutôt que de les verser « au pot commun », ce qui est tout-à-fait compréhensible,
– Manque d’expérience et de formation des « nouveaux CMC », sous-équipés en documentation, dont « l’accompagnement » se limite bien souvent à la manière de créer un CV, de rédiger une lettre de motivation, et à l’envoi de mailings groupés vers des milliers d’individus pour quelques fiches de postes, éparpillées sur le territoire…une véritable foire d’empoigne sur les postes disponibles est à prévoir.
La fonction de CMC, bien qu’étiquetée « catégorie A », est en fait plafonnée à l’indice 650, sous forme de MAD d’une durée de trois ans renouvelable deux fois maximum. Ce qui nous surprend est l’absence de concours pour ce nouveau métier de CMC, recruté comme des contractuels sur profil, ou occupés par glissement statutaire. La fonction de CMC est-elle appelée à disparaître une fois les restructurations de l’Etat achevées ?
A ce jour, Aide aux Profs remarque que seules les académies de Créteil, de Versailles et de Paris ont réalisé de réels efforts pour accueillir les projets de mobilité des enseignants de plus de 15 ans d’ancienneté, l’académie de Créteil étant la seule à notre connaissance à ne pas tenir compte du critère de l’ancienneté. Une grande partie des autres académies privilégie les enseignants « dépressifs » pour la reconversion, qui se limite dans la majorité des cas à un changement de discipline, ou de niveau d’enseignement (« professeurs des écoles, devenez professeurs de collège… »). Au niveau des stages de formation « accompagnement des parcours de carrière », ils ne semblent passionner que les académies de Créteil et de Paris.
Comment le Ministère de l’Education nationale peut-il prendre le risque actuellement « d’ouvrir la mobilité externe » aux enseignants alors qu’il supprime massivement des postes ? La « seconde carrière des enseignants » s’avère de plus en plus, au niveau institutionnel, n’être qu’un vœu pieu, ce qui explique le faible nombre des IDV attribuées, moins d’une centaine en 2010.
La professionnalisation des enseignants et le DIF, un enjeu économique de la décennie à venir ?
Le Café Pédagogique évoque le 20 janvier la professionnalisation des enseignants à travers le n°22 de la Revue Internationale d’Education de Sèvres du CIEP :
http://cafepedagogique.net/lexpresso/Pages[…]
Notons que Richard Wittorski, président de l’AECSE et professeur à l’IUFM de Rouen, a beaucoup travaillé sur cette problématique avec ces ouvrages publiés en collectifs aux éditions de l’Harmattan :
– « la professionnalisation en actes et en questions »
– « Formation, travail et professionnalisation »
– « Professionnalisation et développement personnel »
Depuis le Décret n° 2007-1470 du 16 octobre 2007 chapitre III (agents titulaires), puis le Décret n° 2007-1942 du 26 octobre 2010 (agents non titulaires) confirmé par la Circulaire n° 2010-206 du 17 juin 2010, et le BOEN n° 43 du 25 novembre 2010, la professionnalisation des enseignants prend un nouveau tournant, puisque l’année 2011 inaugure une véritable révolution dans la formation : le DIF leur devient enfin applicable, à raison de 20h de formation par an (sur leurs congés, avec priorité aux projets de mobilité ou de reconversion), le crédit d’heures cumulé depuis 2007 leur permettant en fait d’utiliser 70h en 2011.
Cependant, l’administration ne verse qu’une indemnité de formation, dès lors que le DIF se déroule en dehors des obligations réglementaires de service. L’indemnité se calcule sur la base suivante : ((traitement indiciaire annuel net / 1607) / 2 )) * nombre d’heures de formation. Pour un Professeur des Ecoles au 7e échelon, cela revient à une indemnité horaire de 7,14 €. Le coût de la formation peut être pris tout ou partie en charge par l’administration, selon sa nature et celle de l’organisme, qui peut être public, ou privé, mais sous convention avec l’Etat.
Les enseignants se saisiront-ils de cet outil de professionnalisation, pour perfectionner leur formation continue, afin d’envisager de manière plus sereine leurs possibilités d’évolution professionnelle ? En tous les cas, le marché de la formation continue, lui, a bien saisi l’importance de ces décrets et circulaires, puisque le marché considère que l’année 2010-2011 constitue une véritable « charnière ». Avec plus de 70 000 opérateurs privés en France, la concurrence sera, n’en doutons pas, très vive : les enseignants, comme les fonctionnaires, vont constituer le « marché de demain » de la formation, grâce au DIF, qui peut être réalisé pour des formations en présence comme à distance.
L’Etat tiendra-t-il le choc financièrement, alors que le budget 2011 ne prévoit pas de « dépenser un euro de plus » ? Il y a lieu de croire que rares seront les académies à proposer une prise en charge du coût des formations souhaitées par les individus, tandis que ce que l’on constate déjà pour les Congés de Formation Professionnelle (3 à 14 ans d’attente selon les académies) risque aussi de se produire pour les demandes de DIF (qui peuvent être refusées deux années de suite pour une même personne).
Le Décret relatif à la formation tout au long de la vie du 15 octobre 2007 :
http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidText[…]
Texte de la circulaire du 17.06.2010 :
http://premier-degre.snec-cftc.fr/FABRICE/aab dif%2[…]
BOEN n°43 du 25.11.2010 :
http://www.education.gouv.fr/cid54014/menh1025270c.html
Maxime Kapriélian, de l’enseignement à l’ingénierie pédagogique, tout en musique…
Pourquoi êtes-vous devenu enseignant, et comment se sont déroulées vos premières années ?
« Après une licence de musicologie en 1997, j’ai préparé et obtenu le Capes en 1998 tout en poursuivant des études au Conservatoire (écriture et direction de chœur). J’avais d’abord été prof de solfège avant, mais c’était un emploi précaire, il est très difficile de se faire titulariser. En tentant le Capes je n’étais pas très motivé par ce métier, mais à l’idée d’avoir un salaire plus élevé et un emploi du temps décent, je me suis dit que ça valait le coup.
J’ai d’abord été affecté dans un collège ZEP des quartiers Nord de Marseille pour mon stage d’IUFM et ça s’est très bien passé. Par contre, les relations avec les enseignants de l’IUFM ont été moins bonnes, car j’avais obtenu le Capes dans avoir suivi leur préparation, et sur les 12 stagiaires que nous étions, les 6 premiers reçus de l’académie (dont moi) avaient eu le concours en candidat libre.
Entre 1999 et 2002 j’ai été affecté en banlieue parisienne à Gennevilliers (académie de Versailles) en ZEP. Le collège en question est l’un des pires de l’académie puisqu’il est à la fois classé ZEP, PEP IV, Zone Sensible et Prévention Violence. La totale, j’ai eu droit à tout durant mes années d’enseignement dans cet établissement. Ça s’est mal passé au début, j’ai appris très vite que le poste que j’occupais était resté vacant pendant 4 ans. Tous les Maîtres auxiliaires ou TA (les ex TZR) qui s’y étaient succédé s’y étaient usés très rapidement, certains préférant un congé maladie à de telles conditions de travail. Moi, j’avais été muté à 800 km de ma région d’origine, et pendant plusieurs mois je n’ai pas été payé, ou alors a minima, sans les primes, alors que j’avais pourtant un loyer à financer, mes déplacements en métro, ma nourriture, etc. Il a fallu que je fasse intervenir le député de Gennevilliers pour que le rectorat de Versailles accepte de me payer enfin – avec rattrapage – au bout de 4 mois.
La première chef d’établissement que j’ai eu était horrible, désagréable, incompétente. Elle a fait un rapport sur moi, à mon insu, envoyé au rectorat. Elle était persuadée que j’étais un syndicaliste forcené qui influençait ses collègues. Je n’étais même pas syndiqué pourtant, ce qui ne m’empêchait pas de faire connaître mes convictions et surtout mes attentes de jeune prof. La première année, je n’ai eu qu’une envie : démissionner, me barrer de là. J’ai tenu comme j’ai pu, je me demande comment. Ensuite est venue une nouvelle chef d’établissement, compétente, et ça s’est bien passé.
J’ai ensuite demandé ma mutation sur Paris, alors qu’en parallèle j’avais repris une activité de chef de chœur en région parisienne, et j’ai obtenu un poste dans un prestigieux établissement parisien, avec des élèves très différents de ceux que j’avais eus jusqu’ici. J’ai alors repris goût à ce métier. C’était un établissement huppé, avec quand même un certain mépris de la part des élèves pour les enseignants, mais plus facile à surmonter que toutes les incivilités courantes dans les établissements où j’avais enseigné avant. J’ai alors pu réaliser des voyages scolaires, des projets en équipe. »
Comment en êtes-vous arrivé à une situation de démotivation, avec l’envie d’une seconde carrière ?
« Cependant, très vite je me suis aperçu que lorsque l’on est jeune et ambitieux, on ne peut rien faire à l’Education nationale. J’ai eu de très bonnes inspections pourtant, mais ce qui m’a profondément démotivé, c’est cette commission paritaire qui m’a refusé le passage au grand choix et a baissé ma note administrative car elle ne se situait pas dans la fourchette pré-définie par le rectorat pour changer d’échelon.
Dans le nouvel établissement où j’enseignais, il s’est trouvé que le principal adjoint était un pervers narcissique. Il rabaissait systématiquement les profs, et il m’a fait rapidement comprendre qui il était et qui j’étais, en m’enlevant la fonction de professeur principal – sous le seul prétexte qu’un prof de musique est incapable d’assumer une telle fonction, en ne me donnant pas d’heures supplémentaires, et quand il a manqué des heures dans la DHG de l’établissement, il m’a envoyé ailleurs faire un complément de service. Je n’ai eu que des brimades de la part de cette personne, ça a été comme un harcèlement sur plusieurs années. J’avais alors un collègue de musique incompétent, qui avait toujours le bazar dans ses classes, mais comme il était plus ancien que moi dans le lycée, il était intouchable. L’Education nationale est incapable de gérer ce genre de situations. L’IA-IPR me soutenait mais ne pouvait rien faire et le proviseur, un être respectable mais usé par le pouvoir, n’a pas agi. Dans un lycée prestigieux, un souci avec un professeur d’enseignement artistique est nettement moins préoccupant qu’avec un professeur de lettres ou mathématiques. J’ai découvert qu’il y avait plusieurs « castes » d’enseignants.
Mon ras-le-bol est venu avec l’agrégation en 2006. Il y avait 12 places, j’ai été reçu 13e. Ça a été le coup de grâce, rater le concours à ce niveau prouvait que ce n’était ni mon savoir ni mes compétences qui étaient remises en cause mais que je n’étais plus en phase avec ce que demande l’Education nationale, et en 2006, je me suis dit qu’il était plus que temps de partir.
Entre 2002 et 2006 je donnais quelques heures de cours dans un conservatoire, on m’y a promis un temps complet que je n’ai jamais obtenu. J’ai alors contribué à la naissance et au développement un site web associatif autour de la musique, qui enregistre actuellement 80 000 visites par mois : www.resmusica.com
J’y ai développé de nombreuses compétences pour me faire connaître dans le milieu culturel et artistique. En écriture, en analyse, en communication, en connaissances juridiques sur la propriété intellectuelle. Je me suis constitué un vrai réseau professionnel, à l’échelle européenne. Actuellement nous sommes une équipe de 5 personnes, regroupés en loi 1901, qui gère un réseau de 60 pigistes partout dans le monde francophone. »
Quand aviez-vous contacté Aide aux Profs ?
« Fin 2006, après de nombreuses recherches sur le web, je tombe sur le site web d’Aide aux Profs. Un conseiller bénévole m’a aidé à réaliser mon CV, à prospecter des annonces, à rédiger mes lettres de motivation, à décrocher et à préparer mes premiers entretiens. En juin 2007 j’étais en dernière phase de recrutement pour un très beau poste à Radio-France, que je n’ai pas eu lors de l’entretien final – il fallait choisir entre deux candidats, dont moi. J’évoque à mon chef d’établissement – le proviseur, pas son adjoint pervers – mon projet de mobilité hors de la classe, et il est très gêné de me voir partir. Il me dit « comprendre » ce que je ressens, et « n’avoir pas eu conscience du découragement que la situation générait » chez moi. Comme je n’avais pas été retenu pour Radio France, il m’a confié une mission, celle de créer une classe à option musique en collège. Il y avait un dossier à réaliser, des partenaires à trouver. Le directeur du conservatoire voisin a été ravi, et le rectorat a donné des heures supplémentaires pour que je puisse m’y atteler. Mais voilà…tout était trop beau. Le proviseur adjoint a fait ensuite tout ce qu’il pouvait pour détruire l’option et y a réussi (elle concurrençait son projet de classe bilingue chinois, qui depuis prospère). Il n’a jamais communiqué sur ce projet musique auprès des parents d’élèves, et le proviseur, lui, fermait les yeux sur cette situation car il ne songeait qu’à prendre sa retraite. Son adjoint ne pensait qu’à me mettre des bâtons dans les roues. Donc j’ai travaillé pour rien, et j’ai laissé tomber le projet. Je me suis ensuite totalement désinvesti de la vie de l’établissement, en reportant toute mon énergie et mon enthousiasme sur ResMusica.
Quel a été le déclic qui vous a fait quitter les élèves ?
« En 2008-2009, j’en ai eu vraiment marre. Partir, vite…Je ne pouvais plus tenir. J’ai alors recontacté Aide aux Profs, j’ai repris ma prospection avec leur soutien à distance. J’ai passé plusieurs entretiens. J’ai aussi bénéficié cette année là, grâce à une enseignante qui passait son master en coaching, et avait besoin de suivre des personnes pour valider son diplôme, d’un suivi toutes les semaines, qui m’a beaucoup apporté. Elle avait proposé gracieusement ses services aux enseignants qui contactaient Aide aux Profs, qui l’a mise alors en relation avec six enseignants au total. Ce coaching m’a redonné confiance en moi, en mes possibilités de changer.
A la rentrée 2009, toute l’équipe de direction de mon établissement avait changé, c’était la fin des « privilèges indus », la fin de ce fonctionnement médiéval que je supportais plus. La nouvelle équipe de direction a alors encouragé mes projets, j’ai pu faire des voyages pédagogiques, j’ai récupéré des heures de lycée, j’ai pu être de nouveau inspecté, au total je l’aurais été 3 fois en 12 ans, ce qui est rarissime en région parisienne.
Mais pour moi, c’était fini, le travail de sape avait été trop important par l’ancienne direction, je n’avais plus envie de renoncer à mon départ. Un enseignant est trop impliqué dans son métier, alors quand ses supérieurs chargés de coordonner la vie de l’établissement et de le gérer s’y mettent aussi, ça devient l’enfer. Le précédent adjoint avait totalement dénigré mes compétences, ma passion d’enseignant, mon enthousiasme, il m’a dégoûté de l’enseignement.
Du coup, j’ai prospecté plus souvent des postes en détachement. Mon collègue, qui n’était qu’à temps partiel, a demandé à travailler à plein temps, et du coup j’ai été victime d’une mesure de carte scolaire…car il n’y avait plus assez d’heures pour moi dans l’établissement, puisque j’étais toujours « le dernier arrivé ». Mais heureusement, le nouveau proviseur a tout fait pour me débloquer 10h pour que je puisse rester en partie.
Fin mai 2010, j’ai eu plusieurs entretiens pour un recrutement en détachement au CNDP de Poitiers, car j’avais alors décidé d’être mobile sur toute la France. Je suis devenu chargé de mission pour la musique au CNDP. Au total, entre le moment où j’ai commencé à chercher et celui où j’ai obtenu le poste que je recherchais, il s’est passé 3 ans. »
Quelles sont vos missions et responsabilités sur ce nouvel emploi ?
« Je suis chargé d’expertiser tous les projets de près ou de loin que les CRDP envoient au CNDP. J’ai un regard critique, je suis chargé aussi d’initier de nouveaux projets d’après les textes que l’Education nationale publie, et les projets des professeurs, en collaboration avec des structures culturelles. Récemment, j’ai travaillé sur la traduction d’un livre sur l’éducation au son, réalisé par un compositeur et pédagogue canadien, R. Murray Schafer. Cela traitait du son scientifique, de l’audition, de la prévention contre le bruit, de la variété des sons au niveau musical, etc.
Je travaille sur des projets en réseau, avec des institutions ou des organismes privés, comme pour Francofolies.
Je recrute aussi des auteurs pour concevoir des notices pédagogiques, et je travaille en pluridisciplinarités au sein d’une équipe de chargés de mission très sympathiques. Je suis très souvent en contact avec tous ces interlocuteurs, artistes, institutionnels, enseignants, … ce qui me passionne.
Vous avez 12 ans d’expérience professionnelle comme enseignant. Quelles compétences avez-vous pu apporter dans ce nouveau métier ?
« Savoir bien écrire, avoir des connaissances solides sur les programmes éducatifs, le milieu de la pédagogie et celui de la musique. L’esprit de synthèse, la réactivité, l’aptitude à prendre la parole en public aussi. Je dispose également d’un solide carnet d’adresses dans le milieu culturel, c’est important dans le cadre des contacts professionnels, des relations publiques pour mener des projets, recruter des auteurs. Ainsi je n’ai pas de mal à trouver rapidement des auteurs capables d’écrire sur la musique, c’est un gain de temps appréciable. »
Comment s’est déroulé votre recrutement par le CNDP ?
« J’ai eu deux entretiens successifs. Le premier avec la Directrice de l’Edition, son adjoint chargé du pôle Arts et Culture et la Directrice des Ressources Humaines. Au deuxième entretien, j’étais reçu par le Directeur général du CNDP.
Cela s’est très bien passé, car je me sentais bien préparé, les précédents entretiens auxquels je m’étais rendu avaient été profitables, plus l’aide de l’année de coaching. Il est important, dans un entretien de recrutement, de bien se comporter, de savoir parler, se positionner par rapport aux attentes des interlocuteurs, il y a des codes de comportement à respecter. A aucun moment je ne me suis senti déstabilisé par les questions qui m’ont été posées, ce qui n’a pas toujours été le cas dans les entretiens précédents auprès d’autres structures. J’ai eu des questions portant sur mes compétences, sur les projets que j’ai pu développer en dehors de l’Ecole. J’ai senti au cours de l’entretien que les savoir-être sont importants sur le type de poste que j’occupe, que cela exige beaucoup de diplomatie, car on est amené à travailler très souvent en équipe, parfois en urgence sur certains dossiers, et en relation directe avec es services centraux du Ministère ou les IGEN.
Ce type de recrutement est-il sélectif, et quelles contraintes cela vous a-t-il imposé ?
« Là, il y a eu à peu près 10 candidatures pour le poste que j’occupe, qui est en détachement, avec un contrat d’un an renouvelable chaque année. Il faut être productif pour rester d’année en année sur son poste, ça paraît logique. (Aide aux Profs précise à ce stade qu’il en est ainsi pour tous les emplois en détachement : les structures qui recrutent sur profil attendent un investissement dans le travail, le respect des contraintes liées au profil de poste, où l’horaire de travail n’est qu’indicatif, et peut varier en fonction du cycle de production de contenus, avec des mois très chargés – plus de 50h par semaine – et d’autres qui le sont un peu moins.)
Il a fallu aussi que je déménage sur Poitiers, car je ne voulais pas laisser passer cette chance. Au niveau administratif, le Rectorat de Paris a tardé à réagir, je n’ai pas eu l’arrêté officiel de détachement lors de ma prise de poste alors que CNDP avait fait la demande début juin. J’ai dû faire intervenir la DRH pour accélérer les choses, et en définitive l’arrêté est arrivé en octobre. Avec les retards, remboursements et rattrapage de salaire que cela implique.
(à ce niveau, Aide aux Profs tient à souligner la lenteur des procédures administratives de détachement, incompréhensible à l’heure de l’informatique, et dans le contexte de rénovation de la Gestion des Ressources Humaines lancé depuis la rentrée 2009 par Madame Josette Théophile. Le cas de Maxime Kaprielian est loin d’être isolé, car nous avons des échos, chaque année, de nombreux désagréments de ce type, avec parfois des refus de détachements, en particulier en cours d’année scolaire, alors que la loi du 3 août 2009 sur la mobilité interministérielle, dont le principal décret d’application est paru le 12 novembre 2010, permet à tout fonctionnaire d’effectuer sa mobilité moyennant un préavis de 3 mois à son administration.)
Comment votre hiérarchie proche a-t-elle accueilli votre départ en détachement ?
« Quand j’ai annoncé ça à mon inspectrice, elle n’a pas été du tout souriante et m’a dit stricto sensu : « vous abandonnez lâchement vos collègues » suivi de « vous me mettez dans l’embarras » puisqu’il fallait me trouver un remplaçant. Un départ en détachement est vécu comme une trahison, pas comme un enrichissement du parcours de carrière, pas comme une valorisation des compétences, et en tous les cas pas comme un droit, une liberté de l’individu.
Quand j’ai annoncé mon départ à mes collègues, certains ont manifesté une certaine jalousie, suspectant que j’avais pu être « pistonné » alors que ça n’est vraiment pas le cas, d’autres m’indiquant que j’étais « inconscient », outrés que je puisse aller travailler en dehors de l’Ecole, pour le CNDP, qui fait partie intégrante, pourtant, de l’Ecole, à travers l’importance de ses productions pédagogiques à destination des enseignants. »
(Aide aux Profs tient à insister sur ce point lié au départ en détachement, ou en disponibilité : le regard de la hiérarchie est encore, pour une très large majorité, négatif, culpabilisateur, vécu comme une trahison à sa mission de transmission du savoir. La volonté de l’enseignant d’aller faire autre chose pour une durée plus ou moins longue, non programmée à l’avance, est niée, souvent méprisée, cela pose un grave problème de Gestion des Ressources Humaines, à une époque où la DGRH demande pourtant aux académies de faciliter les secondes carrières. On se rend mieux compte ainsi que modifier les comportements ne se décrète pas, et que ce ne sont pas des circulaires qui changeront du jour au lendemain des pratiques ancestrales).
Aviez-vous eu un contact avec votre académie dans le cadre de votre projet de seconde carrière ?
« Oui, j’avais pris contact par téléphone avec le service des Ressources Humaines, ça a été la première et la dernière fois, vu le discours qui m’a été tenu : « là où vous êtes, les élèves sont gentils, pourquoi voulez vous quitter l’enseignement ? »
Quand je leur ai demandé si je pouvais bénéficier d’un accompagnement, de conseils, il m’a été répondu : « Non, on prend seulement en charge les reconversions des personnels en grande difficulté. »
Je n’ai donc jamais eu un seul renseignement sur le détachement ou la disponibilité par les services du rectorat, tous mes mails vers eux sont restés sans réponse.
(Aide aux Profs indique à ce stade que le cas de Maxime n’est pas isolé : bon nombre de ceux qui nous contactent indiquent s’être lassés de n’avoir eu aucune réponse de la part de leur rectorat, sans doute submergé de mails et d’appels téléphoniques, alors que le nombre de personnels chargés de s’occuper des entretiens professionnels est sans doute insuffisant, tandis que d’autres se sont vus proposer un entretien avec un conseiller 6 mois après leur premier appel téléphonique.)
Quelles sont les compétences que vous avez développées dans l’enseignement, et celles qui vous sont utiles sur vos nouvelles fonctions ?
« Comme enseignant, la capacité de prise de parole devant différents publics, l’esprit de synthèse et d’analyse, la réactivité aux imprévus et à l’actualité pédagogique, la faculté de sentir rapidement l’atmosphère d’une classe et les difficultés qui peuvent y survenir, et y réagir très vite avant que cela ne dégénère. La maîtrise de soi aussi, le fait de savoir conserver son calme quoi qu’il arrive.
Actuellement, comme professeur détaché, l’esprit de synthèse et d’analyse me sont utiles, ainsi que mes qualités rédactionnelles, mon sens des relations humaines, notamment avec les adultes -car on le développe peu en fait en établissement, du fait qu’il y est difficile de motiver ses collègues pour travailler en équipe, le métier d’enseignant demeure encore assez individualiste. Au CNDP, le travail en équipe est la règle, la hiérarchie est bien plus présente qu’en collège ou en lycée, et surtout, le dialogue y est nettement plus facile. Il n’y a jamais de malentendu, c’est très différent de la situation du professeur seul dans sa classe. Tous les jours je reçois des mails, des appels téléphoniques, ce qui exige d’être à l’écoute, patient, diplomate, réactif. Comme nous sommes une dizaine de chargés de mission, il est indispensable de conserver un bon esprit d’équipe pour travailler de concert. On ne se fâche jamais entre nous, alors qu’en établissement, ça pourrit souvent les relations entre collègues, certains refusant de changer leurs pratiques, enferrés dans leurs convictions, même s’ils ont tort. »
Comment voyez-vous l’avenir, au-delà de vos fonctions actuelles ?
« Il est clair que je ne remettrais plus jamais les pieds dans une salle de classe. Ma vie est devenue autre chose. Je ne regrette pas mes 12 années d’enseignement, mais prof, c’est un métier où l’isolement est trop important, que ce soit face aux élèves, aux parents, à la hiérarchie. On est seul, laissé à soi-même, beaucoup trop dépendant du bon vouloir de la hiérarchie, ce qui conduit à des abus, comme ceux dont j’ai été la victime. Quand un personnel de direction se révèle incompétent sur ses fonctions, il n’y a pas de recours possible, c’est l’omerta institutionnelle. Je ne suis personnellement pas du tout intéressé par le métier de chef d’établissement, ça ne me fait pas du tout envie. J’ai développé des compétences nouvelles.
Pour beaucoup de personnels administratifs persiste le mythe du prof déconnecté de la réalité, même au sein de l’administration centrale du MEN. J’avais posé ma candidature sur un poste où la chef de bureau m’avait dit « Ici fini vos 18h et vos grandes vacances, il va falloir apprendre à travailler si vous êtes pris, il va falloir changer de rythme. »
Globalement, le positionnement administratif manque au métier d’enseignant. Ce que j’ai appris avec ResMusica me sert particulièrement à ce niveau dans mes fonctions actuelles, j’optimise ici les compétences que j’y ai acquises. L’expérience que je vis actuellement est très valorisante au niveau culturel, professionnel, personnel. Je compte bien m’investir durablement dans mes nouvelles fonctions qui me passionnent.
Pour terminer, que souhaitez-vous dire à ceux qui rêvent déjà en vous lisant de vous imiter ?
« Ne comptez que sur vous-même, n’attendez rien de l’institution en matière de reconversion, car quand on veut changer de métier, c’est à soi-même de réaliser les démarches indispensables, car l’administration ne vous apportera rien sur un plateau. Pourtant, pour beaucoup d’enseignants perdure l’idée que « tout leur est dû ». Eh bien non. En matière de reconversion, tout n’est pas dû. Il faut se motiver soi-même, aller de l’avant, réaliser son CV, ses lettres de motivation, aller à des entretiens…et ne jamais se décourager, penser toujours à l’objectif, sans jamais l’abandonner en repoussant à une autre année. »
Sur le site du Café
|