Fort de son
expérience de recherche, notamment au sein des collectifs de
Paris 8, Jean-Yves Rochex entend mettre l’accent sur
l’intérêt, pour ceux qui
s’intéressent au développement,
d’un point de vue sociologique. Reprenant le texte de 1930 dans
lequel Vygotski écrivait que les « distinctions
de classe » sont responsables du
développement différents des individus, il veut
montrer comment les relations sociales « sont le
fruit de micro-rencontres dans du macro-contexte ».
Trois exemples issus de la vraie
vie…
Prenant le temps
d’illustrer concrètement sa thèse, il
s’appuie sur des situations de classe, notamment une
rapportée par Roland Goigoux. A la question « Donnez-moi des mots
où on entend le son A », le premier
élève répond « papa »,
le second « maman
»… L’enseignant « valide
» alors, sans plus de commentaires, avant que le 3e
élève propose… « tonton
»… Derrière la situation qui fait
sourire ses auditeurs, Rochex entend préciser ce qui s’est
passé :
l’enseignant attend
que ses élèves se situent sur un registre phonologique,
c’est-à-dire prennent « les mots comme objet
d’étude ». Après
la première réponse, il peut croire que tout
fonctionne. Mais la seconde réponse (« maman »)
vient « polluer » ce qui se passe dans la
tête de certains élèves : passant sur
le registre « sémantique »
au lieu d’être sur le registre
« phonologique », ils ne peuvent
plus faire « qui est attendu »
par l’enseignant (c’est à dire inhiber le sens pour se
concentrer sur la phonologie) et sont comme victimes d’un
« malentendu
».
Second exemple : on
demande à des élèves de quinze ans de
lire un texte dont le titre paradoxal « sauvez la plage,
laissez-la sale » précède
un contenu expliquant comment le nettoyage mécanique
bouleverse l’équilibre écologique en
même temps qu’il enlève les gobelets et
les mégots. Face à ce genre de texte, certains
élèves mobilisent uniquement leur expérience
concrète (nettoyer est positif) sans parvenir
à mobiliser des concepts
leur permettant d’accéder au sens second du texte.
Troisième exemple :
une enseignante met en scène dans sa classe un travail sur
l’impératif, en cherchant à « motiver »
ses élèves par la « participation »
: chacun écrit un verbe sur un papier, avant que dans une
seconde phase chacun vienne à son tour devant la classe
« donner un ordre » à un autre
élève, à partir d’un papier
tiré au sort.
Mais alors qu’au bout de quelques
élèves, l’enseignants tente de passer
à la situation suivante pour une théorisation
collective, certains élèves réclament
de passer à leur tour à « jouer »
devant les autres, ou surjouent la réaction à
l’odre plus ou moins bizarre qui vient de leur être
donné devant le groupe. Le
flou entre « situation » et «travail
» plombe la situation, entraîne des
jeux de prestance plus que des réflexions
grammaticales…
Malentendus sur le
travail…
« Ce peut
être source de développement
pour certains, mais source d’ambiguités ou de malentendus pour
d’autres, les empêchant
d’accéder au sens de
l’activité scolaire »
explique J.-Y. Rochex. Pour lui, c’est sans doute une des
fonctions essentielles de l’école maternelle : les aider à comprendre
les postures intellectuelles de l’élève
de manière infra-didactique (commune aux
différentes disciplines).
Or, lorsqu’il
regarde de près, pendant toute une année, ce qui
se passe dans les micro-rencontres avec l’enseignante, il
voit qu’une des élèves, Charlotte est
souvent mobilisée sur des tâches de
« grand empan» (lire un texte et
repérer les verbes à l’imparfait dans
un texte ; chercher des mots dans un dictionnaire d’adultes)
quand Léonie
travaille sur des textes plus courts ou cherche dans des dictionnaires
enfantins.
« On
n’embauche pas tous les élèves sur les
mêmes tâches : certains sont sur des
tâches conceptuelles
(faire une explication devant la classe), quand d’autres sont
sur des tâches manuelles
(distribuer les cahiers). A
terme, on est pas sûr que les deux
élèves ont fréquenté la
même classe. Si ça peut tenir tout au
long du primaire, c’est à l’entre au
collège que se paie la facture ».
Il craint donc que ces
« micro-rencontres » de type si
différent, à force de
réitérations, fassent que certains enfants ne se construisent jamais comme
élève.
Il lui semble donc nécessaire que ce soit
systématiquement construit pour tous dans la classe, en
étant précisément et explicitement
guidé par l’enseignant. Faute de quoi
les professeurs construiront l’impossibilité
d’agir de « l’intérieur« ,
privilégieront le recours aux explications «
extérieures » (sociologiques ou
médicales), renforceront le délitement du climat
scolaire qui empêche le développement.
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