« Je décris ce que je vis au fil de l’eau. Mais je revendique le droit d’être surprise et de découvrir le monde enseignant ». Le monde enseignant, Sophie Bla Bla Prof (elle souhaite rester anonyme) l’adore. Elle l’a littéralement dans le sang. Mais elle le découvre avec lucidité. Son blog partage avec nous les bons moments et les moins bons de ce nouveau métier qu’elle découvre avec passion. C’est un miroir qu’elle nous tend avec juste le brin d’insolence qu’il faut pour être sérieux.
On ne devient pas prof par hasard
« T’es instit en maternelle. C’est pas trop difficile avec les gommettes ? » Sophie tient la liste des réactions de son entourage depuis qu’elle est entrée dans l’enseignement et particulièrement depuis qu’elle est stagiaire en maternelle. « T’es instit en maternelle ? Pourquoi tu dis que tu es fatiguée alors que tu fais juste de la garderie.. »
Sophie n’est pas devenue prof par hasard. Quand on est prof on met souvent longtemps à comprendre pourquoi on fait ce métier et il faut souvent être confronté à des situations professionnelles difficiles pour le découvrir. Sophie a la chance de le savoir dès le premier jour.
Après une dizaine d’années de vie professionnelle comme juriste, le métier lui est tombé dessus, énorme comme une évidence. A l’occasion d’une grossesse c’est le souvenir de sa mère décédée, prof, qui lui a montré la voie. A ce moment là elle a compris qu’elle avait toujours voulu être prof et que le moment était venu.
Ironie et affection
Pour découvrir le blog, commençons par les articles les plus lus. Vous comprendrez pourquoi on l’adore : le TOP 10 des phrases qui énervent juste un pitit peu, L’épineuse question du rang, La pause méridienne (en gifs), Youpi, je surveille la récré !, Mes bonnes résolutions (de prof) pour 2017.
Il y a aussi le ton. Sophie Bla Bla Prof dit des choses graves voire importantes, avec acidité et ironie. Mais pas l’ironie méchante. Plutôt celle que l’on réserve pour se moquer gentiment de soi. On s’y retrouve d’autant mieux qu’elle manie aussi avec aisance l’ironie plus mordante par exemple quand il est question de l’Espé ou des parents. Et là, pas de photo, on sait que Sophie Bla Bla Prof est bien une vraie prof…
Bla Bla Prof : » Je revendique le droit d’être surprise »
Pourquoi ose-t-on faire un blog quand on est professeure stagiaire ? Sophie Bla Bla Prof s’explique sur sa démarche et ce qui l’énerve dans ce nouveau métier…
Vous êtes professeure stagiaire, souvent mordante envers l’institution scolaire. Etes vous déçue de ce choix de métier ?
Je ne suis pas du tout déçue. Mais il y a des choses qui me heurtent. En premier lieu la relation entre le monde enseignant et l’institution éducation nationale. La ligne de fracture n’est écrite nulle part mais elle est là tout le temps. Ce qui me heurte c’est l’incapacité de l’institution à avoir une relation adulte avec ses membres. Ca ne tient pas aux personnes. C’est vraiment systémique.
Mon premier souvenir de professeur stagiaire c’est la réunion de pré rentrée avec l’inspectrice et son équipe. Avant tout tour de table, on est accueilli par ces mots : « On va mettre les choses au clair. Si vous ne travaillez pas vous ne serez pas titularisée ». C’est violent et contreproductif au possible comme accueil. C’est comme s’il fallait juste travailler pour être titularisée mais pas pour faire ce métier. On est vraiment dans l’infantilisation.
L’Espé revient souvent dans le blog. Vous sentez vous bien préparée ?
Ce qui nous prépare c’est la confrontation quotidienne avec les élèves, pas l’Espé. Je suis en constante tentative d’ajustement. Je ne me sens pas formée du tout. Sur la partie didactique c’est le néant. Je me forme en lisant, en discutant avec des collègues, en observant quand j’ai la chance d’aller dans des classes. C’est du dépatouillage. Par contre l’Espé nous prend un temps précieux et exige une forte charge de travail sans nous permettre de prendre du recul sur ce que nous vivons.
Votre blog est irrévérencieux ?
Je n’ai pas de ligne éditoriale. Je décris au jour le jour ce que je vis. Je revendique le droit d’être surprise et de vivre une année qui ne sera pas comme les suivantes. C’est formidable ! Un jour ce sera ordinaire pour moi d’être professeure des écoles. En attendant je ne veux pas oublier ce moment de découverte. Mon blog n’est pas contre l’éducation nationale. Je revendique juste le droit de prendre du recul sur ce que je vis.
Vous n’êtes pas tendre avec ceux qui parlent à tort et à travers du métier…
Ces préjugés je les trouve même dans mon entourage familial composé d’enseignants du secondaire. Quand je devine leur représentation du métier c’est une grosse claque. Je revendique que l’école maternelle est une école à part entière avec de vais élèves et de vrais apprentissages.
Le blog vous sert à quoi ?
Il me permet de moins subir le quotidien , de moins avoir la tête dans le guidon, de rire de ce qui me fait du mal ou me perturbe.
Qu’est ce qui est perturbant ?
La relation avec les élèves. Il y a un lien d’affection très fort entre eux et moi. Et en même temps je sais qu’il faut que je me prépare à les quitter. Ces premiers élèves auront toujours une place à part dans mes souvenirs. Le blog m’aide dans ce travail de séparation. Il ne faut pas que j’oublie que , même si je l’adore, Untel m’a cassé les pieds…
Quel avenir pour ce blog ?
Je ne sais pas. Je découvre déjà tout ce qu’il génère comme réactions, notamment tous ces stagiaires qui m’écrivent et me disent se reconnaitre.
Propos recueillis par François Jarraud