Entretien avec Philippe Morin Depuis le six juin, s’affiche, sur page d’accueil d’Algora la chronique d’une mort annoncée. Cette chronique funèbre a surpris les nombreux intervenants de la FOAD, et de la formation continue en général, que les études de l’association, sa lettre de diffusion ou sa base de ressources pédagogiques accompagnent dans leurs pratiques et leurs réflexions professionnelles. La fin annoncée des activités d’Algora intervient alors que la FOAD est en phase de généralisation , paradoxe de la suppression d’une mission d’appui tandis que les messages gouvernementaux et européens soulignent le nécessaire développement de la formation tout au long de la vie, de la VAE, et donc l’accès facilité pour tous à la formation. Quelles sont les activités d’Algora ? Algora est une association de type 1901 qui existe depuis plus de 20 ans puisqu’elle a succédé à l’ORAVEP créée en 1983 autour de l’utilisation des ressources audiovisuelles à des fins pédagogiques. Algora emploie vingt personnes, avec un budget de 1,8 millions d’euros. Elle est structurée autour de trois activités : des missions publiques pour le ministère de l’emploi, l’animation de projets européens et des prestations sur le marché. Son champ d’action est la formation pour adultes et plus particulièrement l’ouverture des dispositifs et les nouvelles technologies. Algora est pilotée par un conseil d’administration où se mêlent représentant de l’Etat, des organismes prestataires (régions, Opca) et organisations qualifiées.
Quel est le rôle d’Algora dans ses différentes activités ? Dans les missions publiques, Algora a une fonction d’appui à la maîtrise d’ouvrage dans les programmes FORE (Formations Ouvertes et Ressources Educatives) initiés par le ministère de l’Emploi, de la cohésion sociale et du logement. Elle accompagne le déploiement des P@t (points d’accès à la téléformation) avec un portail, espace d’échanges et de services conçu en complément des outils régionaux. Elle assure l’animation nationale des APP (Ateliers de Pédagogie Personnalisée) qui accueillent chaque année plus de 200 000 personnes dans 750 lieux de formation portés par 450 structures réparties sur le territoire . Elle exerce une mission d’observatoire avec une fonction de veille, d’observation et d’expertise sur les enjeux et les solutions liées à la FOAD. Elle produit des études techniques, juridiques, économiques, ou encore sur la professionnalisation des acteurs. Un référencement de ressources pédagogiques est effectué, près de 2600 ressources sont mentionnées sur le site. En collaboration avec d’autres ministères comme le ministère de l’agriculture, ce référencement est complété par un outil d’échanges d’informations et de pratiques destiné aux formateurs. Les études et la base de référencement sont consultables sur le site d’Algora. Les projets européens entrent dans une perspective de recherche et développement. Des programmes sont en cours sur » apprendre à apprendre « , la problématique du temps ou les discriminations. Ils permettent aussi de co-organiser des évènements comme le colloque sur l’autoformation qui a eu lieu en mai à Toulouse. Enfin, les prestations de services représentent 25% du budget d’Algora. Ce sont des activités d’audit, d’études, des travaux d’accompagnement, de conception pédagogique et des formations d’acteurs auprès d’entreprises privées, de régions, d’organismes publics comme l’ONF ou des organisations interprofessionnelles. Algora se place dans un positionnement libre, éloigné de l’offre de formation, ce qui lui permet d’observer un certain recul, une certaine neutralité dans son appui à la maîtrise d’ouvrage et ses diagnostics. Quelle est la nature des menaces qui pèsent sur votre organisation ? Pour l’instant, la remise en cause est peu claire. Une déclaration a été faite lors d’une assemblée générale au Ministère de l’Emploi mais il n’y a rien d’écrit. Les missions publiques liées au programme FORE devraient s’arrêter fin 2006 du fait des lois de décentralisation, il n’y aura plus dès lors d’assistance au programme. L’animation nationale des APP devrait elle aussi disparaître avec un transfert vers les niveaux déconcentrés de l’Etat (Préfecture de Région). Seule la mission d’observatoire aura toujours lieu d’être mais elle serait hébergée par une autre structure, le Centre Inffo. Le Centre Inffo a d’ailleurs très peu d’informations sur ce possible hébergement. Son positionnement et son fonctionnement sont très différents des nôtres. Quelles sont d’après vous les raisons de cette disparition annoncée? La première tient sans doute à l’interprétation actuelle de la décentralisation. L’Etat se désengage de la formation professionnelle et supprime donc les financements pour l’assistance technique aux projets. La deuxième est liée à l’aspect budgétaire. La troisième tient au manque de fondements de certaines décisions, au manque d’analyse et de recul. Le besoin d’un soutien national à l’animation de projets est réel. Le niveau régional est souvent dans l’opérationnel, avec le » nez dans le guidon « . Le niveau national se situe plus dans l’aide à la réflexion, en favorisant la coopération interrégionale. On peut s’interroger sur l’égalité entre les régions pour le développement de la formation professionnelle si les missions d’appui sont totalement déconcentrées, sans coordination au niveau national. Que deviendront vos différents projets ? L’observatoire n’a de sens que s’il existe en parallèle des réalisations dans le privé, des prestations de service qui permettent de se situer aussi au niveau opérationnel. Algora se place dans cette mixité public/privé. La force d’Algora est de fonctionner avec une petite équipe, en synergie, avec une bonne connaissance de ce qui se passe en régions et une grande réactivité. L’équipe produit des informations pour l’observatoire. Sans cette réactivité et cette synergie, le risque est de devenir un observatoire purement documentaire. L’animation nationale des APP tendait vers un accroissement des services rendus pour amoindrir les hétérogénéités entre les pratiques des différents APP. Le cahier des charges a été modernisé pour labelliser les APP. Cette démarche qualité devait redynamiser le réseau et renforcer sa crédibilité auprès des financeurs, conseils régionaux en particulier en outillant les APP. La partie projets européens et les prestations de service ne peuvent fonctionner de façon autonome, sans liens avec les autres activités. Vous semblez pessimiste sur la suite des évènements. Pour l’instant, on se situe dans un rapport de force avec le Ministère de l’Emploi. Si l’Etat retire ses subventions, nous serons en cessation de paiement, avec un dépôt de bilan à la clé. L’Etat peut il se permettre une telle situation, coûteuse socialement et financièrement ? Il s’agit pour nous de démontrer les conséquences juridiques et financières afin de concevoir une porte de sortie acceptable pour tout le monde. Une décision devrait être prise dans le mois à venir. A terme le ministère de l’Emploi ne reviendra vraisemblablement pas sur sa décision mais nous pourrions imaginer que la gestion de la transition aille vers une recherche de relais. Devenir une structure interrégionale serait une porte de sortie plausible pour continuer d’assurer une lisibilité nationale des pratiques de FOAD.
Entretien : Monique Royer
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