Par François Jarraud
Annoncé depuis plusieurs semaines, le rapport sur les discriminations a finalement été publié par le ministère le 24 septembre. Le texte s’appuie sur les informations des associations. Il préconise un effort de formation des enseignants, un travail sur l’orientation, des expérimentations. Des propositions qui seront probablement considérées comme insuffisantes par les acteurs de l’Ecole.
Comment mesurer la discrimination ? Le rapport a été rédigé par un groupe de travail piloté par Anne Rebeyrol (Dgesco) associe des inspecteurs généraux, des représentants de la Dgesco (direction de l’enseignement scolaire du ministère), des cadres intermédiaires (proviseur et inspecteur d’académie) et une spécialiste, Jacqueline Costa-Lascoux et remis officiellement le 22 septembre à Luc CHatel. Le groupe de travail a donc écarté d’emblée des sociologues qui travaillent sur ce sujet depuis longtemps comme Georges Felouzis. C’est dommage car ils auraient pu apporter es réponses à la question de la mesure des discriminations qui est traitée assez superficiellement par le rapport. « Les systèmes d’information actuels (BE1D ; Scolarité, SISE) ne constituent pas des sources mobilisables pour étudier les discriminations », reconnaît le rapport qui va donc s’appuyer uniquement sur des études de la DEPP (direction de la prospective et des études) et sur les témoignages des associations et organisations lycéennes. Si celles-ci apportent un éclairage intéressant, les travaux de sociologie auraient pu utilement compléter le tableau. En effet les études fort sérieuses de la Depp aboutissent à la conclusion que » les enfants d’immigrés ne semblent souffrir ni de discrimination en matière d’orientation, ni en matière d’évaluation », ce qui réduit singulièrement la réflexion. La Depp reconnaît d’ailleurs elle-même certaine slimites. Il faudrait » développer les études qui prennent en compte la variable des pays d’origine ; mesurer le sentiment de discrimination ressenti par les élèves », toutes choses déjà faites par d’autres…
Le handicap. Le rapport étudie ensuite les différentes catégories de discrimination. S’agissant du handicap, il souligne que « écarté de certaines activités, l’élève handicapé n’est pas en mesure d’exercer les mêmes responsabilités que les autres élèves. Ainsi, au collège et surtout au lycée, peut-il avoir des difficultés à participer aux instances représentatives et aux travaux collectifs qu’autorisent la réglementation en matière d’expression des devoirs et des droits – ici des droits – des élèves ». Le rapport cite en exemple la politique de l’UNSS (nous y avons fait allusion dans L’Expresso du 22 septembre). Le groupe de travail préconise que » l’accueil d’un élève handicapé devrait être systématiquement précédé d’une information sur le handicap dont il souffre ».
Le sexisme. Le rapport reconnaît que » des études concordantes portant sur la socialisation scolaire (salle de classe et cour de récréation) montrent que les pratiques des enseignants ne sont pas toujours en adéquation avec leurs principes d’égalité, de manière le plus souvent inconsciente. Les enseignants interagissent davantage avec les garçons qu’avec les filles, et ce quel que soit le sexe de l’enseignant ». Elle souligne aussi les différences d’orientation fruit des stéréotypes. Les violences sexistes sont signalées par l’UNL (un syndicat lycéen). » Pour ce qui est du rapport filles/garçons, les filles sont considérées comme « inférieures » et très souvent insultées. À tel point qu’un certain nombre d’entre elles ont besoin d’un suivi psychologique tant elles accumulent les insultes ». Le rapport fait allusion à des « convictions culturelles ou politico-religieuses » comme facteur d’exclusion.
L’orientation sexuelle. Ce sont les auditions d’associations qui fondent le rapport, totalement désarmé par ailleurs. Elles soulignent l’isolement subi ou volontaire des victimes, la difficulté de parler d’homosexualité à l’école,le harcèlement subi par les victimes. Une enquête menée par SOS homophobie fournit quelques chiffres : moqueries, insultes homophobes, plus rarement violences physiques. Le rapport parle néanmoins de « banalisation des attitudes homophobes ». » La réalité des LGBT-phobies est difficile à saisir, par manque d’informations précises. Pour autant il ne faut pas sous-estimer le phénomène et il y a, notamment, lieu d’être particulièrement attentif aux situations d’insulte, de harcèlement et de violence ».
Le racisme et l’antisémitisme. Le rapport signale » une prise de conscience progressive, mais une banalisation des injures et des actes… » dans une situation de confrontation, entre élèves, entre élèves ou parents et équipes éducatives, l’insulte à caractère raciste apparaît comme une porte de sortie possible du conflit ». L’institution semble amorphe. « Les associations disent être à l’initiative des interventions en milieu scolaire. L’institution les sollicite essentiellement dans un contexte de crise ». Pourtant la discrimination est bien réelle dans l’accès aux stages. On sait que ce sont souvent les collectivités locales qui réagissent à cette difficulté (par exemple le programme de la région Ile-de-France avec les entreprises qu’elle fait travailler). SOS racisme évoque aussi l’orientation post bac.
Les propositions. Les propositions du groupe de travail s’en tiennent à ce qui peut être proposé en ne touchant en rien au cadre actuel. Il recommande de faire travailler la DEPP sur cette question, de former les membres des équipes éducatives,ce qui, dans le cadre actuel semble assez difficile pour la formation initiale (déprofessionnalisée) et continue (exsangue). Elle invite à « réaffirmer la place de l’ECJS » à travers « l’étude de la discrimination » et à conforter « la connaissance des faits religieux » et à « valoriser l’histoire des idées ». Elle invite à associer davantage les parents au fonctionnement des établissements. Surtout elle encourage u travail surles stéréotypes des métiers avec les ressources Onisep de façon à lutter contre les inégalités lors de l’orientation. Le travail avec els associations est recommandé.
Une position indéfendable. La minceur des propositions s’explique quand on lit le communiqué de Luc CHatel qui accompagne la publication. « Les discriminations, quelles que soient leurs formes, leurs natures et leurs manifestations constituent la négation des valeurs sur lesquelles repose l’École de la République. Par conséquent, le harcèlement dont sont victimes certains élèves en raison de leur sexe, de leur orientation sexuelle, de leur origine, de leur handicap est absolument intolérable et doit être combattu avec la plus grande fermeté ». Pour le ministre l’institution est totalement absente du processus ségrégatif. Cette position est intenable. A l’évidence l’institution a sa part dans la discrimination.
Il y a d’abord les effets liés à la discrimination territoriale. Les travaux de Georges Felouzis avaient montré comment elle s’invitait dans les collèges girondins. La suppression de la carte scolaire a très probablement aggravé la discrimination. C’est ce qu’avancent de nombreux acteurs (collectivités locales , syndicats) et c’est aussi ce qu’affirme le rapport des inspecteurs généraux Jean-Pierre Obin et Christian Peyroux de 2009. Depuis le ministère a fait réaliser des études qui n’ont toujours pas été rendues publiques (voir la question posée à Luc CHatel dans l’entretien qu’il nous a accordé). Il y a aussi les effets discriminant de l’élitisme qui interagit avec l’orientation et les stéréotypes. La politique d’excellence, des projets « d’égalité des chances » conduisent à l’écrémage des établissements défavorisés. Globalement le système se soucie davantage, y compris financièrement, des filières et établissements nobles qu’aider ces derniers.
Le ministre va à présent « étudier ces propositions, poursuivre le processus de consultation et présentera dans la première quinzaine du mois d’octobre, des mesures nouvelles destinées à amplifier l’action du ministère de l’Éducation nationale dans la prévention et la lutte contre les discriminations à l’école, au collège et au lycée ». Aura-t-il le courage de publier les études sur la carte scolaire et de poser au gouvernement et à l’institution les questions nécessaires ?
Le rapport sur les discriminations
http://media.education.gouv.fr/file/2010/95/2/Discriminat[…]
Lutter contre les inégalités
http://cafepedagogique.studio-thil.com/lesdossiers/Pages/2010/rent[…]
Rapport de l’inspection sur la carte scolaire
http://cafepedagogique.studio-thil.com/lesdossiers/Pages/2009/106_[…]
Entretien avec G Felouzis
http://cafepedagogique.studio-thil.com/lemensuel/larecherche/Pages/2[…]
Dans l’école les classements ethniques sont en usage
http://cafepedagogique.studio-thil.com/lemensuel/laclasse/Pages/2[…]
Le rapport annuel de l’Inspection dénonce la ségrégation des élèves gitans
Où en est la scolarisation des élèves à profil particulier ? L’inspection générale consacre son rapport annuel 2009 à répondre à cette question en observant les Réseaux ambition réussite (RAR), l’intégration des enfants handicapés, celle des « ENAF » (nouveaux arrivants) ou des internats réussite. Le chapitre le plus sévère concerne la scolarisation des enfants gitans où l’Inspection dénonce une ségrégation qui produit de l’échec scolaire.
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Alors que de nets progrès ont été faits dans l’éducation depuis les années 1970 (doublement du nombre d’enfants scolarisés au primaire et au secondaire), moins de 40% des pays ont atteint la parité. C’est la principale information de l’édition 2010 de Recueil de données mondiales sur l’éducation de l’Unesco. Selon l’Unesco, la moitié des pays n’atteindront toujours pas la parité en 2015.
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