Philippe Renault se signale sur la toile par ses traductions d’auteurs antiques ; par exemple, parmi ses traductions récentes :
– Le Ménippe de Lucien de Samosate
http://bcs.fltr.ucl.ac.be/LUCIEN/menippe/Voyage.htm
– Les Odes de Pindare
http://remacle.org/bloodwolf/poetes/falc/pindare/Pindare.htm
– «la muse garçonnière» (épigrammes homosexuelles de l’Anthologie Palatine)
http://bcs.fltr.ucl.ac.be/Antho/XII/Plan.htm
La courte étude qu’il a écrite sur ce poète mérite d’être lue, également sur le site de Philippe Remacle.
http://remacle.org/bloodwolf/poetes/falc/pindare/intro.htm
Philippe Renault est originaire de Tours. Poète lui-même, mais aussi fin connaisseur de l’histoire, ou encore de la musique, il fait bénéficier ses traductions de sa rigueur toute classique, et de sa sensibilité.
Questions à Philippe Renault
François Gadeyne. –Qu’est-ce qui vous porte vers la poésie antique ?
Philippe Renault. – J’aime la poésie tout court. J’ai toujours été un garçon rêveur et un amoureux des mots ; j’ai dû écrire mes premiers poèmes vers huit ans, des fables, d’ailleurs. Et j’adorais les récitations en classe. Je m’amusais à lire à voix haute les poèmes de Victor Hugo. A la même époque, je me pris de passion pour l’Histoire en général, et pour l’Antiquité gréco-latine en particulier, au point de passer le plus clair de mon temps – au grand dam de mes parents – à ne lire que des livres relatifs à cette époque, les auteurs anciens, Pétrone, Suétone, Hérodote, mais aussi des poètes comme l’Ovide des Métamorphoses ou Virgile, si bien que, dès treize/quatorze ans, je m’amusais à écrire des églogues et des petites pièces à l’antique.
Tout jeune, je fus enthousiasmé par l’anthologie de Marguerite Yourcenar, La Couronne et la Lyre, qui fut à l’origine de ma vocation traductrice : je me disais que, plus tard, moi aussi, je ferai mon Anthologie ! Je m’imprégnai également des poèmes des Parnassiens et des Symbolistes, qui me plongèrent dans une atmosphère antique très ensorceleuse, bien qu’un peu factice, mais qu’importe ! Plus tard, je suivis des études d’Histoire, perfectionnant dans la foulée grec et latin : dès lors, je me lançai dans mes premières traductions.
FG. – La musique apporte-t-elle quelque-chose à votre approche de la poésie, et en particulier de la poésie antique ?
Ph. R. – En effet, la musique, celle qui parle à l’âme, est essentielle dans ma démarche poétique : rappelons qu’à l’origine, musique et poésie étaient intimement liées. Comme tous les poètes, je me considère plus ou moins comme une sorte de musicien du verbe, donnant tous mes soins à l’harmonie des vers et la sonorité des mots. J’aurais aimé composer, mais je n’ai jamais appris cet art : aussi mon besoin de lyrisme s’est-il tout naturellement donné libre cours dans mes poèmes et mes traductions poétiques.
J’écoute beaucoup de musique classique (notamment romantique), et un grand nombre de mes poèmes « lyriques » porte la trace de cette ferveur. J’ai même écrit il y a dix ans un bref recueil décrivant poétiquement tous les grands compositeurs du monde !
FG. – Pourquoi partager vos traductions sur la toile plutôt que sur papier ? Quel(s) intérêt(s) présente la publication sur le net ?
Ph. R. – Quand on est inconnu, il est déjà extrêmement difficile de publier un manuscrit chez des éditeurs traditionnels. Et lorsqu’il s’agit de poèmes ou de traductions poétiques, les obstacles sont multipliés, les personnes susceptibles de lire ces textes n’étant guère légion. Je ne me suis pourtant pas découragé. Jusqu’à présent, je n’ai publié aux Belles Lettres qu’une Anthologie de la Poésie grecque antique, qui n’est malheureusement que la compilation de traductions « maison », et qui ne correspond pas à ce que j’avais envisagé de faire.
Par bonheur, j’ai trouvé sur le net un véritable espace de liberté ; M. Jacques Poucet de la BCS et M. Philippe Remacle m’ont chaleureusement accueilli sur leurs sites respectifs, et leurs encouragements m’ont donné du coeur à l’ouvrage. En particulier, je tiens à remercier M. Poucet pour sa gentillesse et ses conseils bienveillants. Quant à M. Camby, d’Arbre d’Or, il m’a amicalement ouvert les portes de son édition en ligne. Bref, à travers la Toile, j’ai réussi à partager mon goût pour les lettres anciennes avec de nombreux internautes, qui m’écrivent parfois des mails pour me dire leurs impressions. Et c’est très agréable.
Toutefois, je vais prochainement publier chez Bouquins-Laffont toutes mes traductions de fables antiques et médiévales. Et mon roman mythologique, Jason et la Toison d’or, est pressenti chez Grasset. L’horizon s’ouvre…
FG. – Que signifie pour vous le mot « classique », que vous semblez affectionner ?
Ph. R. – L’auteur classique est par essence indémodable : il dépasse les goûts, les tendances et les tics de son époque, et il traverse les siècles en continuant d’exercer sa magie sur le public, car il a su toucher la sensibilité de celui-ci. Devenir classique est le rêve secret de la plupart des créateurs, bien qu’ils s’en défendent. Certes, le terme en lui-même est aujourd’hui galvaudé, voire « ringardisé » par les adeptes d’une fausse modernité : ceux-là sont convaincus qu’un langage ne cherchant pas systématiquement à se défaire « avec radicalité » de ce qui fut fait et pensé par le passé, est aussitôt qualifié de « vieillerie stérile ». Or il ne faut pas confondre « classique et « académique ».
Pour moi, être classique signifie que je dispose librement des idées et des formes découvertes au gré de mes lectures, en vue de les adapter à mes propres aspirations, à mes élans. Ce n’est pas de l’imitation, ni du pastiche : au contraire, mon classicisme se veut actif et créatif, bâtisseur et non destructeur… De par ce principe, je m’arroge le droit d’user, par exemple, de l’alexandrin, du décasyllabe ou du vers libre et disloqué, selon mon inspiration !
Mon classicisme est également exigeant, au point que je suis rarement satisfait de ce que j’écris dans un premier jet. J’aime à remettre sur le métier. C’est dans cet esprit qu’en ce moment, je révise toutes mes traductions de Pindare de fond en comble, après les avoir laissées « mûrir » quatre années.