Comment tenir sa clase sans s’épuiser et assécher son capital d’autorité ? Yves Guégan, psychosociologue et ancien professeur de lettres en Centre de formation d’apprentis, invite à utiliser la ruse. Bien loin d’être un abandon de l’autorité, la ruse est le judo de l’enseignant qui lui permet d’utiliser l’énergie négative offerte par l’élève pour le retourner et l’amener sur un chemin positif. Dans un petit livre appuyé sur de nombreux cas précis, Yves Guégan passe du fait précis à la théorie de psychologie sociale. Plus que des trucs il donne les bases théoriques d’une formation à la gestion de classe.
Quel enseignant n’a pas eu à faire face à une insolence ou un refus affiché d’un élève ? Très souvent ces propos sont tenus devant la classe et mettent en péris l’autorité de l’enseignant. Partant de son expérience d’enseignant, régulièrement rafraichie au contact des professeurs qu’il forme, Yves Guégan propose des stratégies basées sur les théories de la psychologie sociale.
Ses ruses ont l’aspect des ficelles de métier que les vieux enseignants passaient aux nouveaux. Ce sont des gestes professionnels que les enseignants doivent souvent découvrir seuls car ils sont rarement portés en formation initiale. Mais en fait ils sont bien plus que cela. Ce savoir d’action s’appuie sur des fondements scientifiques sérieux qu’Yves Guégan présnete dans un petit livre.
De chapitre en chapitre vous progressez en savoir stratégiques en utilisant des exemples précis. Ainsi vous découvrez les bases de la théorie de l’engagement qui invite l’élève à utiliser sa libre décision pour l’amener à respecter votre autorité. Vous découvrez aussi la puissance du paradoxe et les techniques de l’ influence paradoxale.
Tout au long des 200 pages de l’ouvrage, vous revivez des situations de classe déjà traversées et vous observez comment d’autres enseignants ont réagi. Mais derrière ces exemples il y a toujours un savoir théorique dont Y Guégan donne les clés. Et encore plus loin il y a une conception d ‘une école qui fait de la ruse un outil pour stimuler l’effervescence intellectuelle. La ruse c’est aussi ce qui pétille dans le regard de l’enseignant comme dans celui de l’élève quand il y sont pris tous deux. Les ruses d ‘Yves Guégan sont celles qui réunissent.
Yves GUEGAN , Elèves difficiles ? Osez les ruses de l’intelligence , ESF Editeur, ISBN 978-2-7101-2757-4
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Yves Guégan : La ruse vise à rétablir la coopération
La gestion de la classe est souvent perçue comme un « sale boulot ». L’ouvrage d’Y Guégan a l’avantage de présenter ce travail comme un art du judo intellectuel qui invite l’enseignant à une souplesse et une créativité basée sur un savoir. Yves Guégan s’en explique.
La ruse a mauvaise réputation. Ne pose-t-elle pas un problème éthique ?
C’est vrai que la ruse en général est perçue négativement. L’enseignement a un fondement religieux et la ruse est souvent considéré comme maligne. Mais les ruses qu’on utilise quotidiennement avec les enfants sont perçues positivement. Par exemple quand on joue avec une cuillère à soupe pour faire manger un enfant, c’est une ruse qui évite d’enter dans un conflit .d’autorité. Dans ce cas là, comme dans les ruses évoquées dans mon livre, la ruse est positive car il s’agit du bien de l’enfant.
Mais pourquoi ruser ? L’élève doit obéir à l’autorité du maitre…
L’autorité ça ne marche plus. En partie parce que son fondement est la violence verbale ou physique. Rappelez vous M. Germain, l’instituteur d’A. Camus. Il donne la fessée. Son autorité repose sur l’humiliation. Aujourd’hui M. Germain serait viré. Les enseignants ne peuvent plus s’appuyer sur cette violence et l’autorité, sans elle, marche nettement moins bien.
Ils se trouvent face aux moments de tension qui existent en classe où il faut faire face à la résistance des élèves. Certains savent développer des formes d’autorité. Il s’agit en fait de stratégies relationnelles basées sur des ruses. Il s’appuient sur les apports de la recherche en psychologie sociale comme la théorie de l’engagement qui permettent d ‘éviter le recours à l’autorité. D’autres restent démunis devant les difficultés de gestion de la classe. A nous de les aider.
Votre ouvrage s’appuie sur de très nombreux témoignages d’enseignants. Comment les avez vous réunis ?
Quand j’anime une formation d’enseignants je leur demande des exemples de situations vécues en gestion de la classe. On partage ainsi un corpus vivant de situations variées qui servent à la formation et à ce livre.
Les enseignants doivent souvent faire face à des élèves qui répondent et contestent l’autorité. Quelle ruse conseilleriez vous ?
Un des piliers des ruses est dans leur utilisation. La ruse c’est du judo mental qui utilise l’énergie de l’adversaire pour être efficace. Plutôt que s’y opposer on utilise la résistance de l’élève pour tenter de le retourner et d’acquérir une forme d’autorité morale. Les élèves cherchent à provoquer le professeur. On surmonte cette provocation. Par exemple face à l’insulte on peut la tourner en dérision. Lisez dans le livre l’exemple du professeur à qui un élève lance un « fils de pute » retentissant. Sa réponse déstabilise l’élève.
On a un exemple historique célèbre : Chirac qui face à un « Hé connard » lancé de la foule répond : « Enchanté, moi c’est Chirac »… Evidemment à ce niveau là il faut être préparé. Bien entendu il faut ajouter que la ruse ne fonctionne que quand elle est utilisée de façon homéopathique.
Et face à l’élève qui refuse de travailler ?
Il y a des techniques intéressantes. Par exemple le contrat de paresse. On propose à l’élève un contrat où il s’engage à ne rien faire. En général l’élève ne veut pas de contrat écrit. Face à l’élève en grève on décide de faire grève aussi et de commencer par ne plus corriger les copies et mettre zéro à tout le monde. Quand on va ainsi dans le sens des leaders on les oppose aux autres élèves. Une autre technique c’est de mettre un écriteau « hors service » devant l’élève qui dort en classe. Cela met la classe du coté de l’enseignant.
Peut-on se former à ces techniques de ruse ?
L’autorité et la ruse, ça s’apprend. Les exemples que j’ai donné reposent sur des théories qu’on étudie en psychologie sociale. Ils supposent de sortir des sentiers battus.
La ruse finalement c’est des trucs de métier que l’on n’apprend pas dans les Espe ?
Ce en fait partie mais ça va au delà de la formation pédagogique. Les théories de l’engagement, par exemple, amènent le professeur à prendre des décisions avec l’élève qui vont les engager dans la voie de la coopération. Lisez Jouve et Beauvois (Petit traité de manipulation à l’usage des honnêtes gens, PUG 1990 NDLR) par exemple. C’est bien de la ruse car le professeur qui utilise cette technique sait où il va. Mais c’est de la ruse pour coopérer.
Le choix de ces ruses doit être en accord avec la pédagogie générale qu’on utilise ?
On peut utiliser la ruse avec des postures pédagogiques bien différentes. Par exemple on peut être très directif et utiliser la ruse. De toutes façons il faut penser que tout le monde ruse tout le temps. Les élèves n’arrêtent pas de ruser.
Il y a une limite à l’usage de la ruse en classe ?
Bien sur une limite c’est la malveillance. Quand on répond à une provocation par une pirouette ça peut bien s e passer sauf si elle est perçue comme malveillante. Une autre limite c’est la fréquence d’utilisation. La ruse ne marche que si la relation avec les élèves est le reste du temps franche et sincère. La ruse doit rester invisible.
Propos recueillis par François Jarraud
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