Isabelle Lardon, février 2011Débuter en SEGPA… des difficultés ordinaires ?
La « petite chronique n°4 de l’ASH » est un entretien avec un jeune collègue sortant d’IUFM nommé en SEGPA en septembre dernier. Ses dificultés sont-elles typiques de celles d’un débutant ? Comment a t-il déjà fait un grand pas dans son développement professionnel ? Interview.
Christophe travaille dans une SEGPA 64 (4 divisions de 16 élèves de la 6ème à la 3ème) dans une petite ville d’un département rural. Le directeur a obtenu à la rentrée un poste de principal de collège. Un des collègues chevronnés de l’équipe fait fonction et un poste s’est trouvé libre.
Arrivée en SEGPA ? Hasard ou nécessité ?
Comment j’ai « échoué » en SEGPA…
En PE2, j’avais l’idée de venir en ASH, mais après avoir essayé l’ordinaire. Je n’avais rien obtenu au 1er mouvement et au début de l’été, j’ai rencontré par hasard un collègue de la SEGPA qui m’en a parlé avec suffisamment d’enthousiasme pour que j’ai envie d’aller voir. J’ai pris rendez-vous avec la principale pour visiter et en août… j’ai demandé le poste. Je ne savais pas ce que je valais, je n’étais pas trop sûr de moi mais je savais que je ne voulais pas faire des remplacements, c’était inquiétant pour moi.
Je n’avais pas beaucoup d’informations, tout juste le développement des initiales du sigle !
Entre la formation à l’IUFM et le travail réel, un écart ?
Entre l’ordinaire et les enseignements adaptés, un grand écart !A l’IUFM, j’ai été bien formé sur les didactiques, la conception des situations d’apprentissage. Mais pour la gestion de classe, c’est autre chose en SEGPA ! Même si j’avais fait des stages pas faciles en éducation prioritaire… Avec ces élèves, je me suis retrouvé en face de situations que je n’avais pas imaginées. Je me suis rendu compte assez vite que mes pratiques ne tiendraient pas longtemps. Ce que je prévoyais pour une séance était trop important, j’ai du adapter mes préparations, mes contenus, mon attitude, mes attentes.La transmission « traditionnelle » du savoir, je sais maintenant que ce n’est tout simplement pas possible. Et mon travail a beaucoup évolué en 4 mois…
Adapter, qu’est-ce que çà veut dire…
En fait, je n’ai pas adapté mes objectifs ou mes ambitions. Mais je fais en sorte de trouver des moyens pour mobiliser les élèves.Utiliser le jeu, cette médiation fonctionne, même avec des grands. Expliciter tout le temps ce qu’on va faire, ce qu’on va apprendre, à quoi çà va servir… Varier les situations souvent en une heure de cours.Ils sont en grande difficulté mais on garde des ambitions.
Au début de l’année, quand j’avais les 3èmes en français pendant 2 heures, je pensais pouvoir travailler pendant une heure sur l’étude de la langue et une heure sur la compréhension en lecture par exemple. Maintenant j’alterne des situations d’apprentissage avec des mots croisés, des jeux sur la langue, je privilégie les petites formes, les articles de presse et je termine par un support video (lecture d’images) pour enseigner la compréhension (plutôt qu’une lecture de texte).Il faut faire un savant dosage : si c’est facile, ils disent que c’est pour les petits et si c’est trop difficile, ils ont peur de s’y frotter. Leur donner des exercices simples pour qu’ils soient en réussite (ils l’ont rarement été), mais pas simplistes.Je suis content d’eux, ils ont réussi à écrire un texte en utilisant des inférences, en production. Jusqu’à maintenant on avait travaillé uniquement en réception.
Des élèves perturbateursIls ont besoin de stabilité et je m’interroge sur le fonctionnement du collège qui les oblige à changer de classe, de prof à toutes les heures. Mais si on fonctionnait comme à l’école primaire, ils seraient encore plus stigmatisés dans le collège. Déjà que dans la cour, les autres élèves ne se mélangent pas à eux. Il y a au milieu un espace vert qui est comme une ligne fictive à ne pas franchir.
Je parle avec tel ou tel élève entre 2 cours, je vois les familles ; çà demande de la disponibilité.
Les prescriptions institutionnelles Je prépare mes cours en me référant aux programmes et à l’approche par compétences.C’est difficile de faire à la fois avec les programmes du collège (adaptés pour la SEGPA) et le palier 2 du socle commun. En géographie par exemple, les deux sont complètement contradictoires quant à l’approche des notions. On entreprend d’utiliser le LPC (Livret Personnel de Compétences).
Le travail d’équipeBien que les locaux de la SEGPA soient situés à un bout de la cité scolaire, derrière le bâtiment du restaurant, la SEGPA est bien intégré dans le collège. La CPE et la principale viennent régulièrement aux réunions. Les profs du collège qui interviennent en SEGPA ont un peu de mal à comprendre ce que sont nos élèves. Une collègue de SEGPA a commencé de travailler avec un collègue de l’ULIS en atelier théâtre basé sur la restauration de l’estime de soi. Nos deux types d’élèves en ont besoin. Moi j’ai monté plusieurs projets avec la documentaliste du CDI.
Dans l’équipe SEGPA, on travaille en français dans le même sens, en utilisant des outils communs : CLEO CE2 rebaptisé CLEO SEGPA, Lector et Lectrix, Stratégies pour lire au quotidien, en cours et dans les modules d’aides spécifiques qu’on a organisés autour de l’apprentissage de la compréhension en lecture.
L’investissement personnelQuand on est débutant, le temps libre est rare ! Le temps de préparation est très important, chercher 2 à 3 situations par heure de cours, trouver les supports.La 2ème année sera plus facile, je rempilerai peut-être…Les difficultés d’un débutant ne sont peut-être pas très différentes en ASH et en milieu ordinaire, mais accentuées par le spectre de l’ASH, elles obligent à se questionner rapidement et à faire évoluer son travail. Christophe l’a bien compris. On peut débuter (ne pas avoir beaucoup d’expériences) et être déjà expert (avoir une grande habileté) dans le métier.
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