Réuni en congrès du 14 au 18 juin à Brive, le Snuipp a notamment élu un nouveau secrétaire général, Sébastien Sirh, assisté de deux secrétaires générales adjointes, Marianne Baby et Judith Fouillard. A la veille d’une manifestation nationale, nous avons voulu faire connaissance avec ce jeune secrétaire général. Sébastien Sirh a 40 ans. Il est professeur des écoles à Nevers.
Dans quel état d’esprit est le Snuipp à l’issue de son congrès ?
Il est combatif et déterminé sur les questions d’éducation. Parce qu’il vient après des années marquées par la disparition des cours le samedi matin, les nouveaux programmes, les restrictions budgétaires avec les suppressions de postes (près de 50 000), la publication des fiches ministérielles qui avaient fuité. Tout cela a créé un climat particulier. Les congressistes ont voulu réaffirmer l’éducation comme une priorité. ON a rappelé nos fondamentaux, nos valeurs comme la réussite de tous les élèves, l’éducabilité de tous, une valeur vraiment centrale, l’égalité, la justice, la tolérance.
L’éducabilité de tous est-ce une valeur partagée par tous au sein de la Fsu ? Sur les questions pédagogiques on ressent des différences entre le Snuipp et d’autres syndicats de la fédération. Où en sont vos relations avec le Snes par exemple ?
Les relations ont montré qu’on a peut –être des approches variées sur la question de la formation dues à des cultures professionnelles différentes et non à des divisions sur la perception qu’on peut avoir de la réussite de tous. La culture professionnelle du premier degré est vraiment axé sur la professionnalité. L’idée de réussite de tous les élèves c’est fondamental pour la FSU. Il n’y a pas de remise en cause de ce principe. Mais ce que nous disons au Snuipp avec force c’est que la question des inégalités scolaires se combat à la fois avec des mesures sociales et dans l’école avec les armes du métier.
Le Snuipp a lancé un appel à manifester le 24 juin. Quel pronostic faites-vous ? Pourquoi les enseignants devraient-ils manifester ?
La question des retraites rejoint celle de l’égalité, de l’école. C’est un vrai débat de société qui pour l’instant reste confiné. Les premiers retours que l’on a montrent que l’annonce du projet ministériel a créé un émoi visible chez les enseignants. La mobilisation commence à se faire. Les enseignants ont leur place dans cette question comme citoyens et parce qu’ils sont touchés. Il va y avoir une hausse des taux de cotisation qui représentera une perte de salaire de 65 euros par mois en moyenne. Et puis le recul de l’âge de départ à la retraite. Et puis il y a des droits qui disparaissent comme ceux des femmes ayant 3 enfants.
Le congrès a affirmé sa volonté de revenir sur plusieurs réformes. Comment allez-vous faire ?
En effet on demande par exemple l’abandon de la réforme de la formation des enseignants. On dénonce cette formation nouvelle qui nie la professionnalité. Mais on travaille aussi à ce que pourrait être une formation de qualité. On mène cette réflexion à deux niveaux. On est certain que la formation des enseignants devra changer car très vite la catastrophe sera visible.
Vous annoncez une votation citoyenne. A-t-on déjà vu une votation ? Comment allez-vous la réaliser ? Dans quel but ?
C’est quelque chose de nouveau. C’est une proposition que le Snuipp fait à tous ses partenaires dans un esprit unitaire. On veut réaffirmer que l’éducation doit être une priorité. C’est essentiel en période de crise de rappeler que l’investissement en éducation c’est le pari de l’intelligence. C’est une manière d’avoir un débat en y associant les professionnels et l’opinion publique. Les modalités seront discutées avec les partenaires. Mais on peut imaginer des urnes dans les écoles en septembre avec des débats avec les parents et les élus. On veut inventer un nouveau mode de prise de parole.
Votation citoyenne, pétitions, on a l’impression que les luttes syndicales cherchent de nouveaux moyens d’action. Avez-vous le sentiment d’un certain essoufflement de l’action syndicale ?
On a vraiment besoin de réinventer l’action syndicale comme on a besoin de réinventer le métier d’enseignant. C’est un métier où il faut dans l’ordinaire du métier inventer même quand on ne le sait pas. Le syndicalisme aujourd’hui doit rappeler ses fondamentaux et inventer de nouvelles formes d’action. Ce qui ne doit pas le priver de ses formes traditionnelles d’action comme la grève et les manifestations. Mais il faut aussi en parallèle innover. La votation fait partie de ces innovations.
La question du syndicalisme c’est la question de l’engagement collectif. Or aujourd’hui on vit dans une société où les liens se délitent. On est de plus en plus dans des relations interindividuelles. Le syndicalisme doit reconnaître les individus mais pas prôner l’individualisme. La question des valeurs est devenu centrale. Il faut les retravailler.
On peut refaire du commun aussi à travers le métier et les questions professionnelles. C’est ce que nous montre la question de la souffrance au travail, étudié epar exemple par Françoise Lantheaume. Elle montre que les difficultés professionnelles sont vécues aujourd’hui de manière douloureuse car elles sont perçues comme des défaillances individuelles. Alors que ces difficultés sont liées au métier, à une organisation du travail inadaptée. Sur ces questions il faut refaire du commun. Le syndicat a intérêt à poser ces questions, à rendre visible sles capacités des enseignants à faire du collectif.
Sébastien Sirh
Entretien François Jarraud