Il y a 20 ans était promulguée la loi « l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées ».
Il y a la loi, l’esprit de la loi, et la réalité.
Aujourd’hui, la réalité est loin d’être satisfaisante, pour les personnels, les familles comme les élèves. Et c’est une litote. Elle est souvent une souffrance, voire une des principales souffrances professionnelles exprimées par les personnels du Premier degré. Une souffrance d’une mise en échec inéluctable de l’inclusion, inéluctable car les accompagnements manquent, humains comme matériels. Inéluctable car la formation manque. Et cet aspect indépassable plonge les professeur.es dans un sentiment et une expérience d’impuissance. La contradiction entre le slogan de l’école inclusive, le principe qui ne correspond pas à la réalité, ses difficultés ont même des aspects contre-productifs sur l’adhésion à l’esprit de la loi. Constatant l’impossibilité de la douloureuse inclusion sans les moyens nécessaires et dans les modèles existants, la tentation de rejeter en bloc le principe est présente. Mise en échec, culpabilité, impuissance : voilà les ingrédients à la source d’un mal-être professionnel.
D’un côté, l’école doit inclure tous les élèves, de l’autre, l’école est celle de Parcoursup, des groupes de « besoin », qui excluent et trient : la double injonction contradictoire résume un système maltraitant. Pour les élèves en situation de handicap, les élèves défavorisés, les élèves pauvres, ces élèves que François Dubet appelle « les perdants » du système éducatif. Parce que « les inégalités de berceau » déterminent encore la trajectoire scolaire, parce que la culture et la structure scolaires ne changent pas.
Au-delà de la question fondamentale des moyens et de la formation identifiée par tous les professionnels comme insuffisants -ce que démontrent aussi tous les rapports -, le modèle existant révèle ses limites et ses contradictions : intégrer tous les élèves dans un système qui doit les trier. Voilà la réalité incohérente et absurde du système éducatif français. L’inclusion sans réflexion et inflexion sur le modèle scolaire peut-elle être réellement effective ?
Au fond, la culture scolaire n’est-elle pas trop teintée d’exclusion, de sélection et de compétition et le système trop teinté d’une culture élitiste qui fait réussir un profil d’élève pour réussir une intégration de toutes et tous ? Si tout le monde a sa place à l’école, il s’agit de se demander quelle place et surtout dans quelle école.
La qualification d’« inclusive » de notre « école » ne peut dès lors qu’être une contradiction, à la fois théorique comme dans la pratique. Bien sûr, l’école doit être inclusive, c’est-à-dire solidaire, coopérative, fraternelle et égalitaire. C’est à construire…
Djéhanne Gani