Après la censure partielle de la loi Molac sur les langues régionales par le Conseil constitutionnel, JM Blanquer puis JP Castex sont montés au créneau devant l’Assemblée face aux questions des députés sur l’avenir des écoles immersives. L’avenir des écoles Diwan (breton), des calendrettes (catalan) et des ikastolak (basque), toutes écoles sous contrat d’association avec l’Etat, est directement menacé. L’enseignement immersif dans les écoles publiques aussi. Le recours devant le conseil constitutionnel, fait par des parlementaires LREM entrainés par le ministre de l’éducation nationale, entraine un séisme dans les régions à la veille d’un scrutin national.
La décision du Conseil constitutionnel
Saisi par 60 parlementaires LREM, dont plusieurs proches de JM Blanquer, le Conseil constitutionnel a décidé le 21 mai de déclarer anticonstitutionnel l’enseignement immersif des langues régionales. « En vertu des dispositions de l’article 2 de la Constitution, l’usage du français s’impose aux personnes morales de droit public et aux personnes de droit privé dans l’exercice d’une mission de service public. Les particuliers ne peuvent se prévaloir, dans leurs relations avec les administrations et les services publics, d’un droit à l’usage d’une langue autre que le français… Si, pour concourir à la protection et à la promotion des langues régionales, leur enseignement peut être prévu dans les établissements qui assurent le service public de l’enseignement ou sont associés à celui-ci, c’est à la condition de respecter les exigences précitées de l’article 2 de la Constitution. Or, il résulte notamment des travaux préparatoires de la loi déférée que l’enseignement immersif d’une langue régionale est une méthode qui ne se borne pas à enseigner cette langue mais consiste à l’utiliser comme langue principale d’enseignement et comme langue de communication au sein de l’établissement », écrit le Conseil constitutionnel. « Par conséquent, en prévoyant que l’enseignement d’une langue régionale peut prendre la forme d’un enseignement immersif, l’article 4 de la loi déférée méconnaît l’article 2 de la Constitution. Il est donc contraire à la Constitution ».
Les conséquences
120 000 élèves apprennent les langues régionales. Suite à la décision du Conseil constitutionnel l’enseignement des langues régionales reste légal. L’enseignement bilingue également. Mais l’enseignement immersif ne l’est plus. Or il caractérise les réseaux des écoles Diwan , des calendrettes et des écoles basques (iskalak) qui pratiquent l’enseignement immersif depuis des décennies avec l’aval de l’Etat qui les a mis sous contrat d’association et qui paye les enseignants.
L’initiative de JM Blanquer
Interrogé le 4 mai devant l’Assemblée par P Molac, JM Blanquer n’avait pas nié qu’un membre de son cabinet ait rédigé le recours, signé ensuite, avec parfois des retraits de signature, par des députés de la majorité. Situation baroque que l’on doit à JM Blanquer : C’est donc l’initiative ministérielle qui s’est mise en barrage d’un vote parlementaire puis qui débouche sur l’invalidation partielle d’une loi adoptée par la majorité.
Le gouvernement gagne du temps
Le 15 mai, devant l’Assemblée , c’est d’abord Sylvia Pinel (Libertés et territoires) qui demande des comptes au ministre. « Allez vous suspendre leur contrat d’association ? », demande t-elle. « Il ne nous appartient pas de commenter la décision du conseil constitutionnel », répond JM Blanquer « mais de la mettre en oeuvre. Il faut voir comment appliquer cette loi en préservant les droits des structures qui pensent courir un risque », ajoute -il.
Puis c’est JP Castex qui intervient. »Il reste la question de l’enseignement immersif. Il nous appartient de tirer toutes les conséquences de la décision du conseil constitutionnel… Je vous annonce que je vais confier à deux députés une mission pour que soient tirées toutes les conséquences de la décision. A la suite de quoi avec le ministre je recevrai l’ensemble des représentants des établissements ».
Si « le souci du gouvernement est d’apaiser le débat » et si JP Castex rappelle le discours de Quimper d’E. Macron, ce retour en arrière, qui n’est pas sans lien avec la loi séparatisme et la stratégie identitaire du gouvernement, va peser dans plusieurs régions sur les élections. Par son initiative, JM Blanquer a pris une initiative politique que le premier ministre est amené à assumer.
François Jarraud