Le projet Chasseurs d’archives, initié par Vincent Ortiz, propose aux élèves de s’engager dans une enquête inédite autour des archives privées des anciens tirailleurs sénégalais. À travers cette démarche active et participative, les élèves explorent une mémoire encore trop souvent méconnue et participent à la sauvegarde de ces récits.
Vincent Ortiz est professeur d’histoire-géographie et formateur. Depuis cinq ans, il exerce au sein du réseau AEFE, plus particulièrement sur la zone de l’Afrique occidentale.
Le projet Chasseurs d’archives puise son origine dans une rencontre : « Tout a commencé avec un étudiant qui, dans le cadre de ses études, avait entamé un travail sur les derniers tirailleurs sénégalais ayant participé aux campagnes d’Indochine et d’Algérie. Faute de temps, il n’avait pu mener que quelques interviews et m’a demandé de poursuivre. »
Un projet pédagogique au croisement de l’histoire et de la mémoire
À travers plusieurs modules pédagogiques, dont celui de Chasseurs d’archives, l’initiative prend forme et vise à relier l’histoire géopolitique et militaire du XXe siècle aux histoires personnelles et familiales. Il s’agit également de mettre en lumière les récits souvent oubliés des tirailleurs sénégalais en impliquant les élèves dans une enquête active. Cette approche part d’un constat simple mais frappant : « Beaucoup de familles possèdent des récits ou des objets liés aux tirailleurs, mais ces trésors de mémoire sont souvent méconnus ou inexploités. Les élèves découvrent parfois qu’un proche ou un voisin a été tirailleur, ce qui éveille leur curiosité et leur permet de créer un lien direct avec l’Histoire. »
Un projet participatif et des compétences en action
Pour accompagner ce travail, une fiche d’activité en quatre étapes est fournie aux élèves afin de guider leur recherche sans imposer trop de contraintes : « Certains interrogent leur famille ou leurs voisins, d’autres explorent les lieux de mémoire locaux. Ces enquêtes permettent de retrouver des archives oubliées, des photographies ou des récits qui viennent enrichir le projet. »
Ce travail ne se limite d’ailleurs pas à une simple collecte : il s’agit aussi de développer un regard critique sur les sources. Les élèves apprennent à analyser des documents historiques et à comprendre leur contexte, renforçant ainsi leur esprit critique et leurs compétences en méthodologie historique : « Les élèves prennent un réel plaisir à jouer les détectives historiques, tout en se confrontant à des notions essentielles comme l’importance des archives et le rôle de la mémoire dans l’Histoire. »
Valoriser le travail des élèves et préserver une mémoire collective
Les productions issues du projet varient selon les contextes. Si le module Chasseurs d’archives se concentre sur la collecte de données et la constitution d’une banque de ressources, il a vocation à s’inscrire dans une démarche plus large. Un module complémentaire prévoit la création d’une exposition collaborative sur le rôle des tirailleurs sénégalais dans le débarquement de Provence : « À travers cette exposition, nous espérons toucher un public plus large et sensibiliser à l’importance de préserver cette mémoire. »
Le travail n’en est d’ailleurs qu’à ses prémices : des collaborations avec des universitaires et des archives locales visent à pérenniser les découvertes des élèves : « Nous envisageons de verser certaines archives collectées à des institutions ou à des associations de mémoire, pour qu’elles soient enregistrées et préservées à long terme. »
Propos recueillis par Mickaël Bertrand