« Des inspecteurs vont être formés pour suivre les établissements privés sous contrat » note Paul Vannier rappelant le plan pluriannuel de N.Belloubet qui vise à contrôler la moitié des établissements privés sous contrat en 5 ans. Plusieurs établissements du privé sous contrat sont actuellement en cours d’évaluation. Après la proposition de loi pour assurer la mixité présentée au Sénat le mois dernier, la question du financement de l’école privée sous contrat a été à nouveau débattue à l’assemblée avec une proposition de loi rejetée le 20 novembre. Le député Paul Vannier remarque que « la société est arrivée à un point qui la rend intolérante aux inégalités scolaires ».
Quel rôle joue le secteur privé dans la ségrégation ?
Il est majeur. Nous l’avons constaté lors de nos auditions et c’est largement documenté. La dualité de l’école est le deuxième facteur de la ségrégation socio-scolaire, après la ségrégation résidentielle. Les écarts se sont creusés ces vingt dernières années et elle atteint aujourd’hui un niveau jamais observé dans notre pays. Il y a par exemple trois fois moins d’élèves boursiers dans les établissements privés sous contrat que dans le secteur public. Nous faisons face aujourd’hui à une école à deux vitesses. Notre système éducatif est à la croisée des chemins. Il est possible de combattre les mécanismes de ségrégation à condition de refonder le modèle de financement public des établissements privés sous contrat pour que la puissance publique retrouve la capacité de piloter l’ensemble du système éducatif français.
Quelles suites à votre mission d’information sur le financement ?
J’ai d’abord atteint mon principal objectif : mettre en débat la place et le rôle du privé. Notre mission d’information avec Christopher Weissberg s’est inscrite dans un contexte nouveau. Il y a eu le protocole Pap Ndiaye dont je suis critique mais qui a permis de mettre en débat le sujet. Ensuite, le rapport de la Cour des Comptes en 2023 puis la polémique Oudéa-Castera ont également contribué à rouvrir le débat public. Les enquêtes journalistiques ont également joué leur rôle ainsi que les travaux des chercheurs. Mais surtout, la société est arrivée à un point qui la rend intolérante aux inégalités scolaires. Il y a une peur très grande dans les familles du devenir scolaire de leurs enfants avec un système scolaire de plus en plus difficile à comprendre, avec des procédures violentes du type Parcoursup. Dans ce contexte, les inégalités, plus visibles que jamais, sont de moins en moins acceptées. Le changement principal est là. Pendant 40 ans, il a été impossible d’aborder la question de l’école privée sans subir les accusations paralysantes en volonté de « guerre scolaire ». Aujourd’hui le débat a lieu. Et il est particulièrement vivant. C’est une première victoire.
Ensuite sur un plan plus pratique, je me réjouis que la ministre Belloubet semble avoir mis en œuvre – certes de façon très discrète – un plan pluriannuel qui vise à contrôler la moitié des établissements privés sous contrat en 5 ans. Cette décision s’inscrit pleinement dans la suite du rapport d’information parlementaire Vannier-Weissberg publié en avril 2024. Des inspecteurs vont être formés pour suivre les établissements privés sous contrat. J’ai aussi découvert que certaines préconisations de notre rapport avaient été reprises avec la volonté de mieux mesurer le total de la dépense publique en demandant aux collectivités territoriales d’avoir des nomenclatures distinguant les dépenses consacrées au public et au privé. Ces éléments vont dans le bon sens. Mais je resterai très attentif à la réalité de leur mise en œuvre.
Quelle préconisation du rapport d’avril reprend la proposition de loi que vous aviez proposée le 20 novembre ?
Cette proposition de loi visait à moduler à la baisse le financement public des établissements privés qui participent à la ségrégation socio-scolaire. Elle proposait la création d’un nouvel indicateur permettant de mesurer le profil socio-scolaire d’un établissement privé sous contrat pour le comparer au profil moyen des établissements publics environnants. Si on observe un écart entre le profil social et scolaire de l’établissement privé sous contrat et celui des établissements publics environnants, et que cet établissement contribue à la ségrégation en captant les élèves issus des milieux favorisés, les meilleurs profils scolaires, nous proposons de baisser a minima de 10% et a maxima de 50% les dotations de l’Etat et des collectivités territoriales. L’objectif est d’obtenir de ces établissements qu’ils changent de comportement et qu’ils fassent évoluer leur composition sociale.
Vous parlez d’un nouvel indicateur, qui ne serait donc pas l’Indicateur de Positionnement Social (IPS), pourquoi ?
L’IPS permet de mesurer la mixité sociale, mais ce n’est pas suffisant dès lors qu’il pourrait conduire à ce que l’amélioration de la mixité sociale d’un établissement soit atteinte au prix de la dégradation de la mixité scolaire d’un environnement. À ne se concentrer que sur la mixité sociale, les établissements privés pourraient capter les élèves de milieu très défavorisés mais aux résultats scolaires excellents. Cela aurait pour effet de vider les établissements publics de leurs bons élèves issus des catégories sociales défavorisées. Ce n’est pas l’objectif. Il faut donc disposer d’un indicateur agrégeant des données sociales et des données scolaires. L’objectif est de lutter contre la ségrégation socio-scolaire.
Pour l’éducation et le Ministère l’Éducation nationale, le budget 2025 prévoit des suppressions de postes et de moyens, un mot sur les débats et votes à l’assemblée ?
Nous avons levé 40 milliards d’euros de recettes à l’Assemblée nationale, en taxant les multi-milliardaires et les multinationales. Ces recettes nous permettent d’investir pour reconstruire notre système éducatif. J’ai ainsi fait voter une série d’amendement, adoptés en Commission des Finances, pour rétablir les 4000 postes supprimés par Barnier, faire la gratuité réelle de l’école, créer un corps de fonctionnaires d’Etat pour les AESH, titulariser l’ensemble des contractuels de l’éducation nationale etc… Nous sommes prêts à gouverner en conduisant une politique alternative au ministère de l’éducation nationale.
Quelle urgence aujourd’hui pour vous ?
Le système éducatif ne peut pas se relever sans ses personnels, confrontés aujourd’hui à une profonde crise de leurs métiers. Une des priorités est donc de faire évoluer la condition des enseignants et des personnels de l’Éducation nationale. De garantir leur liberté pédagogique et de reconnaître leur expertise professionnelle. De revaloriser leurs salaires, de l’ordre de 15% immédiatement pour rattraper les effets des politiques d’austérité salariale. Notre pays a plus que jamais besoin de ses professeurs pour reconstruire son système éducatif.
Propos recueillis par Djéhanne Gani
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