Les programmes de français (au lycée) sont structurés autour d’objets d’étude qui catégorisent en genres et périodes « l’étude de textes majeurs de notre patrimoine littéraire ». Sans la moindre interrogation sur la validité de cet autre « roman national » qu’est devenue l’histoire littéraire et sur la pertinence d’un concept dont on connait la relativité depuis Foucault. Le dernier ouvrage d’Alexandre Gefen, passionnant, vient précisément interroger « l’Idée de littérature ». Il éclaire le processus d’autonomisation, d’esthétisation, de sacralisation, qui, essentiellement au 19ème siècle, a conduit la littérature à n’être plus que le culte d’elle-même et à constituer une idéologie. Il démontre combien la réduction de son champ est contestable tant on assiste à son extension, thématique, géographique, générique, médiatique, sociologique… Le livre appelle à ouvrir le concept de littérature, y compris aux modes d’écriture qui se libèrent de l’objet livre et ne sont plus réservés à quelques-uns. « Il peut être troublant de reconsidérer sur la longue durée comme épisode particulier « le moment littéraire de la littérature » qui nous a servi de normes et continue d’informer encore nos fantasmes. » Puisse ce trouble gagner aussi l’enseignement pour que s’y transforment les représentations et que la relation à l’écrit y retrouve de la vitalité.
Alexandre Gefen, « L’Idée de littérature. De l’art pour l’art aux écritures d’intervention » Editions José Corti, coll. Les essais, 2021, ISBN : 978-2-714-31254-9
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