Depuis plusieurs années, Frédéric Grimaud cumule des centaines d’heures d’entretiens de professeures et professeurs des écoles, qui parlent de leur métier, de l’organisation de leur travail, et de tous les choix auxquels le quotidien de la classe les confronte. Chaque semaine, retrouvez deux d’entre eux et d’entre elles qui expriment un point de vue différent sur la manière de faire leur métier, qui n’utilisent pas les mêmes outils pour réaliser leur tâche, qui ne font pas les mêmes gestes professionnels. Parfois, ils et elles sont en désaccord, et parfois aussi, ils et elles se disputent. Aucun ni aucune des deux n’a raison, aucun ni aucune des deux n’a tort, mais ils et elles assument ne pas faire exactement la même chose … et ce faisant font vivre leur métier. En lisant ces lignes chaque mercredi, demandez-vous comment vous vous y prenez, vous, et pourquoi ?
« Moi je travaille essentiellement en classe »
Sonia et Marie-Pierre sont deux maîtresses de maternelle. Elles échangent sur la préparation de leurs classes pour laquelle elles n’investissent ni les mêmes lieux, ni les mêmes moments.
Pour Marie-Pierre : « Moi je travaille essentiellement en classe. J’ai besoin, pour préparer mes activités du lendemain ou de la semaine, d’être dans ma classe. D’abord parce que je vois tout le matériel que j’ai de disponible. De toute façon je ne pourrais pas emporter tout chez moi, la plastifieuse, les cahiers du jours, le fongible… J’ai aussi souvent besoin de faire des montages et des photocopies quand même. Même en maternelle, on travaille sur des copies et ça se prépare, et chez moi je n’ai pas de photocopieur. Et puis après la classe, je suis dans la foulée, je suis motivée. Si je rentre chez moi, c’est un autre univers et si je fais une pause je ne vais pas réussir à me motiver pour retravailler. Alors je fais tout dans la foulée, après chez moi je suis zen.
Donc le matin je ne viens pas trop en avance, et quand je suis à l’école c’est plutôt pour papoter avec les collègues et l’ATSEM. Par contre je reste entre midi et deux et surtout le soir après la classe je prépare tout pour le lendemain. Quand l’ATSEM arrive le matin, elle sait que tout est prêt y’a plus qu’à installer sur les tables pour l’accueil. C’est sûr que ça demande de rester un peu le soir. Pas longtemps non plus hein, j’ai assez d’expérience pour savoir ce que je vais faire le lendemain. Mais quand même, il me faut au moins 45 minutes voire une heure si je dois regarder les travaux du jour des élèves ou préparer une future séquence. »
« Alors moi tous les soirs je file à 16h30 »
Sa jeune collègue Sonia lui répond : « Alors moi tous les soirs je file à 16h30. Je ne peux pas rester. D’abord parce que j’ai mes enfants mais même s’ils peuvent aussi aller en garderie ou si le papa peut les chercher, j’ai besoin de partir après la classe, j’ai tout donné pendant la journée et il me faut un break. Je ne sais pas comment tu fais pour continuer à bosser après la journée avec les maternelles ! Moi c’est pause obligatoire. Après le soir, quand mes enfants sont couchés, je m’y remets tranquillement dans une ambiance reposée. Mais y’a aussi plein de contraintes techniques.
« Je bosse surtout le week-end et pendant les petites vacances »
D’abord y’a la garderie et c’est vraiment bruyant, je ne me vois pas préparer ma classe avec les élèves qui circulent et qui crient à côté, voire dans la classe car je sais qu’ils vont venir me parler. Ensuite, moi je bosse beaucoup sur l’ordinateur, je cherche des ressources, j’imprime, je fais mes montages … et pour ça j’ai besoin d’être au calme mais surtout d’avoir mon ordi perso. C’est pour ça que je rentre chez moi. En plus moi je bosse surtout le week-end et pendant les petites vacances. Je sais que la semaine c’est speed, entre mes enfants, la maison, la vie quoi, je suis à 200 à l’heure et je n’ai pas le temps de trop bosser en semaine. Alors après la classe c’est plutôt un moment où j’oublie l’école.
En revanche je viens assez tôt le matin quand je peux pour photocopier ou plastifier. Cette année je reste à la pause de midi car on s’entend bien avec l’équipe et c’est vrai que parfois je bosse aussi un peu. Mais ça passe vite la pause de midi. Par contre l’an dernier je ne restais pas, de toute façon personne de l’école ne mangeait sur place. »
Petite analyse : Sonia et Marie-Pierre nous montrent un double aspect fondamental du travail enseignant. Tout d’abord, il est composé d’une part importante de travail en dehors de la présence des élèves. Mais également cette part du travail s’organise différemment en fonction des contraintes de chacun, en fonction des moments de sa carrière, en fonction de ses préférences …
Et vous, quand vous devez préparer votre classe pour le lendemain, c’est plutôt comme Sonia ou comme Marie-Pierre ?
Frédéric Grimaud
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