Quelle évolution des relations entre les établissements secondaires et les familles peut-on observer ? Georges Fotinos, ancien chargé d’Inspection Générale vie scolaire, a mené une enquête rendue publique en novembre avec le syndicat Snupden-Unsa en 2013 et 2023. Les résultats sont sans appel : pour plus de la moitié des personnels de direction, les relations se sont dégradées (le taux est passé de 21 à 58% entre 2013 et 2023). Les conflits sont plus nombreux. Pour Georges Fotinos, il est nécessaire d’améliorer les relations partenariales de l’école, « l’avenir de notre vivre ensemble en dépend sûrement », dit-il.
Vous avez mené une enquête sur les relations collège-lycée et famille en vous concentrant sur les personnels de direction. Pouvez-vous expliquer ce choix et ses raisons ?
Ce choix résulte de la convergence de plusieurs facteurs. D’abord, la prise en compte d’un faisceau d’informations provenant de sources diverses et variées syndicales, presse, administration (inspecteurs, Dasen, services juridiques) indiquant une détérioration des relations entre les établissements secondaires publics et les parents d’élèves. Ensuite, il y a la volonté du syndicat national des personnels de direction – soucieux de ces tensions et de leurs impacts sur la vie de l’établissement (qualité de vie et conditions de travail des personnels, bien être et réussite des élèves, gouvernance de l’établissement , drame…) mis aussi en évidence par la recherche – de connaître de façon plus précise l’état actuel de cette situation sur le plan national. Enfin, c’est l’opportunité d’apporter sur un domaine sujet à polémiques -dues principalement à des données parcellaires et conjoncturelles – des éléments structurels fiables issus de la comparaison avec les résultats d’une enquête similaire réalisée en 2013 d’une part et d’autre part de moduler les résultats globaux selon la catégorie d’établissement.
Quelles sont les perceptions respectives des familles et des établissements, relations conflictuelles ou partenariales ?
Je me permets de rappeler, pour éviter toute interprétation erronée de résultats de cette étude, qu’il s’agit bien ici de la seule opinion et des pratiques partenariales des Personnels de Direction et que le terme « parents d’élèves » qui recouvre dans la réalité et sur le terrain des formes très diverses doit être compris ici dans son acception générique. A ce propos, une enquête portant en majorité sur les mêmes questions, mais destinée aux parents d’élèves, comme celle réalisée en 2016*, paraît plus que souhaitable. Elle permettrait de saisir précisément les points de convergences et de divergences entre les parents et les personnels de direction et enseignants des collèges et lycées. Cette information offre selon l’expérience les bases concrètes pour construire un partenariat pertinent et pérenne.
Concernant les perspectives relationnelles conflictuelles ou partenariales des établissements déduites des réponses des Perdir, il apparaît qu’elles ne sont pas exclusives les unes des autres.
D’un côté, on note une très nette dégradation des relations des Perdir et des enseignants avec les parents, une plus grande victimation des Perdir et une importante progression des différends portant sur la laïcité. Il y a aussi une opinion majoritairement négative sur la participation des parents à la vie de l’établissement et à l’accompagnement de la scolarité de leurs enfants.
D’un autre côté la plupart des Perdir considère que la réussite des élèves passe par la qualité des relations avec les établissements et déclare que les parents les respectent et leur font confiance. A ces signes positifs de partenariat, il faut souligner qu’ils indiquent que la grande majorité de leurs enseignants informent régulièrement les parents sur la scolarité de leurs enfants. A noter toutefois deux signaux « à bas bruit » : une forte hausse du moindre respect des enseignantes (par rapport aux enseignants) par les parents d’élèves, et la nette progression (bien que faible) des agressions physiques.
Quelles sont les pratiques et expériences partenariales ? Quand et selon quelles modalités les parents y sont-ils associés ?
Avant de répondre à ces questions, il me semble nécessaire d’énoncer le principe absolu pour réussir ce partenariat : toute action doit être fondée sur une reconnaissance réciproque bienveillante des compétences et des apports de chacun ainsi que sur une confiance mutuelle et une égale dignité dans le dialogue.
Le large éventail des bonnes pratiques et expériences réussies et pour la plupart évaluées peut se classer selon l’origine de l’initiative : nationale ou locale. Côté national, il s’agit de promouvoir ce partenariat comme une des priorités politiques pour améliorer notre système éducatif. Pour ce faire et à titre d’exemple, il y a l’introduction de cette problématique dans la formation initiale et continue des/ enseignants, Perdir, personnels d’éducation, créer des instances consultatives de type « collège des parents » ainsi qu’une journée de pré-rentrée consacrée aux parents…
Côté local, on a l’association de façon pérenne des parents dans la lutte contre les violences au Collège, la création d’une charte de vie de l’établissement, l’ouverture du collège pour les parents lors de stages ludiques et éducatifs pour en faire de véritables lieux permanents de dialogue et d’échange, en associant la collectivité locale…
Quels sont les principaux freins à cette relation partenariale et comment y remédier ?
Je pense à travers vos questions avoir répondu en bonne partie à ces interrogations. Toutefois j’ajouterais que pour y remédier efficacement et à travers mon expérience, la plus efficace façon est (après avoir créé les conditions favorable au partenariat) d’associer les parents – dans le cadre de la responsabilité de l’enseignant et des valeurs d’un établissement public et laïc – sur des actions concrètes répondant aux besoins éducatifs des enfants. L’avenir de notre vivre ensemble en dépend sûrement. A noter, il y a des contributions particulièrement utiles : « Les personnels de direction et les comportements agressifs des parents : prévenir et gérer » de José Mario Horenstein médecin psychiatre ex responsable de la consultation « psychiatrie et travail de la Mgen et Pour un nouveau contrat entre l’école et les parents de Philippe Meirieu, professeur émérite d’université (Lumière-Lyon).
Propos recueillis par Djéhanne Gani
* Georges Fotinos Le divorce Ecole-Parents : mythes et réalités -Université de Lyon 1/ESPE/UNIRES/CASDEN, 2016