La rédaction du Café pédagogique vous a sélectionné quelques entretiens ou tribunes à découvrir ou à relire durant cette pause automnale.
François Dubet et Marie Duru-Bellat : « L’emprise scolaire. Quand trop d’école tue l’éducation »
« Plus d’école n’a pas que des effets positifs » disent les sociologues François Dubet et Marie Duru-Bellat dans cet entretien au Café pédagogique. Dans leur dernier livre publié à la rentrée L’emprise scolaire aux éditions Presses De Sciences Po, ils dénoncent le poids de l’école qui mène à une instrumentalisation des choix scolaires et d’études. Dans un contexte de crises multiples de l’École, ce livre invite à une réflexion sur l’École à travers les critiques adressées à un système éducatif, à une culture scolaire dans une société de mise en concurrence. Ils rappellent qu’on demande toujours plus de l’école, or pour eux « plutôt que de tout attendre de l’école quitte à ce qu’elle déçoive toujours, peut-être faudrait-il admettre que l’école n’est pas seule à éduquer».
Erika Godde : qu’est-ce qu’un bon lecteur ?
Alors que le travail de « fluence » irrigue particulièrement la prescription et les évaluations, Erika Godde, aujourd’hui maitresse de conférences à l’Université de Dijon, a consacré sa thèse à mieux comprendre les différentes dimensions de la lecture « fluente ». Elle propose des pistes pour redéfinir la notion et sortir de l’équivoque sur ce qu’est un « bon lecteur ».
Stéphane Bonnery : « Le collège public a été particulièrement saboté »
« La guerre scolaire a lieu, même si c’est de façon silencieuse, et elle est conduite par les gouvernements successifs de droite en faveur du privé ». Stéphane Bonnery, professeur en sciences de l’éducation à Paris 8, considère que le tournant libéral qu’incarnent les gouvernements Macron « réduit l’école et le collège publics à une mission d’éducation minimale pour rendre obéissants et employables les futurs travailleurs peu qualifiés ». Stéphane Bonnery fait le constat implacable d’une politique publique destructrice de l’école publique, dans laquelle « le collège public a été particulièrement saboté ».
« Les réactions à la mort de Samuel Paty révèlent des fissures préexistantes au sein de la communauté éducative »
En ce jour d’anniversaire, quatre ans après la mort de Samuel Paty, Ismail Ferhat et Sébastien Ledoux se confient sur leur étude qui se base sur un questionnaire ayant obtenu près de 1000 réponses, 438 témoignages écrits, le dépouillement de la presse, les discours publics concernant l’affaire Paty. Les auteurs signent un livre-enquête Une école sous le choc ? Le monde enseignant après l’assassinat de Samuel Paty, paru aux éditions Le Bord De L’eau. Dans un contexte qui a suscité de nombreux débats, ils ont voulu donner la parole aux enseignants. Leur livre étudie les relations personnelles, professionnelles et relationnelles des enseignants.
« Plus de mixité (et) chute incontestable des atteintes à la laïcité »
Quels liens entre Ecole, tenues, laïcité ? Nicolas Cadène est juriste de formation. Il a aussi été rapporteur général de l’Observatoire de la laïcité entre 2013 et 2021 et est le cofondateur de la Vigie de la laïcité. Il répond à quelques questions du Café pédagogique sur la laïcité et les évolutions de l’arsenal législatif depuis 1905.
Arnaud Brennetot : « La consolidation de la culture scientifique du public devient une priorité majeure »
Dans un contexte de montée des régimes autoritaires dans de nombreux pays, le Café pédagogique s’intéresse aux menaces que ces politiques menées représentent pour la recherche, la science, l’enseignement, les savoirs. Arnaud Brennetot, professeur des Universités en géographie politique et aménagement, étudie le lien entre entre démocratie et sciences. La science est-elle menacée par la montée des régimes autoritaires ? Le spécialiste en géopolitique et analyse territoriale évoque les conséquences de la montée de l’extrême droite pour le monde de l’éducation.
Quand les ados ouvrent la porte de leur chambre …
A quoi pensent et rêvent les ados une fois leur masque d’élève tombé, et le refuge de leur chambre retrouvé ? C’est à cette question que l’autrice Jo Witek et la photographe Juliette Mas cherchent à répondre avec beaucoup de respect et délicatesse dans Chambres adolescentes, 20 portraits à lire et à écouter. Pendant quatre années, elles ont eu accès à cet espace intime d’individuation, souvent interdit aux parents et aux adultes, et ont écouté une vingtaine d’entre eux et d’entre elles raconter leur quotidien fait de projets, de rires,
Maltraitance institutionnelle et pauvreté : quel rôle pour l’Ecole ?
La « Journée mondiale du refus de la misère » du 17 octobre est consacrée cette année à la maltraitance institutionnelle. En quoi consiste cette maltraitance ? Dans quelle mesure l’Ecole, en tant qu’institution, y prend-elle part, voire ajoute « de la maltraitance à la maltraitance » ? Quels leviers pourrait-elle actionner pour protéger les plus vulnérables et les plus pauvres, premières victimes, et lutter contre un système qui reproduit de génération en génération l’échec scolaire ?
Philippe Meirieu : « Il faudrait aujourd’hui une vraie Convention Citoyenne sur l’Éducation »
Pour la rentrée, si nous choisissions Les Lumières et non la régression pour l’École ? C’est la proposition de Philippe Meirieu dans un ouvrage qui vient de paraître.. Une rentrée sans polémique inutile sur l’abaya mais avec une vision pour l’École, en somme. « Éducation : rallumons les Lumières ! » : voilà le livre que signe le spécialiste d’éducation et de pédagogie. Un titre qui prend la forme d’un cri de colère mais aussi d’espoir. Tout son texte est un appel à la raison et à la responsabilité collective comme individuelle, une exhortation destinée à tous les citoyens.
Pascal Clerc : L’École « resserrement des espaces et des esprits » ?
Pascal Clerc est géographe. Dans son ouvrage Émanciper ou contrôler ? Les élèves et l’école au XXI è siècle, il offre une lecture de géographe des politiques et des pratiques éducatives en France. Il voit « des établissements scolaires qui se referment sur eux-mêmes » et parle du « resserrement des espaces et des esprits ». Pascal Clerc interroge la notion d’espace scolaire et de « clôture scolaire », qui enferme et sépare. Dans cet entretien accordé au Café pédagogique, « le géographe (qui) s’est fait pédagogue », comme le qualifie Philippe Meirieu dans la préface, fait le lien entre histoire et géographie de l’École pour la repenser.
« Ne pas céder à la fonction identitaire que certains continuent à vouloir assigner à l’histoire »
L’enseignement de l’histoire en général et l’intégration dans cet enseignement des récits des minorités : ces questions très débattues ne sont nullement une particularité française. Dans Histoires nationales et narrations minoritaires (Septentrion presses universitaires, 2024), dix-neuf chercheurs analysent comment évoluent ces enjeux dans divers cadres nationaux, principalement en Europe. Sans être exhaustif, ce panorama apporte une série d’éclairages sur la fonction identitaire que certains – pas seulement les gouvernements – assignent à l’histoire et sur la nécessité de préserver son caractère de savoir critique et émancipateur. Autant d’enseignements à garder à l’esprit dans un contexte politique français mouvant et incertain. Les historiens Piero S. Colla, Bénédicte Girault et Sébastien Ledoux, qui ont codirigé cet ouvrage, répondent à nos questions.
Politiser l’enfance
« Quand accepterons-nous que l’école soit transformée par l’enfance qu’elle y accueille, et non l’inverse ? » demande l’historienne Laurence De Cock dans ce texte inspiré par les ouvrages « Politiser l’enfance » et « Infantisme » de Laelia Benoit. La question de la place de l’enfant et de sa parole ouvre un champ de réflexions pour les adultes qui pensent et font l’école. Elle nous invite à réfléchir au glissement qui s’opère dans l’espace scolaire : « l’élève est-il encore un enfant ? »
Frédérique Weixler « L’autonomie est souvent invoquée dans le système éducatif »
L’ouvrage La construction de la décision en éducation veut contribuer à la réflexion sur le système éducatif comme à l’action. Les auteurs, Frédérique Weixler et Bertrand Sécher ont exercé des missions et fonctions diverses « en s’efforçant de conjuguer autonomie et responsabilité, loyauté et esprit critique au service de la réflexion et de la préparation des décisions ». Dans ce livre, ils proposent des analyses en partant des difficultés de l’institution et des reproches qui lui sont adressés.
Réforme ! Réforme ! Quitte à en perdre ton lycée professionnel !
Précipitation, démotivation, économie et mépris : le cocktail des réformes du lycée professionnel. La nomination d’Alexandre Portier, ministre délégué à la réussite scolaire et à l’enseignement professionnel va-t-elle changer quelque chose dans la vague de réformes qui s’abat sur le lycée professionnel ? En cette rentrée, les enseignants de lycée professionnel vont encore devoir s’adapter à de nouvelles formes d’organisation dans leurs enseignements. Initiée en 2018, « la transformation de la voie professionnelle » s’est transformée en « réforme des lycées professionnels »
Un autre regard sur les enseignements professionnels
« Nous avons des élites de culture Sciences Po. Il nous manque des élites de culture Bac Pro » écrit Daniel Bloch dans cette tribune. Daniel Bloch, père du bac professionnel et ancien recteur, dénonce le manque de vision stratégique et l’angle mort dans lequel se situent les enseignements professionnels.
Jean-Paul Delahaye : un scénario manquant pour l’avenir de l’école primaire
Jean-Paul Delahaye, inspecteur général de l’éducation nationale honoraire et ancien Dgesco livre son analyse du rapport de l’IGESR et de l’IGF publié le 12 septembre 2024. Pour le Café pédagogique, il revient sur les données du 1er degré, rappelant que la priorité au 1er degré a été initiée en 2013. Jean-Paul Delahaye rappelle des éléments passés sous silence par les rapporteurs : suppression de postes ou de dispositifs depuis la présidence de Macron. L’ancien Dgesco décrypte les trois scénari du rapport et s’étonne de l’absence d’un « quatrième scénario qui aurait permis d’envisager les bienfaits pour le premier degré d’une conservation de l’intégralité des moyens sur la période 2023-2027 ». Sans cela, « c’est se condamner à continuer à maltraiter dans notre pays le temps des premiers apprentissages » affirme-t-il.
Remplacement de courte durée : des dispositions qui renforcent les crispations
Les chefs d’établissement sont depuis peu les garants de la continuité pédagogique en cas d’absence d’un enseignant. Le remplacement de courte durée est devenu une priorité nationale. Derrière les dispositions ministérielles et l’apparente autosatisfaction affichée par les autorités éducatives se cachent les réalités de terrain. Celles-ci révèlent des défaillances de service public, lorsque des postes ne sont pas pourvus, et une crispation grandissante chez les acteurs de l’éducation.
« Tant qu’il y aura des profs »
L’historien Claude Lelièvre reprend le titre de l’ouvrage de Hervé Hamon et Patrick Rotman paru il y a quarante ans. A l’heure de la crise d’attractivité du métier et des suppressions de postes annoncées, Claude Lelièvre invite à une relecture.
Dès le début de ce livre paru en 1984, Hervé Hamon et Patrick Rotman donnent clairement sa tonalité majeure qui semble d’actualité aujourd’hui encore, quarante ans après… Mais avec l’aggravation de certaines mises en cause de la part de certains médias ou politiques, sans compter l’annonce de la décision comme allant de soi de la suppression effective de 4000 postes de professeurs.
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