A la sortie de la réunion au ministère, les syndicats parlent de « fake news ». Pourquoi ? Ce mercredi 16 octobre 2024, suite à l’alerte sociale – un fait rare- déposée par l’intersyndicale lundi, le cabinet de la ministre de l’Education nationale a reçu les organisations syndicales dans les 72 heures, selon la procédure. Le ministère rappelle sa volonté de maintenir – ou plutôt relancer- un dialogue avec les syndicats. « C’est un ministère très loin des réalités humaines du métier, des conséquences concrètes des suppressions », notent les syndicats. Un préavis de grève sera déposé lundi
Le budget au cœur de l’alerte sociale
Lors du rendez-vous au ministère, la direction du cabinet a réaffirmé que « la ministre Anne Genetet était ouverte à des évolutions du PLF 2025 lors du débat parlementaire ». Dans quelle mesure pourra-t-elle revenir sur les suppressions annoncées, enjeu au cœur de l’alerte sociale de l’intersyndicale (FSU, Unsa, FO, CFDT éducation, CGT éduc’action, le Snalc et Sud éducation). Les organisations syndicales déplorent le manque de moyens, la suppression de 4000 postes, de classes, la non-revalorisation des salaires qui nuisent à l’attractivité des métiers.
4000 suppressions, mais « Ça aurait pu être pire »
Le budget de l’Éducation nationale représente 63 milliards d’euros. Le cabinet du ministère se félicite de la hausse obtenue de 834 millions d’euros dans un contexte d’une baisse de 97 000 élèves à la rentrée 2025. Côté syndicats, entendre « les suppressions d’emplois, ça aurait pu être pire, ce n’est pas possible », déclare Sophie Vénétitay. La secrétaire générale du SNES-FSU précise qu’en réalité le budget n’augmente que de 266 millions. Pour elle, le contexte de crises de l’Ecole nécessite des actes, elle évoque les classes surchargées, les collègues qui craquent.
« Comment peut-on parler d’améliorer les conditions de travail quand il y a des suppressions d’emplois ? » demande-t-elle. « C’est un ministère très loin des réalités humaines du métier, des conséquences concrètes des suppressions », poursuit-elle. Sophie Vénétitay dénonce la vision court-termiste et budgétaire du ministère, éloignée des réalités qui sont le quotidien des professeurs. Si elle relève « l’esprit d’ouverture du ministère », elle décrit une intersyndicale déçue à la sortie de la réunion avec le cabinet.
Un préavis de grève sera déposé : « on sort avec pas grand-chose si ce n’est la détermination »
David Lelong, pour le SE-Unsa, résume l’échange suite à l’« alerte sociale : on sort avec pas grand-chose si ce n’est la détermination de voir la ministre lundi, concrètement on a eu aucune information, si ce n’est une explication de texte ». L’intersyndicale a réaffirmé son désaccord sur les suppressions de postes. David Lelong exprime la déception des syndicats : « on attendait du ministère qu’il ouvre la porte à de vraies propositions. »
Il précise qu’un préavis de grève sera déposé lundi car ce qu’ils ont entendu dans l’après-midi ne les a pas convaincus, surtout sur les suppressions de postes : « plus de 3000 dans le premier degré, c’est énorme, on a déjà du mal à assurer les remplacements, on a besoin de ces moyens » affirme David Lelong.
Le secrétaire général de Snuep-FSU Axel Benoist déclare que « la réunion ne s’est pas bien passée ». De son côté, « le SNALC n’acceptera jamais qu’on lui dise « ça aurait pu être pire », et maintient donc son alerte sociale, qu’il a lancée avec l’ensemble des organisations représentatives ».
Dans les chantiers du ministère : pas de revalorisation généralisée des salaires
Le ministère n’est pas revenu sur la question de la revalorisation des salaires avec les syndicats. Le cabinet propose des revalorisations ciblées et envisage la revalorisation des bas de grilles. Les 50 000 AED devraient être concernés dès le mois de novembre par une augmentation. Cette revalorisation correspondrait à la prise en compte de l’augmentation du SMIC, soit le respect de la loi.
Le deuxième chantier identifié par le ministère concerne les salaires des professeurs en milieux de carrière, identifiés à juste titre, comme laissés pour compte. Cette revalorisation pourrait accélérer les milieux de carrière avec « une augmentation de 150 à 350 euros nets par ans plus de 100 000 professeurs d’ici 2027 », selon le cabinet du ministère.
Ensuite, le ministère devrait proposer des mesures pour améliorer les conditions de travail et la santé au travail. C’est un vaste chantier avec une médecine scolaire presque inexistante, de nombreuses créations de postes sont nécessaires pour répondre à une ambition de santé scolaire. La médecine du travail dans l’Education nationale est également absente, ce serait un chantier énorme à mener. Le ministère de l’Éducation nationale aura-t-il les moyens de cette ambition et de cette urgence de la santé au travail ?
Le cabinet devrait proposer des renforts humains, des postes de CPE notamment. Mais à quel prix ? Au sacrifice de quels autres postes ou disciplines par le jeu des chaises musicales ou vases communicants ? Réponse prochainement dans la ventilation des postes par disciplines. Il semblerait que ces propositions n’aient cependant pas été présentées à l’intersyndicale lors de la réunion. Axel Benoist du Snuep-FSU déplore qu’il n’y ait « aucune annonce chiffrée sur les salaires ». Le Snes-Fsu déclare suite à la réunion « mise au point après les fake news du ministère à la sortie : non, la réunion ne s’est pas bien passée ! et aucune annonce chiffrée sur les salaires. »
Généralisation des groupes de niveaux au collège ?
Concernant la mesure phare du choc des savoirs, la généralisation des groupes de niveau en 4ème et en 3ème pour la rentrée 2025 n’est pas encore actée. « L’arbitrage de la ministre interviendra dans les prochaines semaines », confie le ministère. Sur TF1, la ministre redit ce jeudi matin « qu’elle est très pragmatique. On va voir comment cela se met en place en 6ème et en 5ème. Après on verra ! ».
Appel à la grève ou dialogue social ?
Lundi 21 octobre 2024, Anne Genetet recevra en audience toutes les organisations syndicales. Le ministère de l’Education nationale cristallise toutes les attentions dans un contexte de crise d’attractivité et de vulnérabilité de ses personnels que le choc des attentats rappelle douloureusement cette semaine. Les syndicats souhaitent inscrire à l’agenda social les questions des suppressions de postes mais aussi des conditions de travail et des revalorisations salariales. Le contexte de crises pourra-t-il se satisfaire d’une réponse dans l’esprit « cela aurait pu être pire » ?
Une ambition politique, une ambition éducative peut-être partagée, comme sur la réduction des effectifs par classe, la revalorisation des salaires ne peut se faire sans moyens ou à moyens constants du MEN. Sans moyens, le risque est grand de se résumer à des plans comm’ ou des mesures cosmétiques insuffisantes. Un conseil lecture pour trouver quelques milliards : le rapport accablant de la Cour des Comptes sur le SNU rejeté massivement et unanimement par les organisations de jeunesse comme syndicales…
Djéhanne Gani
Dans le Café
« L’alerte sociale porte sur le budget : les postes et les salaires »