« Cher Samuel, cher Dominique », Hocine Kerzazi, professeur de Lettres en collège s’adresse à ses collègues assassinés par des terroristes. Quatre ans après la mort de Samuel Paty, un an après celle de Dominique Bernard, il écrit ces mots qui trouveront certainement un écho auprès de nombreux professeurs : « Et c’est parce que les espérances conduisent les hommes que je vous écris aujourd’hui. Oui, pour formuler une promesse : celle de continuer à faire vivre ce que vous avez incarné. »
Cher Samuel,
Cher Dominique,
Aujourd’hui, nous honorons votre mémoire, et il n’est rien de plus difficile que de trouver les mots justes quand tant de larmes ont coulé. Le silence du recueillement a néanmoins sa vertu, celle de raviver nos mémoires et nos cœurs pour faire en sorte qu’ils ne cèdent jamais à l’érosion du temps. Il nous rappelle que votre engagement est encore bien présent, et bien réel. Il nous rappelle qu’au creux de chaque âme humaine résonne toujours l’écho de sa propre conscience, nichée là, dans le secret de son cœur. Là où chacun est vraiment libre et sans contrainte. Là où une voix intime ne peut acquiescer aux fanatismes qui consument la raison et l’esprit comme des astres incandescents, comme des lumières qui aveuglent et interdisent de raisonner.
En vous attaquant, c’est la France, sa République, ses termes fondateurs, ses espaces de droit, sa concorde et son vivre-ensemble qu’on a cherché à dévaster. Votre martyre nous rappelle chaque jour qu’il ne tient qu’à nous, citoyens, de résister en réalisant l’immensité du bien dont nous profitons alors que sous d’autres horizons tonnent les rages de la guerre et de l’injustice. Il nous rappelle que la liberté de conscience doit être garantie, que nous sommes libres de nous former notre propre opinion en discernant par nous-mêmes, selon notre propre jugement. Vous aviez compris que c’est précisément là que réside notre avenir, dans la foi en une parole libre qu’on a voulu museler. Une espérance qui anime notre famille humaine, dans notre façon de nous projeter, de nous interroger sur ce qu’on espère pour nous, pour nos vies, pour les autres, pour le monde. Et c’est parce que les espérances conduisent les hommes que je vous écris aujourd’hui.
Oui, pour formuler une promesse : celle de continuer à faire vivre ce que vous avez incarné. Pour que votre parole résonne avec force contre les discours de haine. Pour que votre parole résonne à jamais contre la division, la discorde et la peur, ces fléaux qui n’épargnent personne et s’insinuent partout.
Cette promesse que portent mes mots s’accomplira dans la voie que vous avez ouverte : en marchant dans vos pas et en tirant vers le haut tous les membres, sans distinction aucune, de notre famille humaine.
Hocine Kerzazi