Pour rendre hommage aux professeurs assassinés Dominique Bernard et Samuel Paty, le Café pédagogique a recueilli le témoignage et donné la parole à une collègue de Dominique Bernard. La Cité Scolaire Gambetta-Carnot à Arras est sous le choc, à l’image de l’École, d’une nation, de tous ses professeurs. Ces actes terroristes ont attaqué des professeurs au service de la jeunesse dans et pour leurs missions. Ils s’interrogent encore davantage sur le sens de leur métier : « élever », émanciper par le savoir et les connaissances. Pour sa collègue, « il est important de redéfinir et exprimer cette quête de sens encore plus qu’avant dans les salles de classe ».
« Dominique, comment te rendre dignement hommage ? »
Un an après l’assassinat de Dominique Bernard, une de ses collègues lui rend hommage et s’adresse à lui :
« Dominique,
Comment te rendre dignement hommage ?
Toi qui en toute simplicité étais parmi nous au quotidien, avec une si grande délicatesse : tu faisais attention à ne pas heurter. Même parfois dépité, tu trouvais les bons mots, des blagues, des tournures ironiques… Partager nos avis était riche en salle des profs. Comme si par la parole, et la justesse des ressentis partagés, nous étions plus forts. Ton humanité perdure à travers nous qui nous souvenons de ta présence qui résonne maintenant à jamais dans tout ce que nous faisons.
Une collègue de la Cité Scolaire »
« C’est impossible à imaginer »
Il y a un an, le 13 octobre 2023, Dominique Bernard a été assassiné de manière barbare. Comme Agnès Lassalle, il a été tué par un ancien élève, comme Samuel Paty, il a été assassiné par un terroriste islamiste. Dominique Bernard enseignait les lettres avec bienveillance depuis de nombreuses années. Une ancienne collègue le décrit comme un homme « qui prenait des gants » avec tout le monde, élèves comme professeurs.
« Qui aurait pu imaginer M. faire ça ? C’est impossible à imaginer ». « Il y a des collègues très choqués, certains ont eu du mal à revenir », « il faut une sacrée force » poursuit-elle. D’ailleurs « beaucoup de professeurs ont dû réduire leur nombre d’heures pour arriver à travailler correctement ». Dans son cas, elle a souhaité revenir tout de suite auprès des élèves qui sont ce qui donne un sens à son métier, mais elle décrit une « grande fatigue », raconte « dormir comme jamais » car « ça demande beaucoup d’énergie. Parfois on se sent très fort, et puis d’un coup … » sa phrase reste en suspens.
« Nous, en tant qu’enseignants, on doit rester à la hauteur »
La collègue de Dominique Bernard parle avec émotion : « Nous, en tant qu’enseignants, on doit rester à la hauteur, on ne doit pas flancher, surtout devant les plus jeunes élèves » tout en livrant avoir parfois « craqué devant une classe ». « Les élèves comprennent » ajoute-t-elle ensuite. On doit être particulièrement vigilants car les élèves nous voient, nous écoutent, ressentent ce qui nous traverse et en ce qui les concerne « tout ne se voit pas, on ne sait pas ce que pensent les élèves. Il faut beaucoup de maîtrise. Pour être rassurants, il faut soi-même être rassurée ».
« On a l’impression de quelque chose qui nous dépasse, et que ce n’est pas fini ». « On a tous un sentiment de vide d’une part et de poids d’autre part, qu’il faut gérer au quotidien. » Pour elle, depuis le 13 octobre, depuis l’assassinat de Dominique Bernard par un ancien élève de l’établissement, les professeurs sont entrés « dans une quatrième dimension ».
Les élèves s’interrogent eux aussi aujourd’hui sur là où va le monde. Leurs professeurs essaient d’apporter des réponses, des éléments de compréhension et de réflexion pour se repérer dans un monde complexe.
Les professeurs sont là. Présents. Malgré tout.
Djéhanne Gani
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