Après une rentrée scolaire inédite, avec un gouvernement démissionnaire et des personnels engagés sur le terrain, les premières expressions publiques de la ministre de l’Éducation nationale étaient attendues… ou pas. Lors de la passation de pouvoir du lundi 23 septembre 2024, la ministre de l’Éducation nationale l’avait annoncé : « Le navire ne changera pas de cap ». Le doute n’était pas vraiment de mise, et encore moins depuis la nomination de Michel Barnier, succédant à Gabriel Attal à Matignon après quelques mois Rue de Grenelle. Quels signes allait donner la ministre macroniste envers une communauté éducative mise à mal depuis 2017 ? Quelle priorité pour l’École traversée par les crises ? Les réponses approximatives de la ministre Genetet, ne sauraient répondre aux urgences ni satisfaire une profession en souffrance, qui a besoin d’un autre cap.
Une anaphore comme projet ?
Vendredi 5 octobre, la ministre Genetet s’est exprimée à la radio. Et alors ? Sur la forme comme sur le fond, cette première prise de parole donne quelques indications. Pour commencer, à la question de savoir quelles sont ses priorités, la ministre de l’Éducation nationale affirme « élever le niveau ». Si cet objectif des apprentissages est (déjà) un objectif de l’école, quelle est la stratégie du ministère ? La ministre a répété sa volonté de maintenir les groupes de niveau alors que cette mesure de la réforme du choc des savoirs est rejetée de manière unanime par la communauté éducative.
Ensuite, sur la forme, la ministre Anne Genetet martèle « élever le niveau » et répète cette formule à trois reprises, à la manière de Bruno Retailleau qui, quelques jours auparavant avait répondu à cette question « rétablir l’ordre, rétablir l’ordre et rétablir l’ordre ». Si l’anaphore est un procédé rhétorique classique, elle est aussi éloquente de choix politiques. D’ailleurs, la question de l’ordre est très vite pointée par la ministre Genetet.
« L’ordre et la sécurité »
La ministre de l’Éducation a parlé de la sécurité sur le chemin de l’école. Elle a dit travailler « collectivement » avec le ministère de l’Intérieur et les collectivités locales « pour assurer que le chemin de l’école soit plus sécurisé », précisant « plus il y a de personnel, plus le chemin de l’école est sûr ». « Je veux que le chemin de l’école soit sûr, pour tous les élèves, tous les jours ».
À l’approche les attentats dans les établissements scolaires et l’assassinat de professeurs Samuel Paty et Dominique Bernard, en octobre 2020 et 2023, la ministre Genetet a exprimé sa volonté de sécuriser les établissements scolaires : « on a été à 150 établissements sécurisés il y a quelques mois, on en est à plus de 400 aujourd’hui ». Elle précise que depuis l’attentat d’Arras, « des caméras, des portiques anti-intrusion, des alarmes » ont été installés dans des centaines d’établissements.
Des maladresses et des confusions
À l’approche du 7 octobre, un an après l’attaque terroriste du Hamas en Israël, la ministre de l’Éducation nationale a évoqué un temps de recueillement : « pour réfléchir à ce que signifie défendre la laïcité très concrètement ». Aussitôt ces propos sont suivis de précisions de son cabinet, ce temps de recueillement sera prévu la semaine du 14 octobre en hommage aux deux enseignants, victimes d’attentats terroristes en France.
La ministre à l’écoute de TikTok
Les dossiers brûlants ne manquent pas. Néanmoins, la semaine dernière, la ministre de l’Education, désireuse de faire montre de sa volonté de dialogues, a invité un TikTokeur SenseidesMots. Or, cet homme, qui avait lancé une pétition pour que les journées de cours finissent à 13 heures, avait tenu des propos homophobes sur les réseaux sociaux. Le député Rodrigo Arenas avait aussitôt demandé à la ministre Genetet d’annuler cette rencontre. La ministre de l’Éducation nationale est revenue sur son invitation.
Du flou mais une feuille de route : poursuivre les chantiers Attal
Si la ministre macroniste Anne Genetet fait des premiers pas hésitants au ministère, une chose est sûre : elle s’inscrit dans ceux de Gabriel Attal. Elle l’a confirmé lors de l’entretien radiophonique sur RTL vendredi 5 octobre, elle va poursuivre « la politique de l’éducation que le président de la République a lancée dès 2017 ». « Le navire garde le cap, ce que je vais changer c’est la vitesse du navire » avait affirmé la ministre de l’Éducation aux syndicats mercredi 2 octobre, comme la secrétaire générale du SNES-FSU l’a rapporté.
Les premières semaines de la ministre de l’Éducation nationale sont jalonnées de faux pas, de confusions. Le flou, l’absence d’expertise, les bonnes intentions sur la santé, la lutte contre le harcèlement ne sauront masquer l’absence de moyens criants du PLF2025 à venir ni une feuille de route rejetée par la communauté éducative, mais toujours réaffirmée par les ministres successifs de l’Éducation nationale. Déni de réalité, déni de démocratie. Il n’y a pas de nouveau départ rue de Grenelle depuis 2017.
Djéhanne Gani
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