Comment protéger un établissement scolaire ? En dormant à la caserne ! L’académie de Versailles propose aux directeurs et directrices d’école des Yvelines (78) une formation qui sème le trouble. Le contenu et la forme interrogent non pas les objectifs visés mais la militarisation de l’école. « Le symbole utilisé sur le flyer, à savoir un lynx, montre que nous ne sommes plus dans le ministère de l’Éducation nationale mais dans ceux de la Défense et de l’Intérieur puisque cela ressemble à un blason d’une société de sécurité ou de gardiennage », nous confie une direction d’école.
Une méthode qui crispe
Le stage « prévention et gestion des crises » mis en place dans l’académie de Versailles sème le trouble à plusieurs égards, sur la méthode comme sur le fond. Un flou semble entretenu sur le caractère proposé ou imposé dans certains cas. Les directrices et directeurs d’école sont « invités » voire exhortés, dans certains cas, à participer à un stage de 2,5 jours avec nuitée dans la caserne de la gendarmerie de Beynes (78). La branche locale du syndicat majoritaire du 1er degré exprime sa surprise « de voir l’obligation de nuitée et le cantonnement forcé dans une caserne du Ministère de la Défense. Cela ne correspond ni à nos obligations réglementaires de services, ni à nos obligations statutaires. Aucun professeur des écoles ne peut se voir contraindre des horaires de nuit ni peut se voir priver de sa liberté de circulation en dehors de ses heures de services. »
Des questions sur les modalités du « stage militaire »
Les co-secrétaires départementaux du Snuipp 78 relèvent le caractère non-règlementaire et dénoncent un courriel « particulièrement injonctif, devrait-on dire martial » écrivent-ils : des « volontaires » sont invités à se faire connaître avant que trois personnes soient désignées. Le mail précise « Réponse attendue pour le 30 septembre délai de rigueur». Le ton menaçant de l’Inspecteur d’Éducation Nationale a été mal accueilli.
La direction d’école souligne pour le Café pédagogique que « la forme, la démarche de cette IEN -est-elle isolée par ailleurs ?- dépasse le cadre réglementaire, ce genre de « formation » ne pouvant relever que du seul volontariat avec des défraiements, ce qui est totalement inconnu à cette heure. Le symbole utilisé sur le flyer, à savoir un lynx, montre que nous ne sommes plus dans le ministère de l’Éducation nationale mais dans ceux de la Défense et de l’Intérieur puisque cela ressemble à un blason d’une société de sécurité ou de gardiennage. » Elle poursuit et se demande si une formation en caserne pour les directeurs (et pourquoi pas les adjoints) signifie que la situation des écoles est à ce point dégradée « que la réponse doit être militaire sous couvert d’une organisation chapeautée par le C2A2E dans une caserne de la Gendarmerie nationale, que la gestion de crise relève de « l’uniforme » militaire ou policier et non de la seule Éducation nationale incapable de produire des formations adaptées à ses personnels. » Elle dénonce les méthodes du « New Management Public chères à Jean-Michel Blanquer puis à presque tous ses successeurs, Gabriel Attal et Anne Genetet en tête. »
Les liaisons dangereuses entre l’Education nationale et la Défense
Cette formation s’inscrit dans le renforcement des liens entre Éducation nationale et la défense. A ce sujet, Guislaine David, la secrétaire générale du SNuipp-FSU évoque au Café pédagogique d’autres formations « dans d’autres départements qui ne sont pas forcément militaires » et sans nuitée. Elle rappelle que le directeur d’école n’a pas les mêmes responsabilités que les chefs d’établissement. Pour elle, « il faut une formation bien sûr, pour faire face aux crises. Cela fait partie des choses demandées par les directions. Mais est-ce nécessaire de la faire en mode combat ? Ce qui est important dans la gestion de crise, c’est comment alerter et comment gérer les choses. Le parcours du combattant, c’est hallucinant ! »
Une vision militariste de l’école
Les classes défense comme le SNU s’inscrivent dans ce système et vision militariste de l’éducation. Pour se former à une crise, est-il nécessaire d’être en treillis , comme c’est le cas pour des chefs d’établissement. Le syndicat majoritaire du Second degré, le SNES-FSU dénonce l’esprit militariste de l’éducation et « continue de demander la suppression du SNU. Plus généralement, il s’inquiète de voir l’institution faire la promotion, sous couvert d’innovation, d’une forme de militarisation de l’école, et présenter le modèle militaire comme le salut de l’Éducation nationale tout entière. »
Comment protéger l’école ?
La question de la sécurité d’une école est centrale. La secrétaire générale du Snuipp FSU, Guislaine David le rappelle, précisant les responsabilités qui relèvent des directions d’école : « leur responsabilité, c’est surtout d’alerter. Beaucoup de directeurs enseignent, ils n’ont pas la responsabilité de l’ouverture à la fermeture de l’école, ce n’est pas comme dans le Second degré ». La question de la sécurité renvoie aussi au bâti, aux compétences de la commune mais aussi aux questions des personnels présents dans l’école et au travail de prévention.
Djéhanne Gani
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