Comment un médecin excentrique peut-il stimuler les lycéens sur des études de cas ? Mélanie Fenaert, professeure de SVT et SNT au lycée Blaise Pascal à Orsay, propose une série d’activité accessible à tous et en lien avec les programmes de SVT du lycée. Fonction testiculaire, microbiote ou antibiogramme, le docteur Housse invite les élèves à réfléchir au fil des épisodes pédagogiques. « J’aime à penser que le souci de l’immersion et les mécaniques ludiques utilisées au fil de l’année ont stimulé le plaisir d’apprendre et fait apprécier ma discipline ».
Quelle est l’origine du projet « Dr Housse » ?
Cela remonte à 2019, avec l’arrivée des nouveaux programmes de lycée. Je recherchais des idées de scénarios pédagogiques dans l’univers médical pour traiter la procréation en 2nde, plus particulièrement la fonction testiculaire. Mon ami Grégory Michnik, professeur de SVT à Valenciennes et grand fan de séries, m’a suggéré le synopsis de la série Dr House, que je n’avais jamais vue à l’époque : un médecin excentrique et son équipe qui traitent des cas médicaux complexes, si ce n’est tirés par les cheveux… C’était parfait !
Comment avez-vous intégré ce projet dans le programme de Seconde ?
La première mission créée permet d’étudier un cas de cryptorchidie (« testicule caché »), associé au syndrome de persistance des canaux de Muller. Les élèves travaillent en équipe et incarnent les assistants du Dr Housse (une francisation et un jeu de mot qui passent souvent inaperçus auprès des élèves…). L’interface de jeu simule la consultation initiale, propose les résultats des différentes analyses médicales ainsi qu’une petite biblio propice aux recherches des élèves. Le défi comprend aussi des observations réelles au microscope, et l’ordonnancement de quatre lames afin de retrouver le code d’entrée de l’ordinateur du laboratoire. L’objectif final est de rédiger un compte-rendu de l’activité.
L’année suivante, avec les confinements, j’ai développé une version complètement en ligne de cette mission, qui a bien fonctionné en classe virtuelle.
Sur ma lancée, j’ai créé en 2020 quatre autres épisodes du Dr Housse destinés à mes élèves de Première spécialité SVT, dans la thématique « Variations génétiques et santé ». L’un de ces épisodes est construit autour du cas de la petite Anna, souffrant d’une infection résistante aux antibiotiques : l’occasion de réaliser un antibiogramme (virtuel à l’époque) et une étude génétique.
L’an dernier, j’ai eu l’idée d’adapter cette dernière mission pour mes 2ndes pour le thème du microbiote : les élèves doivent choisir entre un antibiotique efficace (à déterminer via un antibiogramme réalisé avec des produits de substitution) ou un traitement du microbiote.
Quels avantages de Genially et LearningApps pour l’apprentissage dans cette activité ?
Ces deux outils sont intéressants et complémentaires : Genially fournit une interface de jeu immersive et des interactivités variées (animations, fenêtres, liens…), LearningApps permet de créer rapidement de petits exercices interactifs et autocorrectifs intégrables dans Genially. J’utilise ces outils aujourd’hui uniquement en classe, sur le réseau de l’établissement, de manière à protéger les données des élèves.
Mais peu importent les outils : on pourrait très bien construire la même activité avec la plateforme Moodle Éléa, ou avec une page web. L’important ici est la combinaison entre une mise en situation immersive, des apports de connaissances, des documents à analyser, des exercices autocorrectifs permis par le numérique, et toujours le réel avec des manipulations en classe.
Comment les élèves réagissent à cette approche immersive et ludique ?
Généralement très bien ! Je leur demande de travailler par trois ou quatre, de telle sorte qu’ils se partagent certaines tâches, comme la consultation de la biblio médicale, ou encore la rédaction du compte-rendu sur un document collaboratif. Par contre les manipulations sont à faire à deux, voire seul.
Pour quels résultats ?
Les notions passent bien à condition de prendre le temps de faire une synthèse et de pointer les éléments importants à retenir. Proposer quelques exercices simples à faire ou refaire à la maison, indépendamment de la mission complète, aide aussi à fixer les connaissances.
Sur la dernière mission Microbiote réalisée, j’ai pu constater que la grande majorité avait compris les notions et enjeux, et réussi l’évaluation.
J’ai aussi eu plus de la moitié des élèves de la classe qui ont choisi la spécialité SVT pour la Première. Ce n’est bien sûr pas une activité en classe qui en est responsable, aussi plaisante soit-elle, mais j’aime à penser que le souci de l’immersion et les mécaniques ludiques utilisées au fil de l’année ont stimulé le plaisir d’apprendre et fait apprécier ma discipline, voire ont suscité ou confirmé quelques vocations…
Des conseils à donner aux enseignants qui souhaitent proposer l’activité ?
Il s’agit d’une vraie tâche complexe, avec de surcroît beaucoup d’outils numériques (même s’ils sont agrégés sur une seule interface) et du matériel réel à gérer. Je conseille de réserver ce type d’activité pour le 2e ou 3e trimestre, quand les élèves se connaissent, ont acquis un peu de maturité et d’organisation, et ont déjà rencontré indépendamment les outils numériques proposés (LearningApps, écriture collaborative…).
Tous les épisodes du Dr Housse que j’ai créés sont sur le site SVT Versailles, avec les liens, documents à imprimer, explications, etc. La lecture de ces articles vous fera gagner beaucoup de temps pour mettre en place ces activités.
Enfin, pour celles et ceux qui n’ont jamais tenté une approche ludique en classe, n’ayez crainte : cela se passe souvent très bien ! Osez vous lancer, quitte à commencer par des formats plus courts ou plus simples. Je conseille trois sites pour trouver des activités clés en main : Édubase, qui agrège de nombreux scénarios pédagogiques des académies (mots clés : jeu et SVT) ; S’CAPE, le site des escape games pédagogiques ; et enfin le site de la Team Ludens, dédié à la ludification et aux pédagogies actives.
Propos recueillis par Julien Cabioch