Le politique peut-il continuer longtemps encore à fermer les yeux sur les analyses et recommandations de la recherche ? La Direction de l’Evaluation, de la Prospective et de la Performance (DEPP) livre les premiers résultats d’une enquête sur les pratiques d’enseignement du français, Praesco, en classe de 3ème en 2021 : loin de l’idéologie des « groupes de niveaux », elle éclaire les difficultés et les horizons d’une prise en compte adaptée de l’hétérogénéité des élèves.
Difficulté : la différenciation ?
9 enseignant·es sur 10 jugent en effet que les écarts de niveaux entre les élèves et le temps à leur disposition pour aider les élèves en difficulté compliquent l’enseignement du français. Pour autant, les professeur·es de français « privilégient le travail collectif pour prendre en compte les erreurs de leurs élèves ». Ainsi la grande majorité mène la correction de l’ensemble d’une évaluation en classe, livre des commentaires généraux, fait retour uniquement sur les erreurs apparues dans de nombreuses copies. A l’inverse, une minorité sélectionne des réponses d’élèves pour les discuter en classe (37 %) ou organise une foire aux questions après un temps de lecture des copies. Durant une séance de langue, la prise en charge de l’hétérogénéité s’avère aussi limitée. L’étude de texte est souvent formatée : « 89 % des enseignants pratiquent fréquemment le questionnement guidé amenant les élèves à opérer des prélèvements dans le texte et 79 % travaillent la capacité d’inférence de leurs élèves en proposant, par exemple, un repérage de champs lexicaux. »
Horizon : la formation ?
L’importance de la formation est fortement soulignée par la DEPP. La formation continue a clairement un impact sur les pratiques : « Les enseignants ayant suivi une session de formation sur la différenciation ont un indice de fréquence de prise en compte de l’hétérogénéité des élèves (en proposant, par exemple, des parcours différenciés lors du travail sur la phrase complexe) supérieur de 0,29 point d’écart-type à celui des enseignants n’ayant pas suivi cette formation. Ceux ayant assisté à plusieurs sessions sur cette même thématique présentent un indice encore supérieur de 0,48 point d’écart-type. » La formation initiale exerce aussi une forte influence sur les pédagogies que déploient celles et ceux qui en sortent : « Constat saillant de cette analyse, les enseignants plus récemment entrés dans le métier prennent davantage en compte l’hétérogénéité des élèves (+ 28 points d’écart-type). Les enseignants ayant moins de 10 ans d’ancienneté sont par exemple 32 % à faire « souvent » ou « très souvent » travailler individuellement les élèves selon des parcours personnalisés contre 25 % en moyenne. De plus, ils fournissent plus fréquemment de l’aide aux élèves en difficulté (+ 31 points d’écart-type) en organisant, par exemple, une ou deux séances d’accompagnement personnalisé pour les élèves les plus en difficulté de leur classe. » Continue ou initiale, la formation favorise bel et bien « le fait d’utiliser l’activité de l’élève comme moteur des apprentissages » plutôt que « le recours à des corrections collectives, globales et mobilisant les élèves volontaires, pratique tenant peu compte des spécificités individuelles des élèves. »
Moralité : faire le choix de la pédagogie plutôt que de la ségrégation, redonner du temps et des moyens à la formation, changer de politique éducative ?
Jean-Michel Le Baut
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Groupes de niveaux : qu’en dit la recherche internationale ?