Comment construire l’esprit critique lors d’une séance de SVT ? Dans ce guide publié par l’académie de Rennes, les enseignants trouveront ressources pour diversifier leurs pratiques à la faveur de l’esprit critique. Méthodes, réflexes didactiques et de nombreux exemples sont explicités dans cette production.
Construire des bilans qui laissent place au doute
Le guide de 74 pages balaie les questions inhérentes à l’esprit critique : place du doute et des certitudes, liens avec les connaissances, complexité du réel, acceptation de l’erreur… L’idée est « d’avoir des références communes ». Ecoute, modestie, lucidité, autonomie et curiosité sont les maîtres mots mis en avant. « La quasi-totalité des bilans que l’on leur fait écrire reste trop souvent des bilans de connaissances où le doute initial a disparu », indiquent les rédacteurs qui précisent toutefois que « l’esprit critique ne s’exerce pas hors-sol mais bien sur un domaine et donc sera toujours associé à un corpus de connaissances ». Les auteurs donnent ainsi des pistes pour faire apparaître l’esprit critique dans les traces écrites en lien avec la démarche.
« Par exemple, en classe de 6ème, il convient de passer de « la cellule est une structure qui se compose d’une membrane, d’un cytoplasme et d’un noyau » à plutôt « on observe au microscope qu’une cellule est une structure … ». « En sciences, il n’y a pas de vérités. Toute conclusion est provisoire », rappellent les auteurs. Dans le document téléchargeable au format PDF, les enseignants pourront s’emparer du fiabilitomètre. « L’idée est simple : quand les élèves se retrouvent devant une information, on leur demande d’évaluer sur une échelle de 1 à 10 sa fiabilité ». L’outil est qualifié de première approche qui permet « de placer l’élève dans un doute intermédiaire qui sort des raisonnements binaires ».
Les auteurs conseillent d’utiliser ce fiabilitomètre lors de la phase de problématisation et lors de la recherche de données. « Faire preuve d’esprit critique c’est aussi comprendre qu’un seul fait ne suffit pas à la fiabilité d’une information donnée ». Des schémas indiquent aux enseignants les moments propices de la séquence pédagogique où l’on peut favoriser l’esprit critique. Reproductibilité des résultats, généralisation d’un phénomène ou tester le réel sont autant de pistes pour « renforcer les preuves ».
Tenir un discours simplifié mais pas simpliste
Les enseignants sont aussi appelés à être vigilants sur la didactisation de leurs documents. « Attention à la surdidactisation ». Il est conseillé d’éviter les biais des médias quand ils vulgarisent et aussi de ne pas oublier d’inclure les méthodes à l’origine des données étudiées en classe. « Il faut manier la didactisation avec prudence pour rendre un discours simplifié mais non simpliste, un discours nuancé mais non dogmatique. Cette posture didactique contribue à l’exercice de l’esprit critique en sciences ».
D’ailleurs, la nouvelle mouture des ECE (évaluations des compétences expérimentales) au bac tend aussi à valoriser l’esprit critique des lycéens. « Exercer son esprit critique est donc aujourd’hui une compétence explicitement évaluée dans l’épreuve d’ECE. Il ne faudrait cependant pas en faire un exercice exclusif de l’ECE mais bien une pratique fréquente et normale d’un cours de sciences ».
Les auteurs concluent par les « ennemis de l’esprit critique ». On retrouvera le biais cognitif. L’exemple choisi est celui de l’Amazonie : « une personne qui a toujours entendu que l’Amazonie est le poumon de la Terre, que la déforestation est grave et que les végétaux produisent de l’oxygène à la lumière, si on lui pose cette question « L’oxygène de l’atmosphère vient surtout des forêts ou des océans ? », que répondra-t-elle automatiquement ? La forêt… ».
L’émotion, le complotisme et la rhétorique sont d’autres ratés de l’esprit critique. Les auteurs s’amusent avec le post hoc ergo propter
hoc (penser que quelque chose est la cause d’une autre parce cette dernière est advenue juste après). »J’ai pris 3 granules et le lendemain je n’étais plus grippé. Oui, mais tu as aussi pris un café et lendemain tu n’avais plus la grippe non plus… ».
Finalement, il faudrait peut-être envisager également des cours de rhétorique au collège et au lycée.
Julien Cabioch
Dans le Café
L’impérieuse nécessité d’éduquer à la critique et à l’esprit critique